Effata ! Ouvre-toi !
Effata ! Ouvre-toi ! Cette parole de Jésus au sourd-muet est plus qu’une parole de guérison pour nous qui l’entendons aujourd’hui. Elle est une vraie parole de vie, un véritable art de vivre chrétien que nous nous devons de mettre en pratique. Les lectures que nous avons entendues ce matin nous précisent chacune en quoi consiste cet art de vivre.
Effata ! Ouvre-toi ! Certes, cette parole ne figure guère dans les paroles du prophète Isaïe. Et pourtant, c’est bien à une ouverture au Dieu qui vient rétablir la justice qu’il nous invite. Dieu n’en plus des injustices, Dieu n’en peut plus d’une humanité qui souffre ; il va venir se venger, il va exercer son droit de revanche. Un langage guerrier pour des actes de justice : les yeux des aveugles s’ouvriront, ainsi que les oreilles des sourds. Le boiteux bondira, et le muet criera de joie. L’eau jaillira dans les déserts. Telle est la vengeance du Seigneur ! Telle est son œuvre au milieu de nous.
L’humanité doit s’ouvrir ainsi à ce Dieu qui vient pour ne pas se méprendre sur la vengeance de Dieu. Il ne s’agit pas pour le croyant de se radicaliser ou d’exclure, mais de voir Dieu à l’œuvre, de laisser Dieu agir dans le cœur et dans la vie des hommes. La vengeance de Dieu, ce n’est pas une armée de croyants qui s’élèverait contre les non-croyants à force de combats sanglants. La vengeance de Dieu, c’est de faire triompher la justice et l’amour dans un monde qui s’en est privé. L’art de vivre de Dieu que le croyant doit imiter, c’est cela.
Effata ! Ouvre-toi ! C’est aussi ce que semble dire saint Jacques aux chrétiens qui n’agissent plus dans cet amour que Dieu nous propose de vivre. Ouvre-toi au Dieu qui ne sélectionne pas sur des critères de richesse ; ouvre-toi au Dieu qui t’invite à considérer le pauvre comme celui que Dieu préfère parce qu’il est celui qui a besoin de l’autre, besoin de toi, besoin de Dieu. Ne t’attache pas aux choses qui passent (gloire et richesse), mais attache-toi à ceux que Dieu a choisi pour manifester sa bonté envers tous. Si, d’un pauvre aux yeux du monde, il peut faire un riche dans son Royaume, alors mesure ce qu’il peut faire pour toi.
L’humanité doit s’ouvrir à ce Dieu qui ne juge pas sur l’apparence ou la possession de richesse. Le Dieu de Jésus Christ est bien le Dieu des béatitudes, le Dieu du Magnificat. Nous pourrons partager son bonheur si nous vivons cet esprit singulier qui renverse les valeurs communément admises pour entrer pleinement dans la manière de voir de Dieu. Respecter la dignité de chacun, qu’il soit pauvre ou riche, accueillir chacun pour ce qu’il est (un porteur du Christ) et non sur des critères extérieurs, voilà l’art de vivre qu’il nous faut entretenir.
Effata ! Ouvre-toi ! En prononçant ces mots pour le sourd-muet, Jésus l’introduit pleinement dans ce monde nouveau qu’il est venu inaugurer. Un monde d’où personne n’est exclu, un monde dans lequel le Mal n’a plus cours. En lui rendant l’ouïe, il le rend capable d’entendre les appels de Dieu à construire ce monde nouveau. En lui rendant la parole, il le rend capable de témoigner de ce Dieu qui tient les promesses faites jadis par les prophètes. Il est désormais comme les autres, entendant et parlant. Mais curieusement, Jésus lui impose le silence : n’étant pas encore passé par la croix, il ne peut être reconnu vraiment comme le Fils de Dieu.
Aujourd’hui, nous ne sommes plus soumis à cet interdit. Nous marchons à la suite de Jésus comme ce sourd-muet, mais nous marchons surtout à la suite du Christ, celui-là qui a affronté la mort et l’a vaincue. Ce monde nouveau qu’il annonçait par cette guérison, ce monde qui alors ne pouvait être révélé tant que subsistait un risque d’erreur quant à son interprétation, ce monde est désormais advenu. La mort et la résurrection du Christ nous ont fait entrer dans ce monde nouveau, libéré de tout Mal. Alors ouvrons-nous pleinement à ce monde, vivons comme Dieu nous le demande, et proclamons les merveilles qu’il a faites pour nous. Jésus Christ te le redit : Effata ! Ouvre-toi !
(Image de Jean-Yves DECOTTIGNIES, in Mille dimanches et fêtes, Année B, éd. Les Presses d'Ile de France)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire