On ira tous au
paradis, même moi,
chantait Michel Polnareff, …à tort. Non pas qu’il n’ira pas au paradis, il ne me
revient pas de me prononcer sur ce fait, mais après avoir entendu l’évangile de
ce dimanche, il est bien clair qu’il a oublié de méditer cette parabole de Jésus ;
à moins qu’il l’ait tout bonnement mise de côté comme nous le faisons souvent
avec les textes qui ne disent pas ce que voulons, ou qui disent justement ce
que nous ne voulons pas entendre. On aime tous Jésus quand ce qu’il fait ou ce
qu’il dit nous fait chaud au cœur. Mais quand il nous fait comprendre que la
vie avec Dieu est exigeante, quand il nous dit qu’on ne peut pas vivre n’importe
comment, il est bien gentil, mais enfin, comme le disait une syndicaliste lors
d’un entretien professionnel, « ce que vous allez dire, je ne veux pas l’entendre ! »
S’il
avait tort sur le principe, il n’avait pas tout à fait tort quant à l’esprit de
la chose. Il est une certitude pour moi : nous sommes tous destinés au
paradis. Le projet de Dieu, c’est bien que tout homme vive d’une vie marquée du
sceau de l’éternité. Si Jésus a quitté la droite de Dieu pour s’incarner dans
notre monde, se faisant l’un de nous, c’est bien pour que nous puissions tous
parvenir à ce monde de Dieu ; et pour nous ouvrir une voie royale, Jésus a
livré sa vie sur la croix. Son sacrifice est notre vie ; son
anéantissement est notre délivrance du péché et de la mort. Avec Jésus, nous
sommes bien destinés à passer de la mort à la vie, à passer de cette terre à la
Jérusalem nouvelle pour une vie avec Dieu, pour toujours.
Mais
destinée n’est pas destination ! Nous ne sommes pas arrivés, et Jésus nous
dit même que certains pourraient ne jamais arriver ! Et cela ne dépend pas
de Jésus, ça ne dépend pas de Dieu, ça dépend de nous, de nous seuls, et de ce
que nous aurons fait de notre vie. Et surtout ne réduisons pas cela à un combat
entre les bons et les méchants ; le riche n’est pas un méchant homme, il
est même capable de se préoccuper du sort de ses frères, mais trop tard !
Il n’a pas été méchant avec le pauvre Lazare ; il ne l’a tout simplement
pas vu ! Et c’est bien là le problème, notre problème ; savons-nous
regarder le monde, savons-nous regarder nos frères avec suffisamment de
tendresse et d’amour pour voir en eux la trace de Dieu et de son passage dans
nos vies ? Savons-nous servir Dieu en servant nos frères ?
Savons-nous aimer Dieu en aimant nos frères, tous nos frères ? Aujourd’hui,
Lazare est le nom de ces migrants qui frappent à la porte de l’Europe. Lazare
est le nom de ces hommes et de ces femmes qui attendent un peu d’affection, un
peu d’attention, un peu de place pour reconstruire leurs vies détruites par la
guerre, pour redonner sens à leurs vies anéanties par notre indifférence, notre
égoïsme, notre peur. Le fossé que nos sociétés creusent entre eux et nous
aujourd’hui risque bien d’être le fossé qui nous séparera d’eux lorsqu’ils
seront accueillis dans le sein d’Abraham. Il sera alors trop tard, pour nous.
Aujourd’hui,
il n’est pas encore trop tard. Il est encore temps de faire quelque chose ;
il est encore temps d’ouvrir nos yeux ; il est encore temps d’écouter Moïse et les prophètes ; il est encore temps d’écouter Jésus nous
redire cette parabole du riche et du pauvre Lazare. Aujourd’hui, il est encore
temps de réagir ; il est encore temps d’aimer, d’agir et de vivre selon ce
que nous aurons compris de l’enseignement du Christ. Laissons là la bande des vautrés qui n’existera plus ; soyons de la
bande des vivants, de ceux qui vivent aujourd’hui et qui vivront demain et
toujours. Soyons de ceux qui iront au paradis ! Amen.
(Dessin de Jean-Yves DECOTTIGNIES, in Mille dimanches et fêtes, Année C, éd. Les presses d'Ile de France)
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