Le
pauvre Bartimée doit se retourner dans sa tombe lorsqu’il entend une réflexion
assez récurrente dans certains milieux, et qui consiste à dire qu’il y a trop
de « prends pitié de nous » dans notre célébration eucharistique. En fait,
il y a trois moments de la messe qui nous font prononcer ses paroles : le
rite pénitentiel, le chant du Gloire à Dieu et celui de l’Agneau de Dieu. Ce qui
est plus surprenant, c’est que les mêmes qui trouvent que cela fait vraiment
trop vont s’extasier devant Bartimée qui crie à qui-mieux-mieux : Fils de David, prends pitié de moi !
Il
a dû le répéter, son cri, pour être entendu de Jésus au milieu de cette foule nombreuse qui l’accompagnait. Il a
bien senti que c’était là sa chance. Il avait entendu parler de Jésus, de ce qu’il
a fait pour d’autres. Pourquoi son tour ne viendrait-il pas ? Pourquoi ce
jour précis ne serait-il pas son jour ? Il a crié à l’envi vers Jésus,
alors même que beaucoup de gens le
rabrouaient pour le faire taire. Apparemment, à l’époque déjà, ce cri lancé
vers Jésus dérangeait. A moins que des bien-pensants pensaient justement que Jésus
avait mieux à faire que de s’occuper d’un mendiant, aveugle de surcroît. Il
aurait pu crier autre chose vers Jésus ; il aurait aussi bien pu se taire.
Mais voilà, Jésus passe par là ; il est hors de question pour
Bartimée qu’il ne passe pas dans sa vie. Fils
de David, prends pitié de moi.
A
force de crier, il est entendu. Imaginez sa joie lorsqu’on lui dit : Confiance, lève-toi ; Il t’appelle. Les
gestes qu’il pose à ce moment-là disent mieux que des mots tout ce qu’il attend
de cette rencontre : il jette son
manteau (le seul bien qu’il a),
bondit et court vers Jésus. Pour un aveugle, il fait fort ! Comme s’il
savait instinctivement où il devait aller. Quand Jésus appelle, rien ne peut
vous retenir loin de lui longtemps. Même la cécité ne peut empêcher la
rencontre. Jésus l’interroge : Que
veux-tu que je fasse pour toi ? Et la réponse jaillit, comme l’éclair
dans la nuit : Rabbouni, que je
retrouve la vue ! Cela semblait évident, mais le désir de l’aveugle
crié si fort vers Jésus quand il était encore au bord de la route se devait d’être
précisé. Le Prends pitié de moi devient
une demande claire : Que je vois !
Et ce désir est exaucé ! Bartimée voit désormais. Tout cela parce qu’il
a osé crier vers Jésus quand bien même les autres voulaient le faire taire. Voyez
la puissance de ces simples mots : Fils
de David, prends pitié de moi !
Je
crois qu’on ne les dira jamais assez, qu’on ne les criera jamais assez vers Jésus,
ces quatre mots : prends pitié de
moi ! Ils sont notre cri de confiance vers Jésus dont nous savons qu’il
peut quelque chose pour nous. Quand l’homme ne peut plus rien pour l’homme,
quand tout va mal, il reste cette espérance : Jésus peut quelque chose
pour moi. C’est tellement vrai qu’il a donné sa vie pour moi sur la croix. Il est
allé jusqu’à la mort, et Dieu l’a ressuscité. Dans le parcours vers la Première
communion que notre diocèse avait choisi de mettre en œuvre (Secrets de vie), c’est là le premier
secret que découvrent les enfants. Parce que c’est ce secret qui nous met en
route, chaque dimanche pour aller à la messe. Nous allons rencontrer quelqu’un qui
peut quelque chose pour nous. Nous avons tous besoin de crier vers Jésus :
Prends pitié de moi ! Non pas
parce que nous serions de plus grand pécheur que d’autres, mais parce que nous
faisons immensément confiance à Jésus, qui jamais ne nous abandonne. Quelle que
soit notre vie, quelles que soient les épreuves que nous traversons, nous
savons qu’en Jésus, nous avons un soutien, un guide, qui nous permettra d’arriver
sur l’autre rive. Mais comment Jésus peut-il nous aider si nous ne lui
demandons rien ? Comment Jésus peut-il nous aider si nous ne reconnaissons
pas, avec ces simples mots (prends pitié de moi) que nous avons besoin de lui ?
Jésus nous aime tellement qu’il respecte notre liberté ; il n’est pas un
magicien qui viendrait, d’un coup de baguette, changer notre vie, simplement
parce qu’elle lui semble de travers. Il a besoin que nous prenions conscience
de notre manque, que nous prenions conscience qu’il peut quelque chose pour
nous, pour qu’il puisse agir dans notre vie. Si Bartimée n’avait pas crié vers Jésus,
ou s’il avait cédé à la foule qui lui enjoignait de se taire, comment aurait-il
été guéri ? Comment la rencontre aurait-elle pu se faire ?
Plutôt
que de nous interroger sur le nombre de Prends
pitié de nous que compte notre célébration, interrogeons-nous sur la
qualité de notre cri vers Jésus. Que lui disons-nous, au fond de nous-mêmes,
lorsque la liturgie nous fait dire ou chanter : Prends pitié de nous ? En faisons-nous un cri rituel, que nous
disons parce qu’il faut le dire à ce moment précis ou en faisons-nous l’expression
de notre désir profond et de notre confiance en Jésus qui peut tout pour nous ?
Merci à toi, Bartimée de nous apprendre la persévérance quand nous crions vers Jésus ;
merci à toi, Bartimée, de nous apprendre la confiance la plus absolue en celui
vers qui nous crions. Puissions-nous, comme toi, découvrir la joie qu’il y a de
bondir vers Jésus, à son appel, signe qu’il se préoccupe de nous, signe qu’il
veut faire quelque chose pour nous. N’est-il pas venu à notre rencontre dans ce
but ? N’est-il pas venu nous offrir la joie de Dieu et le salut de Dieu ?
Avec toi, nous crierons désormais pleins de confiance : Jésus, prends pitié de moi ! Amen.
(Dessin extrait de L'image de notre paroisse, n° 274, octobre 2009, éd. Marguerite)
(Dessin extrait de L'image de notre paroisse, n° 274, octobre 2009, éd. Marguerite)
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