Jeunes loups aux dents trop longues ou terriblement audacieux, Jacques et Jean, dans leur demande ? Jaloux ou réellement choqués, les dix autres lorsqu’ils entendent les deux premiers jouer des coudes ? Ne jugeons pas trop vite ; ne condamnons pas trop hâtivement ! Tout est, comme souvent, une question de regard.
A voir le mal partout, la demande de Jacques et Jean peut fort bien ressembler à une opération « pousse-toi de là que je m’y mette ! » N’est-ce pas notre première réaction à la lecture du texte ? En voilà deux qui veulent jouer des coudes et ils se font bien avoir au final, ce qui est bien fait pour eux. Ils ne sont pas assurés de siéger à droite et à gauche du Christ, mais ils devront boire le calice jusqu’à la lie !
Pourtant, un autre regard me fait admirer Jacques et Jean pour leur audace. Jésus marche vers Jérusalem, donc vers sa mort. Il marche sans doute en avant de ses disciples, le pas sûr. Voilà que deux d’entre eux, forçant un peu le pas, arrivent à sa hauteur et l’interrogent : « Accorde-nous de siéger l’un à ta droite et l’autre à ta gauche dans ta gloire ». Ne faut-il pas du courage, à ce moment précis de l’histoire de Jésus, pour lui demander la grâce d’être finalement toujours avec lui, toujours au plus proche de lui ? Je vous accorde bien volontiers qu’ils ne savent pas ce qu’ils demandent. Mais leur désir est sincère : être toujours avec celui qui est leur Maître. Alors, on peut le leur reprocher, mais reconnaissons que c’est une belle preuve d’attachement. Jésus leur a annoncé par trois fois qu’il allait vers sa mort, et ces deux là expriment, maladroitement certes, leur désir d’être toujours avec Jésus. Ils ne savent pas que la coupe que Jésus leur propose de boire, est la coupe du rejet, et le baptême, un plongeon dans la mort. Mais ils y vont, presque bille en tête ! Je crois vraiment que Jésus les a aimés pour cela, ces deux têtes brûlées et leur demande surprenante.
Ne devrait-ce pas être là notre désir : être toujours avec Jésus, toujours au plus près de lui ? Ne devrait-ce pas être notre attitude et notre réponse à l’appel de Jésus à le suivre que ce « nous le pouvons » plein d’assurance ? Comme j’aimerais avoir leur audace et leur désir ; comme j’aimerais pouvoir dire qu’avec Jésus je veux aller jusqu’au bout, quelles qu’en soient les conséquences ! Jacques et Jean ont un côté risque tout qui force mon admiration.
Comme il n’y a qu’une droite et une gauche autour de Jésus, que deviennent alors les dix autres ? Ils s’indignent, comme nous nous indignons lorsque quelqu’un prend la place que nous estimions nous être due. Ils s’indignent, parce qu’ils craignent peut-être de n’être pas reconnus dans ce qu’ils ont fait, font ou feront encore avec et pour Jésus. Ne sommes-nous pas tous travaillés par les questions de reconnaissance, de pouvoir, d’autorité et de gloire ? Quel sentiment habite mon cœur quand je sens que cela va m’échapper, qu’un autre m’est préféré ? Quand le don de moi que je fais à ma famille, à l’Eglise, aux autres, n’est pas gratifié ? Quand mon travail n’est pas reconnu ? (Régine MAIRE, La Croix 21 octobre 2006). Ils sont terriblement humains, ces dix-là, comme Jacques et Jean.
Nous pourrions être déçus de ce que le groupe des Douze ne soit pas plus soudé. Nous pourrions être déçus de ces querelles de chiffonniers de la part de ceux que Jésus lui-même a appelé pour le suivre. Avec tout le recul que nous avons, nous pourrions croire qu’ils n’ont rien compris. Forcément, eux, ils n’ont pas lu l’Evangile comme nous le faisons aujourd’hui, ils en sont les acteurs. Et pour cela, nous devons les remercier. Les remercier parce que leur attitude, aux uns et aux autres, nous vaut cette belle leçon de vie, ce dernier enseignement de la part de Jésus : parmi vous, il ne doit pas en être comme chez les grands de ce monde. Parmi vous, celui qui veut devenir grand sera votre serviteur. Nous serons près de Jésus comme le veulent Jacques et Jean lorsque nous nous ferons serviteurs les uns des autres. Nous serons ses disciples authentiques lorsque nous aurons abandonné nos rêves de gloire et de puissance pour être signe de Jésus, serviteur de tous, donnant sa vie par amour de nous. Voilà le chemin de la grandeur que Jésus nous enseigne : servir, servir Dieu et servir les autres. Toujours. Sans rien n’attendre en retour que la joie d’être avec Jésus, dès maintenant et pour toujours. Servir, parce que Jésus lui-même est venu pour servir. Si nous voulons être ses disciples, comment pourrions-nous y échapper ? Amen.
(Dessin de Coolus, Blog du Lapin bleu)
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