Heureux ! C’est le premier mot de Jésus à la foule venue se
rassembler autour de lui, le premier mot de son ministère. Il précise ainsi,
dès son premier discours, pourquoi il est venu, quelle est sa mission :
rappeler aux hommes qu’ils sont faits pour vivre, heureux et libres, avec Dieu
et tous les hommes, leurs frères. Et l’on comprend alors aisément pourquoi il
est écouté. Qui n’a pas envie d’être heureux ? Qui ne cherche pas le
bonheur ici bas ?
Heureux ! Ce premier mot de Jésus est une invitation faite à
tout homme. Il n’est pas une loi morale, il n’est pas un commandement ; il
est une invitation ! Tu peux être heureux, vraiment, si tu écoutes ce que
je te dis et si tu essaies d’en vivre. Nous ne le savons que trop
bien : le bonheur ne se commande pas, le bonheur ne se programme pas.
Mais, semble nous dire Jésus, il est des chemins qui y mènent,
assurément ! Celui qui accepte de
suivre l’un de ces chemins parvient au bonheur véritable. Quels sont ces
chemins ? Les béatitudes les égrainent l’un après l’autre, par 9 fois. Heureux les pauvres de cœurs ! Heureux
les doux ! Heureux ceux qui pleurent ! Heureux ceux qui ont faim et
soif de justice ! Heureux les miséricordieux ! Heureux les cœurs
purs ! Heureux les artisans de paix ! Heureux les persécutés pour la
justice ! Heureux ceux qui sont persécutés à cause de Jésus ! Voilà
les chemins de bonheur que Jésus propose ! Reconnaissons qu’ils ont l’air
bien raide ! Ils sont, en tous les cas, à l’opposé des bonheurs proposés
par la publicité aujourd’hui : pour elle, vous ne pouvez être heureux que
si vous êtes jeune, beau, riche, et en bonne santé. Et si vous n’appartenez pas
à l’une de ces catégories, rassurez-vous, il existe un produit qui peut
supprimer ce manque : celui que nous ne possédez pas encore et que la
publicité vous propose justement d’acquérir ! Les chemins de bonheur de
Jésus ne sont pas des argumentaires publicitaires. Ils ne proposent pas
d’acquérir quelque chose d’extérieur pour devenir heureux. Ils proposent, au contraire, de
changer notre intérieur, pour nous faire comprendre où est le vrai bonheur. Il
n’est pas dans ce que l’homme possède, mais dans ce qu’il est. Les chemins vers
le bonheur que Jésus propose ne s’achètent pas ; ils supposent désir de
conversion, ouverture aux autres, attention à ce qui fait la vie des hommes.
Heureux ! Il y a une béatitude qui permet de comprendre que
ces chemins vers le bonheur que Jésus propose ne sont pas aussi difficiles ou
inatteignables qu’ils le paraissent. C’est curieusement la dernière. Et
celle-ci ne s’adresse plus à tous les hommes (heureux ceux qui …), mais elle ne s’adresse qu’aux disciples
de Jésus : Heureux serez vous
lorsque … à cause de moi ! C’est dans la relation personnelle à Jésus
que se révèle le vrai bonheur. C’est dans la relation à Jésus que l’ouverture
aux autres et à Dieu prend tout son sens. C’est dans la relation à Jésus que
l’homme trouve la force de suivre ces chemins, parce que le Christ, le premier,
les a empruntés et vécus pleinement. Il est venu proposer le vrai bonheur aux
hommes ; et pour que les hommes puissent s’y convertir, il s’est offert
sur la croix, afin de nous recentrer sur Dieu et sur son œuvre de salut pour
tous. En mourant sur la croix, il nous ouvre définitivement la possibilité
d’être heureux, puisque le dernier obstacle au bonheur, à savoir la mort, est
vaincu alors même que nous croyions que tout était fini et que Jésus s’était
trompé. Sur la croix, Jésus ne nous trompe pas : il nous sauve ! Sur
la croix, il révèle sa toute puissance et nous ouvre au vrai bonheur. Parce
qu’il y a de la joie à être sauvé du mal et de la mort par le Christ !
Parce qu’il y a de la joie à connaître enfin un règne de justice et de
paix ! Parce qu’il y a de la joie à se savoir aimé ainsi, jusqu’au bout,
jusqu’au plus profond de la mort.
Heureux ! Ce bonheur que Jésus nous propose n’est pas pour
plus tard. C’est un vrai bonheur pour aujourd’hui. Et tous ceux qui marchent
déjà, fidèlement, à la suite de Jésus, connaissent un bout de ce vrai bonheur
dont ils attendent la réalisation totale lorsqu’ils seront appelés à voir Dieu.
La fête de la Toussaint vient heureusement nous redire que ce bonheur promis se
réalise, dès ici-bas et pour l’éternité : à preuve, la foule immense de
celles et de ceux qui, au long de notre histoire, ont accordé foi et confiance
au Sauveur, ont reconnu en lui celui qui est venu sauver les hommes de la
désespérance et de la mort ; avec lui, ils ont trouvé le chemin du
bonheur, dès ici-bas. Avec lui, ils sont parvenus au vrai bonheur, celui que
même la mort ne saurait nous enlever. Près de lui, ils nous attendent, pour
qu’avec eux, nous formions cette foule immense qui chante la gloire de Dieu !
Que la célébration de leur fête nous stimule et oriente notre vie vers le
Christ. Que cette Toussaint nous permette de redécouvrir à quel bonheur nous
sommes appelés. Aujourd’hui et toujours. Amen.
(Dessin extrait de L'image de notre paroisse, n° 203, éd. Marguerite, nov. 2003)