Vous connaissez sans doute cette phrase de
Clémenceau concernant les conflits armés : la guerre est une chose trop grave pour être confiée aux seuls
militaires ! Nous pouvons la parodier aujourd’hui en affirmant que la
religion est chose trop grave pour être confiée aux seuls religieux. A l’écoute
des textes de ce dimanche, il semble bien que Dieu lui-même ait pris ce parti.
Relisez le livre de Ben Sirac. Si tu le veux, tu peux observer les commandements,
il dépend de ton choix de rester fidèle. N’est-elle pas étrange, cette
affirmation ? Il fut un temps où elle aurait pu conduire un homme au
bûcher. Ne remet-elle pas en cause la suprématie de Dieu sur l’homme ?
Comment peut-on affirmer que l’homme est libre de croire ? Et pourtant, n’est-ce
pas l’attitude juste que Ben Sirac exprime ainsi ? Nul ne saurait être
obligé de croire ; nul ne saurait être obligé de suivre la loi de Dieu. Ce
ne peut être qu’un choix, résultant d’une rencontre, d’une proposition
amoureuse de Dieu faite à l’homme. C’est parce que Dieu aime l’homme qu’il lui donne
une loi qui le mènera à la liberté parfaite, parce que c’est une loi de
liberté, une loi de vie. Dieu te propose de vivre ; à toi de choisir. La vie et la mort sont proposées aux hommes,
l’une ou l’autre leur est donnée selon leur choix. On peut donc affirmer
que Dieu propose, mais que c’est l’homme qui dispose. Nul homme religieux ne
peut transformer cette invitation fondamentale de Dieu en une obligation
fondamentale. Dieu s’est toujours proposé à l’homme comme recours à tous ces
maux ; mais la réponse a toujours été, et sera toujours, entre les mains
de l’homme. C’est sa liberté fondamentale qu’il exerce quand il choisit de
suivre Dieu.
Face à cette réaffirmation de la liberté
de l’homme, le discours de Jésus dans l’évangile de ce dimanche peut sembler
contradictoire. La répétition du « Vous avez appris qu’il a été dit… eh bien ! moi je vous dis… »
dans sa relecture de la Loi indique plutôt une restriction de liberté :
plus de colère, plus d’insulte, plus de regard de convoitise, plus de serment
garanti par le nom de Dieu. Pourtant, ce n’est pas le but de Jésus. Il ne vient
pas changer la religion, ni la Loi (Je ne
suis pas venu abolir mais accomplir) ; il vient proposer une nouvelle
manière de la vivre à ceux qui veulent le suivre. Et cette nouvelle manière de
vivre est marquée par le respect : le respect de l’autre dans ce qu’il est
(d’où pas d’insulte, pas de colère contre le frère), le respect de l’autre dans
ce qu’il vit (tu ne regarderas pas avec convoitise), le respect de la parole
donnée (que ton oui soit oui, que ton non soit non). En faisant cela, il
propose de nouvelles libertés qui découlent de la liberté de choisir Dieu :
la liberté de refuser le mal, la liberté de ne pas propager le mal, la liberté
de ne pas provoquer le mal. En poussant la loi dans ses retranchements, Jésus réaffirme
la liberté de l’homme à choisir Dieu, et ce faisant à gagner d’autres libertés,
parce que Dieu seul rend vraiment libre puisque lui seul, en Jésus mort et
ressuscité, nous libère du Mal et de la Mort. Nous pouvons même dire qu’en
réinterprétant la Loi de Dieu comme il le fait, Jésus éclaire le choix de l’homme.
Il ne l’oblige pas à choisir Dieu ; il lui précise ce qu’il gagne à
choisir Dieu. Il aide l’homme à poser un juste discernement. Il aide l’homme à
vivre mieux. Le saut dans la foi sera toujours de la seule décision de l’homme.
Nous avions finalement bien raison de reprendre
Clémenceau en appliquant sa maxime à la religion. Même Jésus ne s’est jamais
imposé ; même Jésus n’a jamais imposé Dieu. Toujours il propose, toujours
il invite, toujours il éclaire l’homme sur le désir de Dieu pour lui. A l’homme
de répondre, à l’homme de choisir, une fois pour toutes : Que votre parole soit « oui », si
c’est « oui », « non », si c’est « non ». Ce qui
est en plus vient du Mauvais. AMEN.
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