Vous aurez remarqué l’humour de la
liturgie de ce dimanche, j’espère ! Pour conclure la semaine pendant
laquelle nous étions invités à payer nos impôts, Jésus vient nous rappeler que nul ne peut servir à la fois Dieu et
l’argent ! Un argument que la France laïque n’a pas encore utilisé
pour rappeler cette échéance aux croyants : comme vous ne pouvez servir à
la fois Dieu et l’argent, donnez-nous votre argent et gardez votre Dieu !
Plus sérieusement, c’est bien à une question fondamentale que nous renvoie
Jésus : qui est ton maître ? Qui est ton Dieu ?
Ma première réaction, à la lecture de
cette page d’évangile, est de dire que je ne suis pas assez riche pour faire de
l’argent mon maître. Et du coup, je pense que c’est là un danger qui ne me
guette pas. Je suis bien à l’abri dans la situation qui est la mienne : ni
trop pauvre, ni trop riche ! Je ne risque pas de servir l’argent que je
n’ai pas, et celui que j’ai, me sert moi. Il me sert à vivre décemment, à faire
un peu de bien autour de moi, et surtout à ne dépendre de personne. Mais
n’est-ce pas là justement que commence le danger souligné par Jésus ?
N’est-ce pas à partir de ce moment-là que je peux m’attacher excessivement à ce
que j’ai et me détacher de Dieu ? Parce que, dans l’injonction de Jésus,
je peux remplacer l’argent par n’importe quel autre objet qui remplit ma vie et
qui m’éloigne de Dieu. Tout amour immodéré placé sur une chose me détache de
Dieu. Et quand je perds de vue Dieu et son amour, je ne le sers plus lui, mais
bien les choses ou les personnes qui ont pris plus d’importance dans ma vie.
Le même phénomène joue avec le passage du
prophète Amos entendu en première lecture. Nous pouvons vite ne pas nous sentir
concerné par sa dénonciation de ceux qui faussent
les balances, diminuent les mesures, augmentent les prix, parce que,
n’est-ce pas, nous n’exploitons personne, nous ! Nous faisons juste
attention, lorsque nous faisons nos courses, à trouver le prix le plus bas,
parce que justement, nous ne sommes pas assez riches. Et nous oublions
quelquefois le vrai prix des choses, le vrai prix du travail des hommes et des
femmes qui produisent ce que nous voulons acheter. A vouloir serrer nos
factures, nous serrons surtout la ceinture de ceux qui travaillent et voient
leur salaire stagner, si ce n’est baisser, pour que nous puissions voir baisser
nos dépenses. Nous sommes tous conscients qu’il y a des efforts à faire, mais
c’est surtout aux autres de les faire, parce qu’encore une fois, nous ne sommes
peut-être pas pauvres, mais nous sommes loin d’être riches !
Il nous faut maintenant revenir à
l’évangile et constater que Jésus n’adresse pas son discours aux foules, ni aux
scribes et aux pharisiens, mais à ses seuls disciples ! C’est donc bien un
discours qui nous concerne. La phrase choc de Jésus : vous ne pouvez servir à la fois Dieu et l’argent devient donc un
impératif pour chaque croyant à renoncer à faire de son intérêt personnel le
but de sa vie. En étant centré sur ce qu’il possède (argent ou autre bien), le
croyant est centré sur lui-même ; ceci n’est pas possible puisque le cœur
de la vie du croyant ne peut être que Dieu. Si sa vie est centrée sur Dieu,
alors il est nécessairement ouvert aux autres, attentif aux autres, puisque, en
Jésus, Dieu et l’homme ne font plus qu’un. Le disciple véritable ne peut avoir
que Dieu pour maître, car ce maître-là le renvoie vers ses frères.
Souvenez-vous de ce que rapporte Matthieu dans son évangile : Tout ce que vous avez fait (ou pas fait) à
l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que l’avez fait (ou pas), dit
Jésus. La seule richesse que nous pouvons servir sans être détournés de Dieu,
ce sont les petits, les hommes et les femmes, nos frères et sœurs en humanité
qui portent en eux la trace du passage de Dieu dans notre vie.
Pour qu’advienne ce monde nouveau inauguré
par Jésus, il faut que les fils de la
lumière se révèlent plus habiles que
les fils de ce monde. Cessons de garder dans notre sphère privée ce Dieu
qui nous fait vivre ; manifestons-le au monde par notre attention à toutes
et à tous, et la face de la terre en sera profondément renouvelée. Amen.
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