J’aime l’Epiphanie. Savez-vous pourquoi ?
Parce que tout est simple aujourd’hui. Il n’y a pas à se creuser la tête pour
comprendre le sens de la fête. C’est un mystère immédiatement accessible. Tout est
dit dans la prière que l’Eglise fait monter vers Dieu.
Cela commence avec la prière d’ouverture
de cette messe : Aujourd’hui, Seigneur,
tu as révélé ton Fils unique aux nations, grâce à l’étoile qui les guidait.
On pouvait difficilement faire plus simple. En une phrase, nous apprenons que
tous les peuples sont concernés par Jésus et que ces mêmes peuples sont attirés
vers lui : une étoile les guidait. La foi ne tombe pas du ciel ; elle
est le résultat d’un double désir : le désir de Dieu de se faire connaître
aux hommes, et le désir des hommes de se mettre en route, à la suite d’un
signe. Ce signe peut être très variable : un échange avec quelqu’un, une
lecture, une rencontre, une étoile dans le ciel… Qu’importe, mais quelque
chose, un jour, met l’homme en route, à la recherche de Dieu. Cette mise en
route est une première étape nécessaire. Elle sera renforcée par l’écoute des
Ecritures. Les mages, passant chez Hérode, se font préciser le lieu probable de
la naissance à partir des Ecritures : les
grands prêtres et les scribes répondirent : A Bethléem en Judée, car voici
ce qui est écrit par le prophète : Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es
certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Juda, car de toi sortira un
chef, qui sera le berger de mon peuple Israël. Nous ne pourrons jamais
faire l’économie de l’Ecriture, même et surtout quand elle n’est pas à l’origine
de notre mise en route. Elle vérifiera notre désir et le renforcera.
La liturgie continuera d’éclairer le sens
de la fête avec la préface, en particulier. Nous entendrons aujourd’hui celle
tirée du Missel des Messes de la Vierge Marie, plus précisément celle de la
messe à Marie à l’Epiphanie du Seigneur. Elle est de toute beauté : Quand ton humble servante, le Vierge Marie,
portait dans ses bras Jésus, son enfant, tu as attiré tous les peuples à la foi
de l’Evangile : prémices de l’Eglise venue d’Israël, les bergers de
Bethléem, enveloppés de ta clarté et avertis en songe par la voix des anges,
reconnaissent dans cet enfant le Christ Sauveur. Premiers représentants de l’Eglise
issue des nations, les mages venus d’Orient, poussés par ta grâce et guidés par
l’étoile, entrent dans une pauvre maison et, dans l’enfant qu’ils trouvent avec
Marie sa Mère, ils adorent leur Dieu, acclament leur Roi et reconnaissent leur
Rédempteur. Nous comprenons l’unité du temps de Noël : Noël et l’Epiphanie,
c’est une même fête au point que nous pouvons dire, avec nos frères orthodoxes :
c’est aujourd’hui Noël. Les bergers et les mages sont chacun les représentants
d’une partie des peuples de la terre qui s’unissent dans l’Eglise : Israël
pour les bergers, les autres peuples pour les mages. Et les gens venus d’Israël
comme les gens venus des nations lointaines, viennent reconnaître en l’Enfant
celui qui les sauve. Nous comprenons pourquoi l’oraison de cette fête
commençait, comme celle de Noël, par aujourd’hui :
c’est une même réalité qui est célébrée et qui, si elle a eu lieu jadis, reste
valable pour nous. Nous ne sommes pas dans le souvenir, mais dans l’actualisation,
dans la commémoration de ce mystère unique d’un Dieu qui se révèle à tous les
hommes, donc à nous aujourd’hui. Dieu ne s’est pas seulement révélé autrefois,
à ceux qui avaient la chance de vivre alors ; il se révèle toujours et
encore aux hommes, à tous les hommes, sans distinction d’origine, de culture,
de religion. Dieu se révèle à tous, à travers le temps et l’histoire, parce qu’il
veut faire de tous les peuples un seul corps, en son Fils Jésus. C’est bien ce
qu’annonçait Paul aux Ephésiens : ce
mystère, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage, au même
corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Evangile.
Et c’est bien par la grâce de Dieu que cela est possible. Ce ne sont pas
les hommes qui ont décidés cela ; c’est Dieu qui a choisi de faire aux
hommes le cadeau de cette unité, le cadeau de cette fraternité en Jésus. Pour reprendre
un discours contemporain, il n’y a pas à chercher dans une loi les valeurs qui
unissent les hommes ; elles sont données par Dieu, n’en déplaise aux
laïcistes de tous bords. Personne ne peut donc s’appuyer sur Dieu pour
justifier ce qui sépare les hommes, ni pour mettre en place des lois qui créent
des sous-catégories parmi les hommes. Encore une fois, le message de Dieu est
simple : Dieu veut tous les hommes unis en Jésus Christ ! Dieu est
pour tous les hommes !
C’est la bénédiction solennelle qui achèvera
de préciser en quoi cette fête nous concerne et ce qu’elle nous apporte. Elle le
fera en trois points. Premièrement, puisque par la révélation de Jésus à tous
les hommes, nous sommes entrés dans la lumière de Dieu, cette fête nous obtient
un surcroît de foi, d’espérance et de
charité. Et la bénédiction demandera à Dieu de les faire grandir encore et
surtout de leur permettre de donner leurs
fruits. Si tous les peuples de la terre sont concernés par la révélation de
Dieu, je ne peux plus me contenter de mon cercle étroit de relations. Ma charité
surtout doit prendre en compte tous les hommes de la terre que Dieu appelle. Je
ne peux donc rester indifférent à la misère des hommes. Deuxièmement, puisque
le Christ est la lumière qui dissipe les
ténèbres, nous sommes invités à marcher à sa suite et surtout à être lumière pour guider les frères sur leurs
chemins. Je ne peux me taire, ni cacher cette révélation de Dieu à tous les
hommes. Croyants au Christ, nous avons à témoigner de lui devant tous les
hommes pour qu’eux aussi parviennent à la lumière, à la connaissance du Christ.
Troisièmement, puisque notre marche est orientée vers le Royaume, nous avons la
certitude de voir un jour celui que les mages ont cherché et trouvé. Nous verrons
nous aussi le Christ face à face et nous vivrons dans sa lumière pour toute
éternité. Si cette fête nous rappelle le projet de Dieu d’être connu de tout
homme, elle nous rappelle aussi notre destinée : nous sommes faits pour
vivre avec Dieu et le contempler face à face dans son Royaume. Sans doute
est-ce là cet autre chemin qu’il nous faudra prendre pour rentrer chez nous :
non plus le chemin des hommes, mais le chemin qui mène à Dieu pour toujours.
Dans cette attente, vivons notre foi,
ouverts à tous les hommes et proclamons sans fin que Dieu est Dieu pour tous,
qu’il est venu en Jésus pour tous et qu’il nous attend tous, unis dans son
Royaume d’amour et de paix. Ne compliquons pas une fête au message si simple,
mais si riche de sens. Amen.
(Dessin extrait de la revue L'image de notre paroisse n° 205, janvier 2004, éd. Marguerite)
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