Le Seigneur renonça
au mal qu’il avait voulu faire à son peuple ! Devant cette
affirmation de l’auteur du livre de l’Exode, j’ai envie de demander : en
doutiez-vous ? Dieu pouvait-il faire autrement ? Humainement, c’est
tellement plus simple de laisser sa colère éclater pour de bon, marquer ainsi clairement
sa désapprobation et surtout faire comprendre qu’on n’est pas une chiffe molle,
qu’on ne se laissera pas faire et qu’on ne laissera pas faire. Mais Dieu peut-il
être humain jusque-là ? Jusqu’à s’abaisser à céder au mal ? La
liturgie de ce dimanche, si elle nous montre d’abord un Dieu animé de sentiments
humains, nous montre surtout un Dieu à la hauteur des attentes de l’homme. Et ce
qu’attend l’homme, ce n’est certainement pas d’être détruit, battu, humilié,
mais sauvé et aimé.
Quand
Moïse intervient en faveur de son peuple qui vient de se fourvoyer gravement en
fondant un veau d’or, il rappelle à Dieu qu’il vaut mieux qu’un veau ! Il
lui rappelle son projet qui est de toujours : faire de ce peuple un grand
peuple, selon la promesse faite à Abraham et à sa descendance. C’est lui, Dieu,
qui est allé chercher son peuple en Egypte ; c’est lui qui l’a libéré à
bras fort. Que dirait-on de lui s’il se mettait à tout détruire ? Non,
pour Moïse, Dieu ne peut assurément pas se comporter comme un enfant gâté qui
détruit ce qu’il a construit pour recommencer autre chose. Par sa fidélité à ce
peuple, par sa fidélité au Dieu qui l’a appelé, Moïse apaise la colère de Dieu.
Il y en a toujours, à ce moment-là de l’histoire, pour dire que Dieu ne s’est
pas mis réellement en colère, que c’était plus une manière de vérifier si Moïse
le suivrait… comme si Dieu voulait d’abord s’assurer d’avoir bien choisi en appelant
Moïse pour prendre la tête de son peuple. Ne soyez pas de ceux-là !
Respectez la colère de Dieu ; elle est signe de son amour pour nous. Celui
qui ne se met pas en colère, n’aime pas vraiment. Il reste indifférent aux
choses et aux événements. Cette colère de Dieu me semble nécessaire pour que l’homme
se rende compte de ses erreurs ; elle est nécessaire pour que l’homme comprenne
à quel point il est important aux yeux de Dieu. Il vaut mieux une sainte colère
que divine indifférence !
Avec
la nouvelle Alliance que Jésus va sceller de son sang, un pas de plus est
franchi encore. La colère de Dieu est apaisée et remplacée par la joie de Dieu
dont la source est le pardon qu’il accorde. Les paraboles de la miséricorde
mettent en avant cette joie, au point qu’on en oublie l’effort qu’il a fallu
pour retrouver la brebis perdue, l’effort déployé pour nettoyer la maison à la
recherche de la pièce égarée, la patience et l’amour qu’il a fallu pour guetter
chaque jour le retour du fils perdu et plaider sa cause devant l’ainé récalcitrant,
qui aimerait bien déployer sa colère et dire à ce jeune frère ce qu’il pense de
son aventure ! Jésus nous apprend ainsi qu’il y a de la joie à pardonner,
il y a de la joie à retrouver ceux qui s’étaient perdus, éloignés de Dieu et de
son amour. Dieu ne peut être satisfait quand un homme s’éloigne de lui et de
son amour. Il ne dira pas : tant pis
pour lui ! Il n’aura qu’une envie : retrouver, comme un trésor
unique, celui qui s’est perdu et goûter la joie de savoir son enfant à nouveau auprès
de lui. Dieu ne dira jamais : un de
perdu, dix de retrouvés. Avec Dieu, un de perdu, c’est un à retrouver !
C’est le prix de l’amour, c’est le prix de la joie de Dieu !
Pour
être sûr de n’en perdre plus aucun, Dieu a été jusqu’à envoyer son propre Fils :
le Christ Jésus est venu dans le monde
pour sauver les pécheurs, c’est-à-dire ceux qui se sont éloigné de l’amour
de Dieu pour eux. Si vous avez de la peine à imaginer l’amour que Dieu peut
avoir pour vous, regardez vers la croix. Elle est le signe de l’amour de Dieu pour
chacun de nous. Là, sur la croix, Jésus nous dit : Dieu t’aime encore, Dieu
t’aime malgré tout le mal que tu as pu commettre. Et par moi, Dieu t’offre un
chemin de salut, un chemin vers la joie parfaite. Comment, dès lors, ne pas pleurer
sur notre péché comme nous y invite le psalmiste dans le psaume 50 ? Comment,
dès lors, ne pas revenir vers la source de l’amour comme nous y invite le fils
perdu ? Comment ne pas reconnaître que notre vie, notre joie et notre
avenir sont en Dieu seul ? Comment ne pas vouloir partager la joie de Dieu
rendue accessible à tous par la mort et la résurrection de Jésus ?
S’il
y a de la joie chez Dieu et ses anges pour
un seul pécheur qui se convertit, pouvez-vous imaginer la joie qu’il peut y
avoir à demander la grâce de se convertir ? Je suis toujours impressionné,
lorsque je confesse, par le regard lumineux de celles et de ceux qui quittent
mon confessionnal après avoir reçu le pardon de Dieu et avoir compris qu’ils n’étaient
pas jugés, mais attendus avec impatience. S’il y a de la joie au ciel quand un
homme se convertit, il y a de la joie en l’homme quand il a accompli son chemin
de conversion. La joie de Dieu n’est pas une joie égoïste ; c’est une joie
contagieuse, une joie qui se partage largement. Ne restons pas sur le pas de la
porte comme le fils ainé de la parabole, mais entrons dans cette joie de Dieu. Réjouissons-nous
de pouvoir revenir vers Dieu ; réjouissons-nous pour tous ceux qui font le
choix de Dieu ; réjouissons-nous d’être attendus, aimés et sauvés. Amen.
(Image de Jean-François KIEFFER, in Mille images d'évangile, éd. Les Presses d'Ile de France)
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