Moïse & Jésus : même combat ! C’est ce qui m’est venu spontanément à l’esprit lorsque j’ai découvert les textes de ce dimanche. En effet, en juxtaposant la première lecture et l’Evangile, je dois bien constater que ce sont les mêmes attitudes qui entraînent des paroles identiques.
A son époque, Moïse était, pendant longtemps, celui à qui Dieu parlait. Le seul, semble même nous dire les textes bibliques, à qui Dieu parlait à ce moment-là ! C’est Moïse qui a été choisi pour faire sortir le peuple d’Egypte ; c’est Moïse qui le conduit vers la Terre Promise ; c’est à Moïse qu’est donnée la Loi de Dieu ; c’est par Moïse que Dieu éduque patiemment son peuple. Ils sont nombreux les passages où ce peuple marque une certaine crainte devant Dieu et il est plutôt heureux, je crois, de laisser Moïse aller au devant de Dieu. Personne ne songe à lui disputer cette place-là. Quoi que fasse le peuple, Moïse est là, entre le peuple et Dieu. A tel point qu’un jour, Moïse en a ras-le-bol ! Il n’en peut plus de ce peuple qui tantôt geint, tantôt se révolte contre Dieu, tantôt s’en prend à Moïse. Et Dieu vient au secours de son serviteur et lui adjoint 70 anciens pour le seconder dans sa charge. Il parle avec Moïse et distribue une part d’Esprit Saint qui repose sur Moïse aux 70 anciens. Rien d’extraordinaire, me direz-vous ! Certes ! Mais voilà que deux des anciens n’étaient pas au lieu même où se tenait Moïse et les autres. Et pourtant ils ont reçu leur part. Josué, successeur de Moïse, s’en apercevant, veut que Moïse les fasse taire. Ils n’étaient pas là au moment de la distribution.
Des siècles plus tard, Jésus, nouveau Moïse partageant l’intimité de Dieu, proclame la Parole de Dieu, pose des signes, envoie ses disciples faire de même. Et voilà que l’un d’eux, Jean, vient dire à Jésus que d’autres, qui ne sont pas de leur groupe, posent des signes en son nom. Il veut les en empêcher. Après tout, ils ne sont pas disciples du Christ ! Que savent-ils de lui ? Comment peuvent-ils parler et agir en son nom ? Ils n’ont même pas été appelé à le suivre !
Serais-tu jaloux pour moi ?, interroge Moïse. Ne les empêchez pas, répond Jésus. Chacun, à son époque, a bien conscience que l’œuvre de Dieu est sans limite. Dieu peut agir dans le cœur des hommes, même en-dehors des limites du peuple qu’il s’est choisi. Dieu peut faire le bien par des hommes qui ne sont pas de son Eglise. Et nous touchons là du doigt un grand danger pour la vie spirituel : ce danger consiste à croire qu’il existe une race de purs, une caste de gens autorisée à parler et agir au nom de Dieu et que les autres n’ont qu’à bien se tenir. Cela fait un peu cours de récréation à l’école maternelle : tu n’es pas de mon groupe : tu ne peux pas jouer avec nous ! Sommes-nous donc propriétaires de Dieu ? Sommes-nous dépositaires de ses droits d’auteur sous prétexte que, par notre baptême, nous sommes ses héritiers ? N’y a-t-il que ceux qui appartiennent à une chapelle précise qui ont le droit d’agir et de parler au nom de Dieu ? Ou bien, formulé autrement, Dieu est-il prisonnier de son Eglise, de son peuple ? Dieu ne serait-il plus libre d’agir comme bon lui semble, de toucher le cœur de tous les hommes ? Ne les empêchez pas, dit Jésus ; qui n’est pas contre nous est pour nous. Il existe, heureusement, des non pratiquants qui sont capable de faire le bien, selon l’Evangile.
Ce qui est vrai à l’extérieur de l’Eglise est vrai aussi à l’intérieur de l’Eglise. Je m’explique. Il y a différents groupes pour faire « fonctionner la boutique », différentes charges à exercer : pour la liturgie, il faut une chorale, des instrumentistes, des servants, des lecteurs ; pour l’annonce de la Parole, des prêtres, des diacres, des catéchistes… Cela signifie-t-il qu’il n’y a que la chorale qui puisse chanter les louanges de Dieu et donc que je reste silencieux dans mon banc ? Qu’il n’y a que les prêtres ou les catéchistes qui peuvent parler de Dieu et que je reste chez moi plutôt que d’accompagner un groupe d’enfants vers un sacrement ? Quand Moïse et Jésus interviennent auprès de leurs proches, ils leur font comprendre que l’Esprit de Dieu est donné largement ; il ne se limite pas à un clan, une caste, une fonction. D’autres peuvent être appelés. Moïse rêve même d’un jour où tout le peuple serait peuple de prophètes. Et nous disons, lorsque nous célébrons un baptême, que nous sommes, à la suite du Christ, prêtre, prophète et roi. Chacun. Avec chacun une responsabilité à assumer. Chaque membre de l’Eglise se doit de chanter les louanges de Dieu parce qu’il participe au sacerdoce du Christ. Chaque membre de l’Eglise se doit d’annoncer les merveilles de Dieu parce qu’il participe à la mission prophétique du Christ. Chaque membre de l’Eglise se doit de gouverner sa vie selon l’Evangile du Christ parce qu’il participe à la royauté du Christ.
Nos paroisses vivent en ce moment leur rentrée ; vos prêtres feront probablement appel à vous. Souvenez-vous que vous avez reçu largement l’Esprit de Dieu. Aucun de vous n’a manqué la distribution des prix ! Chacun de vous a une place à tenir ; chacun de vous peut encore recevoir de Dieu la grâce d’accomplir la mission à laquelle il peut être appelé par la communauté et son pasteur. Ne soyez jaloux de personne et restez au service de tous. N’empêchez personne et ne vous empêchez pas non plus. C’est Dieu qui construit, nous ne sommes que ses instruments. Amen.
(Dessin de la Revue "Images pour notre paroisse, n° 201)
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