Parlez-nous d’amour, seulement d’amour ! Pour certains de nos contemporains, cette affirmation est un bon résumé de ce que les Eglises doivent dire. Parler d’amour, témoigner de l’amour. Qu’importe qu’il s’agisse de l’amour de Dieu ou des hommes. Parler d’amour devient un moyen d’éviter tout le reste ; le quotidien, les grandes questions de la vie, la morale. Parler d’amour semble être devenu le meilleur moyen d’éviter les conflits et les sujets délicats, en vertu d’un axiome qui voudrait que « Qui parle d’amour ne fait pas de tort aux autres ».
Parlez-nous d’amour, seulement d’amour ! C’est déjà ce qui était demandé à Jésus. Tant que Jésus proclame qu’il faut « aimer Dieu et son prochain », personne ne trouve rien à redire. Mais dès qu’il s’aventure sur d’autres chemins, les hommes ne sont plus prêts à le suivre. Et pourtant, chaque parole de Jésus est marquée du sceau de l’amour. Chaque mot prononcé par lui est une invitation à aimer mieux, à aimer plus grand. Alors comment se fait-il que certaines de ses paroles ont du mal à être entendues ?
Parlez-nous d’amour, seulement d’amour ! C’est bien ce que Jésus fait aujourd’hui, lorsqu’il aborde la délicate question du divorce. Puisqu’il parle si bien de l’amour, voilà que des gens, pour mettre Jésus dans l’embarras, l’interrogent sur les limites de l’amour, sur la fin de l’amour. « Est-il permis à un homme de renvoyer sa femme ? » La question est claire : ai-je le droit de dire à ma femme : va-t-en ; je vais me trouver (ou je me suis trouvé) une nouvelle compagne. Comment le prophète de l’amour va-t-il s’en sortir ? S’il répond par l’affirmative, ne remet-il pas en cause son enseignement ? L’amour ne serait-il pas éternel ? S’il répond par la négative, ne va-t-il pas bloquer des hommes et des femmes dans des situations de conflits, souvent difficile à résoudre ? Le piège est en place. La réponse de Jésus est attendue.
Parlez-nous d’amour, seulement d’amour ! C’est au nom de l’amour que Jésus va répondre par deux affirmations. D’abord, il renvoie les hommes à leur cœur. Si vous n’aviez pas le cœur endurci, si vous ne souffriez pas de « sclérose du cœur », jamais Moïse n’aurait permis d’établir un acte de répudiation. Cœur endurci, cœur fermé à l’amour véritable : voilà l’obstacle majeur à l’amour éternel, l’amour sans limite de temps. Et nous voici renvoyés à nos manières d’aimer et d’envisager l’amour humain. Est-ce simplement la réponse à une pulsion humaine ? Est-ce quelque chose qui vient de moi ou qui m’est donné par un autre ?
La deuxième affirmation de Jésus répond à ces questions : « Au commencement du monde, quand Dieu créa l’humanité, il les fit homme et femme. C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un. Donc, que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni ». En reprenant ainsi les mots de la Genèse, Jésus affirme clairement l’union profonde qui unit un homme et une femme. Cette union est telle qu’ils ne font plus qu’un. Deux corps, mais une seule âme, un seul cœur. Inséparable ! Cette indissolubilité ne vient pas des hommes ; elle vient du fait que lorsqu’un homme et une femme s’unissent, ils entrent dans le projet d’amour de Dieu ; ils répondent à l’appel de Dieu. C’est Dieu qui les unit l’un à l’autre ; c’est Dieu qui les unit à son amour. L’indissolubilité vient de là : de la présence de Dieu à cet amour unique qui unit un homme et une femme. Dieu ne revient jamais sur l’amour qu’il a donné. En offrant son amour et sa fidélité à ceux qui unissent leur vie dans le mariage, Dieu se donne totalement, définitivement. Il scelle une alliance d’amour que rien ne peut rompre, parce que Dieu ne peut revenir sur sa Parole donnée. Nous voici renvoyés à notre être profond. Plus que des hommes de chair et de sang, nous sommes des êtres spirituels, appelés à vivre la sainteté de Dieu à travers nos engagements humains. Ceux qui choisissent de s’unir devant Dieu deviennent des témoins de l’amour éternel et tout-puissant de Dieu. S’ils s’appuient sur ce don offert, s’ils accordent à Dieu la place qui est la sienne au cœur de leur vie, ils découvriront véritablement l’amour qui ne finit pas, l’amour qui ne se flétrit pas.
Parlez-nous d’amour, seulement d’amour ! En refusant d’entrer dans le jeu du permis / défendu que proposent les pharisiens, Jésus nous place d’emblée devant nos responsabilités face à l’amour. Il ne suffit pas de s’aimer pour bâtir une vie à deux. Il ne suffit pas de répondre à l’appel du corps pour qu’une union soit stable. Il faut d’abord et avant tout entrer dans le projet créateur de Dieu, le projet de tous les commencements. Un commencement que Dieu a fait pour l’homme et la femme ; un commencement qui nous dit la présence permanente de Dieu à l’amour des hommes. Lorsque notre amour humain est frappé de limite, lorsque notre amour humain est réduit par un cœur endurci, il nous faut nous souvenir de celui qui est la source de l’amour. En nous invitant à regarder le commencement, Jésus ne nous invite pas à la résignation devant un amour devenu impossible. Il nous invite d’abord à mieux réfléchir avant de nous lancer dans un commencement qui doit être créateur d’amour. L’amour ne s’invente pas, l’amour ne se crée pas : l’amour se reçoit. Sommes-nous prêts à recevoir de Dieu l’amour qu’il veut nous confier ?
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