Ne
nous laissons pas distraire par la demande de Jacques et de Jean ; elle
pourrait nous éloigner du cœur du message de ce dimanche. La proposition faite
par l’Eglise elle-même d’une lecture brève de l’Evangile de ce dimanche vient
confirmer cette intuition, puisqu’elle passe sous silence les sept premiers
versets de cette page de saint Marc pour ne garder que les quatre derniers, qui
forment donc ce qu’il ne faudrait pas ignorer aujourd’hui du message du Christ.
Quel est ce message ?
Nous
pourrions le résumer ainsi : ne vivez pas comme les autres, comme le
monde, chez qui ne compte que la force, le pouvoir bien assis, le fait d’être
le premier, celui qui est servi. Chez vous, disciples de Jésus Christ, c’est le
serviteur qui sera le plus grand. Car le serviteur ne peut faire autre chose
que son maître : et nous le savons, le
Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa
vie en rançon pour la multitude. Voilà donné l’horizon de toute action
pastorale ; voilà donné le sens de notre appartenance au Christ. Nous ne
sommes pas au Christ pour être meilleur ou plus fort que les autres. Nous sommes au Christ, appelés à être meilleurs
serviteurs, plus forts dans la lutte contre toutes formes d’injustice et contre
toutes formes de structures de péché. Personne, de tous ceux qui se disent
chrétiens, ne peut affirmer que le service, c’est pour les autres, pour telle
ou telle catégorie de croyants, pour tel ou tel ministère dans l’Eglise. Non,
le service est pour tous, c’est une obligation pour tous ; le service est
génétiquement chrétien !
Nous
pouvons relire ainsi toutes nos actions pastorales, tous nos engagements dans l’Eglise
et dans le monde à l’aune de cette exigence demandée par le Christ lui-même. Suis-je
le serviteur de mes frères quand j’accomplis le service qui est le mien ?
Suis-je toujours en état de service quand je n’agis pas dans l’Eglise, mais
dans la société, à mon travail, en famille, avec mes amis … ? Ai-je
écarté tout sentiment de pouvoir, tout désir de domination culturelle, intellectuelle,
sociale, économique, politique… ? Nous voyons bien que, même dans le
groupe des Douze, existe cette tentation. Vouloir être le premier, vouloir être
proche du pouvoir, c’est très humain. Si quelqu’un doit être devant les autres
et profiter un peu du système, autant que ce soit moi : après tout, je ne
suis pas pire que les autres ! Pourquoi seraient-ce toujours les autres
qui profitent ?
Appelés
par Jésus à être ses disciples par notre baptême, nous sommes appelés à nous
conformer à lui, à sa manière d’être, à sa manière de faire, à tout son
enseignement. Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas à s’engager dans les lieux
de pouvoir ou de décision ; mais cela nous engage à ne pas exercer le
pouvoir de manière autoritariste, à ne pas décider en fonction de nos seuls
intérêts, mais à avoir toujours au cœur et à l’esprit le bien de tous. Le serviteur
est celui qui a assez de courage pour mettre en second ses propres envies pour
ne voir d’abord que le bien de ceux qu’il sert, et surtout le bien de tous. Nous
ne pouvons pas nous contenter de mener notre vie en pensant qu’elle n’a d’impact
ni sur les autres, ni sur le monde dans lequel nous vivons. Etre serviteur, c’est
mettre le respect de tous et de chacun en premier lieu et cultiver une saine
humilité qui n’est ni humiliation personnelle, ni fausse modestie.
A
bien y regarder, la liturgie nous permet de comprendre mieux cet état de serviteur,
elle qui nous a fait prier ainsi au début de notre célébration en ce 29ème
dimanche ordinaire : Dieu éternel et
tout-puissant, fais-nous toujours vouloir ce que tu veux et servir ta gloire d’un
cœur sans partage. Vouloir ce que Dieu veut pour nous, en sachant qu’il ne
veut que notre bonheur, notre vie et notre salut ; bref, ce qu’il y a de
meilleur pour nous et pour tout homme ! N’hésitons pas à reprendre cette prière
au cours de la semaine pour devenir serviteurs à l’image du Christ, serviteur
véritable qui a donné sa vie pour la
multitude. Puissions-nous apprendre ainsi de lui à faire de même. Amen.
(Dessin de Jean-François KIEFFER, in Mille images d'Evangile, éd. Les Presses d'Ile de France)
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