Tout
ça pour ça ! A croire qu’il ne sait pas ce qu’il veut, le bon Dieu. Une
bonne colère, une sainte colère, ce n’est quand même pas la mer à boire. Bien sûr,
il y a le souvenir du déluge, grosse colère divine, qui avait tout ravagé et la
promesse de Dieu de se retenir à l’avenir. Mais sans en arriver à cette
extrémité, une bonne punition semblait s’imposer. Que nenni !
Tout avait pourtant bien commencé. Le peuple sauvé d’Egypte, s’ennuyant probablement de l’absence de Moïse parti sur sa montagne pour converser avec Dieu, a fondu tout l’or qu’il possédait pour se faire un dieu qu’il peut voir et toucher, lui qui avait si longtemps vu en terre d’esclavage les représentations des dieux égyptiens. N’est-ce pas, c’est plutôt rassurant d’avoir une image, une statue que l’on peut voir : une chose qu’on voit est une chose qui existe. Car ce Dieu qu’on ne voit pas, existe-t-il seulement ? Ils fondent donc tout leur or et se font… un veau ! Si c’est ça l’image qu’ils se font de leur Dieu, je comprends que celui-ci se mette en colère ! Enfin, un veau, quoi ! Le petit de la vache qui tète encore sa mère ; c’est peut-être mignon, mais ça s’arrête là ! C’est ça le Dieu fort qui les a sauvés d’Egypte ? Quel manque d’imagination, vraiment. Quel manque de foi, surtout ! Moïse absent un peu plus longtemps que prévu, et déjà c’est panique à bord. Fabrique-nous un dieu qui marche devant nous, car nous ne savons pas ce qui est arrivé à Moïse, l’homme qui nous a fait sortir d’Egypte. Comme si Moïse y était pour quelque chose, dans cette libération ! Le peuple semble n’avoir pas compris que c’est Dieu qui mène la danse, c’est lui qui conduit l’histoire. Que Moïse soit présent ou pas, c’est Dieu qui reste le personnage important ; et on ne le remplace pas par n’importe quoi ! Et on ne le représente pas n’importe comment !
Nous pouvons nous interroger alors sur la figure choisie pour représenter Dieu. Pourquoi un veau ? Pourquoi pas un animal plus fort, plus assuré, plus protecteur ? Le veau, c’est l’animal qu’il faut élever, dont il faut prendre soin, dont l’homme reste le maître finalement. N’y a-t-il pas, derrière cette figure, le désir du peuple de rester maître de lui et maître de Dieu ? N’exprime-t-il pas, par ce choix, son désir de contrôler Dieu, plutôt que de lui confier sa vie ? Le choix du veau n’exprime-t-il pas le manque de foi, le manque de confiance en Dieu qui seul est Maître du temps et de l’histoire ? Même si le peuple est prêt à se prosterner devant un veau, il n’en reste pas moins prêt à le dévorer, ce veau. C’est si pratique, un Dieu qu’on peut garder sous la main, un Dieu qu’on commande, un Dieu à notre mesure, qui n’effraie personne, qui peut même être mignon, mais qui ne change rien finalement à notre existence. A force de se faire un Dieu à sa mesure, le peuple exprime bien son désir de n’avoir aucun vrai maître. Ils ont fondu l’or pour en faire un veau ; ils pourront fondre le veau pour en faire des bijoux quand ils se seront lassés de ce ruminant. Des siècles après, n’avons-nous pas la même tentation, celle de nous faire un Dieu à notre image plutôt que d’accepter d’être une humanité à l’image de Dieu ? Ne fondons-nous pas encore quelque veau d’or dans le secret de nos existences pour avoir un Dieu à notre mesure, un Dieu que nous contrôlons, un Dieu que nous maîtrisons ?
Tout avait pourtant bien commencé. Le peuple sauvé d’Egypte, s’ennuyant probablement de l’absence de Moïse parti sur sa montagne pour converser avec Dieu, a fondu tout l’or qu’il possédait pour se faire un dieu qu’il peut voir et toucher, lui qui avait si longtemps vu en terre d’esclavage les représentations des dieux égyptiens. N’est-ce pas, c’est plutôt rassurant d’avoir une image, une statue que l’on peut voir : une chose qu’on voit est une chose qui existe. Car ce Dieu qu’on ne voit pas, existe-t-il seulement ? Ils fondent donc tout leur or et se font… un veau ! Si c’est ça l’image qu’ils se font de leur Dieu, je comprends que celui-ci se mette en colère ! Enfin, un veau, quoi ! Le petit de la vache qui tète encore sa mère ; c’est peut-être mignon, mais ça s’arrête là ! C’est ça le Dieu fort qui les a sauvés d’Egypte ? Quel manque d’imagination, vraiment. Quel manque de foi, surtout ! Moïse absent un peu plus longtemps que prévu, et déjà c’est panique à bord. Fabrique-nous un dieu qui marche devant nous, car nous ne savons pas ce qui est arrivé à Moïse, l’homme qui nous a fait sortir d’Egypte. Comme si Moïse y était pour quelque chose, dans cette libération ! Le peuple semble n’avoir pas compris que c’est Dieu qui mène la danse, c’est lui qui conduit l’histoire. Que Moïse soit présent ou pas, c’est Dieu qui reste le personnage important ; et on ne le remplace pas par n’importe quoi ! Et on ne le représente pas n’importe comment !
Nous pouvons nous interroger alors sur la figure choisie pour représenter Dieu. Pourquoi un veau ? Pourquoi pas un animal plus fort, plus assuré, plus protecteur ? Le veau, c’est l’animal qu’il faut élever, dont il faut prendre soin, dont l’homme reste le maître finalement. N’y a-t-il pas, derrière cette figure, le désir du peuple de rester maître de lui et maître de Dieu ? N’exprime-t-il pas, par ce choix, son désir de contrôler Dieu, plutôt que de lui confier sa vie ? Le choix du veau n’exprime-t-il pas le manque de foi, le manque de confiance en Dieu qui seul est Maître du temps et de l’histoire ? Même si le peuple est prêt à se prosterner devant un veau, il n’en reste pas moins prêt à le dévorer, ce veau. C’est si pratique, un Dieu qu’on peut garder sous la main, un Dieu qu’on commande, un Dieu à notre mesure, qui n’effraie personne, qui peut même être mignon, mais qui ne change rien finalement à notre existence. A force de se faire un Dieu à sa mesure, le peuple exprime bien son désir de n’avoir aucun vrai maître. Ils ont fondu l’or pour en faire un veau ; ils pourront fondre le veau pour en faire des bijoux quand ils se seront lassés de ce ruminant. Des siècles après, n’avons-nous pas la même tentation, celle de nous faire un Dieu à notre image plutôt que d’accepter d’être une humanité à l’image de Dieu ? Ne fondons-nous pas encore quelque veau d’or dans le secret de nos existences pour avoir un Dieu à notre mesure, un Dieu que nous contrôlons, un Dieu que nous maîtrisons ?
La colère de Dieu se comprend donc. Mais alors pourquoi ne va-t-il pas au bout de cette colère ? Parce qu’il n’est pas un veau, justement, il n’est pas un animal qui suit le troupeau. Le Dieu que le peuple a refusé de voir est le Dieu qui se laisse fléchir par Moïse. Ce dernier rappelle à Dieu toute son œuvre de salut et la promesse faite aux Pères dans la foi. Comment Dieu pourrait-il se renier ? Ce n’est pas parce que le peuple s’est fondu un veau que Dieu doit se conduire comme en animal en furie. Moïse reste solidaire de ce peuple qu’il a conduit, au nom de Dieu, dans ce désert, en route vers la Terre promise jadis à Abraham. Il demande à Dieu de rester fidèle à ce peuple qu’il est venu sauver. Peut-être que le sauver d’Egypte n’était pas suffisant. Peut-être faut-il encore que Dieu sauve ce peuple de lui-même, de son inconstance, de sa nuque raide. Peut-être que Dieu doit encore gagner ce peuple à sa cause, à son amour, à son pardon. Le Seigneur renonça donc au mal qu’il avait voulu faire à son peuple. Là où un homme aurait frappé de colère, Dieu pardonne par amour. Il exercera sa justice, mais ne se vengera pas. N’en est-il pas encore ainsi aujourd’hui pour nous ? Malgré notre faiblesse, malgré notre péché, Dieu ne nous détruit pas : il reste fidèle à sa promesse, il reste fidèle à son dessein de salut : l’homme est fait pour vivre, pour vivre libre. Dieu y veille, toujours et encore. Et chacune de nos eucharisties est action de grâce pour l’œuvre de Dieu en notre faveur. Même si quelquefois nous doutons de sa présence et lui préférons des veaux d’or modernes, Dieu reste fidèle à l’humanité qu’il a créée.
En agissant ainsi, Dieu se révèle à l’homme différent de toutes les représentations que l’homme pourrait faire de lui. Si notre Dieu ne se voit pas, il se laisse pourtant chercher ; si notre Dieu ne se touche pas, il se révèle pourtant proche de l’homme, intervenant en sa faveur, pour qu’il vive. Il est comme ce berger qui prend soin de toutes ses brebis et qui n’hésite pas à chercher celle qui s’est égarée. Il est comme cette femme qui ne ménage pas sa peine pour retrouver la pièce perdue et qui se réjouit avec son entourage quand elle l’a retrouvée. Il est comme ce père qui veille au balcon de sa maison et qui guette le retour de ce fils qui a voulu vivre sa vie, dans une liberté mal comprise et mal utilisée, et qui fait la fête lorsque le prodigue revient ! Avec un tel Dieu, là où le péché a abondé, la grâce surabonde ! Ne craignons pas un tel Dieu, mais venons à lui avec confiance et espérance : le Seigneur renonce au mal et nous prépare une fête qui jamais ne finira. A lui, honneur et gloire pour les siècles des siècles. Amen.
(Tableau de Nicolas POUSSIN, Le veau d'or)
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