Sans vouloir
faire beaucoup de politique, permettez que j’aborde aujourd’hui la question
induite par Paul dans sa première lettre
à Philémon : pourquoi faut-il prier
pour les chefs d’Etat et tous ceux qui ont des responsabilités ? Si
Paul donne une première réponse (que nous
puissions mener notre vie dans le calme et la sécurité), il me semble
pourtant que, dans un état qui met en place des chartes pour la laïcité, la
question se pose à frais nouveaux et mérite notre attention. Je voudrais vous
indiquer trois raisons qui me semblent justifier cette demande de Paul.
Il nous faut
prier pour les responsables publics, non pas parce qu’ils seraient à convertir,
mais pour qu’ils soient conscients d’être responsables du bien commun. Le bien
commun, c’est ce qui nous permet de vivre tous ensemble, sans stigmatiser un
groupe, sans en exalter un autre. Le responsable politique, s’il est porté par
un parti ou une idéologie, une fois élu, devient l’élu de tous. Il n’est plus
d’un parti, d’une religion ou d’une idéologie : il doit veiller à ce que
tous puissent vivre ensemble, dans le respect et la concorde. Nous savons tous
que cela n’est jamais facile, ni évident : le voisin est supportable tant
qu’il est d’accord avec moi. Mais s’il sort de la bonne pensée, il est à
écraser, à éliminer. Prier pour nos responsables publics devient une obligation
pour nous qui devons avoir à cœur de
construire dès ici-bas des conditions de vie aussi proches que possible du
Royaume dont nous attendons la venue. Même s’ils ne sont pas de mon Eglise, de
ma religion, de mon parti, je peux avoir à cœur de les porter devant Dieu afin
que celui-ci leur révèle quelle est sa volonté, comment servir au mieux le bien
de tous ceux dont ils ont la charge. L’histoire du peuple que Dieu s’est choisi
dans la première alliance nous montre bien que chaque fois que son peuple était
fidèle au projet de Dieu, il connaissait la paix ; chaque fois qu’il s’en
éloignait, ce n’était plus que ruine et désolation.
Il nous faut
encore prier pour les responsables publics, non pas parce qu’ils seraient
naturellement, voire ontologiquement pervertis ou corrompus, mais pour qu’ils
aient toujours conscience qu’ils sont au service d’hommes et de femmes concrets.
L’homme politique n’est pas élu pour lui-même ; il est élu pour nous, pour
nous conduire, nous inviter à aller de l’avant, pour nous donner un nouvel
élan. Si nous avons besoin d’eux, ils ont besoin de nous, pas seulement au
moment des campagnes électorales, mais tous les jours. Si je vois mal ce que
peut donner un peuple sans dirigeant, je ne vois pas du tout à quoi sert un
dirigeant sans peuple à guider ! Il aura beau manier de belles
idées : si elles ne permettent pas à notre humanité de grandir, elles ne
servent à rien. L’humain n’est pas un concept à manier ; l’humain, c’est
toujours des hommes, des femmes, des enfants très concrets, avec une vie très
réelle, qu’il faut améliorer quelquefois, soutenir toujours, pour que cette vie
soit belle et épanouissante. Qui, mieux que Dieu, qui est le Maître du temps et
de l’Histoire, peut le mieux nous indiquer comment rendre notre histoire
personnelle et notre histoire commune plus belles pour tous ? N’est-il pas
entré en alliance avec nous pour nous sauver et nous inviter à la vraie
joie ? Son projet n’est-il pas que nous soyons vraiment heureux et libres,
dès cette vie ?
Il nous faut
enfin prier pour les responsables publics parce que c’est nous qui les
choisissons. Je sais bien que nous serions tous de meilleurs maires, conseiller
généraux ou régionaux, députés ou sénateurs, voire président que ceux qui sont
en place tout au long des jours, sauf quand il s’agit d’y aller et de mouiller
sa chemise. La politique de salon est tellement mieux que la politique réelle.
Prier pour eux, c’est aussi une manière
de prier pour nous. Nous avons les hommes et les femmes politiques que nous
méritons. Si nous votons par défi, par sanction, ou en nous posant en donneur
de leçon, ne nous étonnons pas du résultat ! Nous ne pouvons pas nous
plaindre que des lois quelquefois contraires au bon sens soient votées, si
nous-mêmes ne faisons pas preuve de bon sens au moment de choisir nos élus. Prier
pour nos responsables publics, c’est aussi prier Dieu afin qu’il nous éclaire, quand nous entrons dans
l’isoloir pour donner notre voix à un avenir commun. Nous aussi, nous avons
besoin de l’aide de Dieu et de la clarté de son Esprit pour faire le choix le
meilleur pour nous et pour tous.
Au cours de
cette année pastorale, nous serons sollicités par des hommes et des femmes qui
portent un projet d’avenir pour nous. Ils nous inviteront à les écouter et à
poser un choix, le moment venu. Prenons bien le temps du discernement et de la
prière afin que nous n’ayons pas à regretter plus tard le chemin pris ensemble.
Redoublons de prière pour eux et pour nous afin que Dieu manifeste à notre
esprit quel est le chemin à suivre pour un meilleur vivre ensemble, dans la
justice et la paix. Amen.
(Image de Jean-Yves Decottignies, in Mille dimanches et fêtes, Année C, éd. Les Presses d'Ile de France)
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