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samedi 20 août 2016

21ème dimanche ordinaire C - 21 août 2016

N'y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ?





Seigneur, n’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? J’ai beau tourner et retourner cette question dans tous les sens, j’avoue que je n’en comprends pas l’intérêt. Que veut cet homme à Jésus ? Qu’attend-t-il comme réponse ? Et nous, quand nous entendons cette page d’évangile, qu’attendons-nous ? 
 
Seigneur, n’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? Ma première manière d’aborder cette question, c’est celle du nombre. Cet homme s’intéresse-t-il au nombre de personnes qui seront accueillis en Paradis ? Est-ce une manière détournée de demander combien il y a de chambres disponibles ? On connaît des sectes qui ont défini un nombre de sauvés, s’appuyant sur le livre de l’Apocalypse de Jean, dans lequel on parle de 144 000 sauvés ! Le problème est que, depuis le temps qu’elles existent, elles n’ont pas encore atteint ce chiffre. Trois possibilités : soit elles sont mauvaises en conversion, soit elles sont mauvaises en calcul, soit les critères d’admission sont trop élevés ! Je ne sais pas combien l’Eglise compte de saints en tous genres, mais en 21 siècles, on devrait les avoir atteints. Jean-Paul II a ainsi canonisé 482 saints, béatifiés plus de 1400 bienheureux en quelques 25 années. Quant au pape François, il bat déjà tous les records puisqu’il dépasse les 830 saints à lui tout seul ! Si comme cet homme qui rencontre Jésus, vous vous intéressez au chiffre, attention, les places semblent devenir chères et rares ! 
 
Seigneur, n’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? Si ce n’est pas le nombre qui intéresse cet homme, je me demande alors, si pour lui, cette question n’est pas un moyen détourné pour savoir si lui sera sauvé. La réponse qu’il attend de Jésus est-ce quelque chose du genre : ne t’en fais pas mon ami, pour toi, j’ai tout prévu. Tu penses bien que tu seras sauvé !  Reconnaissons-le : nous sommes un certain nombre à penser ainsi. Ben quoi, je fais des efforts, je vais à la messe, je ne suis surtout pas comme mon voisin : pourquoi ne serais-je pas sauvé ? Je vous le demande ! Non, non, il faudra bien qu’il nous ouvre : nous avons mangé et bu en sa présence. Le salut ne peut échapper à ceux qui ont partagé sa table, n’est-ce pas ? Envisager la question ainsi ne donne peut-être pas de bons chrétiens, mais ça donne de bons scrupuleux et de bons politiques ! Je fais ce qu’il faut et je dois être élu ; c’est justice !  Sauf si Dieu choisit ses élus comme les français choisissent les leurs : là, c’est vraiment mal barré ! 
 
Seigneur, n’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? Je maintiens que cette question est sans intérêt ; elle est même dangereuse, parce qu’elle empêche de vivre, elle paralyse. Je ne suis pas sûr que Jésus attende de nous que nous nous transformions en scrupuleux, en zombie spirituel qui n’osent plus, ne risquent plus, ne vivent plus. La foi est aventure, la foi est risque, la foi est vie. Si je me laisse paralyser par l’obsession du chiffre, je vais à ma perte. Si je cherche à me pousser du col, je vais à ma perte. Le salut est grâce, le salut est don. Ce n’est pas une récompense à mériter, c’est un cadeau à accueillir, à accepter. Si je refuse de vivre par peur de me perdre, si je refuse d’oser par peur de me perdre, si je me refuse à risquer par peur de me perdre, je suis déjà perdu. Ce ne sont pas nos échecs qui nous perdrons, mais nos manques d’audace. Nos échecs ont cette vertu de réveiller la miséricorde de Dieu. Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé. Cette affirmation n’est pas un pousse-au-crime, mais une certitude qui doit nous empêcher de sombrer lorsque nous tombons en chemin ; elle doit nous permettre de nous relever, et de recommencer. Il vaut mieux entrer au Paradis en passant humblement par la porte étroite que de vouloir forcer le passage par la grande porte et être refoulé par excès d’orgueil !
 
Seigneur, n’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? Plutôt que d’adresser à Jésus cette demande, adressons-lui notre prière confiante : je ne sais pas si je mérite d’être sauvé, Seigneur, mais je compte sur toi, je compte sur ton amour pour les pécheurs pour me faire grâce malgré tout. Je ne compte ni sur moi, ni sur mes forces, mais sur toi et sur ta grâce. Nous pouvons aussi reprendre les mots que nous donne la liturgie avant la communion : Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri. Comprenons bien : et je serai sauvé. Sauvé sur une parole du Christ, ni plus, ni moins. Amen.
 
(Dessin de Jean-Yves DECOTTIGNIES, in Mille dimanches et fêtes, Année C, éd. Les Presses d'Ile de France)

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