Le temps a passé ; l’enfant de la
crèche a grandi. Qui s’en souvient ? Lorsque nous retrouvons Jésus, ce n’est
pas une dizaine d’année qui nous sépare de sa naissance, mais sans doute trois !
La liturgie ne nous laisse guère le temps de nous attarder à la crèche. Ce Jésus,
n’est pas venu pour rester couché dans une mangeoire ; il est venu sauver
les hommes.
Lorsque nous le retrouvons, Jésus a déjà été
baptisé par Jean. Il s’est retiré pour prier Dieu. Et tout ce qui importe pour
nous se joue là, dans ce moment d’intimité avec Dieu. En fait, tout n’est qu’intimité
entre Jésus, l’Esprit Saint et la voix
venant du ciel. Chez Luc, il n’y a pas de grand étonnement de Jean lorsque Jésus
vient pour être baptisé ; la voix ne se manifeste pas devant tous, quand Jésus
sort de l’eau. Non, tout cela se fait dans l’intimité de ce temps de prière :
Jésus priait, le ciel s’ouvrit. L’Esprit
Saint, sous une apparence corporelle, comme une colombe, descendit sur Jésus,
et il y eut une voix venant du ciel : ‘Toi, tu es mon Fils bien-aimé ;
en toi, je trouve ma joie’. Aucune invitation faite à tous pour l’écouter. Non,
ce temps, cette révélation de Jésus à lui-même est un acte personnel, intime. Dieu,
Père et Esprit Saint se manifeste au Fils, le manifestant ainsi à lui-même :
toi, tu es mon Fils bien aimé. Si Jésus avait pu avoir quelque doute quant à
sa mission, parce qu’en grandissant le souvenir de sa naissance merveilleuse se
serait estompé, voilà que le doute n’est plus permis. Non seulement Dieu l’appelle,
mais Dieu encore le reconnaît comme son Fils, celui qu’il envoie dans le monde.
C’est là, dans cette intimité, que se
cache la miséricorde de Dieu. Dans le secret d’une vie, Dieu se manifeste, se
révèle et révèle l’homme à lui-même. Désormais liés, Dieu et l’homme ne font
plus qu’un, par une grâce venant de Dieu lui-même. Ce qui est vrai de Jésus, l’est
de nous. Nous sommes, par notre baptême, révélés à nous-mêmes comme fils du
Père, frère de Jésus, appelés à vivre sous l’impulsion de l’Esprit Saint, non pas à cause de la justice de nos propres
actes, mais par sa miséricorde. Notre filiation divine est à l’initiative
de Dieu ! Notre salut est à l’initiative de Dieu ! Dieu n’a pas
attendu que nous soyons bons pour nous adopter ; Dieu n’a pas attendu que nous
soyons saints pour nous sauver. S’il avait attendu, je crains fort que c’est
nous qui attendrions encore notre adoption et notre salut ! En envoyant
son Fils dans le monde au temps fixé par lui seul, indépendamment de la
fidélité de l’homme à son Alliance, Dieu manifeste sa miséricorde et sa consolation au peuple de pécheurs que
nous sommes, pour nous faire entrer, par sa seule volonté, dans sa vie marquée
du sceau de l’éternité. Nous n’avons qu’à accueillir cette miséricorde et à en
vivre désormais, en la partageant autour de nous. La miséricorde de Dieu en
notre faveur n’est pas un don à garder pour nous, même si ce don est fait dans
l’intime de notre vie ; au contraire, entraînés par la miséricorde que Dieu
nous fait, nous avons à devenir des instruments de sa miséricorde afin qu’elle
soit connue de tous, en tous lieux, en tous temps. Ce que nous avons obtenu par
grâce, nous devons nous en montrer digne par notre vie. En ce jubilé de la
miséricorde, il me semble bon de le rappeler.
Puisque le salut nous est offert
gratuitement par Dieu, puisque c’est la miséricorde de Dieu qui fait de nous
ses fils, la liturgie a bien raison de nous faire prier ainsi au terme de notre
célébration en ce jour de fête : Nourris
de ton eucharistie et sûrs de ta bonté, nous te prions, Seigneur : accorde
à ceux qui sauront écouter ton Fils unique de mériter le nom de Fils de Dieu,
et de l’être vraiment. Ainsi notre désir de vivre avec Dieu rejoindra le
désir de Dieu de nous sauver, et nous ne ferons plus qu’un avec lui, pour toute
éternité. Amen. ^
(Dessin de Jean-Yves DECOTTIGNIES, in Mille dimanches et fêtes, Année C, éd. Les Presses d'Ile de France)
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