L’homme moderne n’aime rien moins que d’être
contraint, surtout en France. N’est-ce pas, la Révolution nous a apporté notre
liberté chérie, et dès lors, tout ce qui semble être une entrave à cette
liberté devient insupportable. Le slogan : il est interdit d’interdire ! est poussé dans ces derniers
retranchements, transformant l’adulte en éternel adolescent insatisfait à
perpétuité. Dès lors qu’il veut quelque chose, même si c’est considéré a-moral
ou a-normal par les normes de la société, il faut faire évoluer ces dernières
pour que son désir ne soit pas frustré. Comment peut-il alors recevoir la Parole
de ce dimanche comme une Bonne Nouvelle, elle qui vient justement mettre un
frein à sa liberté de se venger, à sa liberté de haïr, à sa liberté de vivre
comme il veut loin de toute référence, et surtout de toute référence religieuse !
Toute expérience de Dieu semble vouée à l’échec, si ce n’est à la moquerie :
tu crois encore en Dieu, toi ? Evolue un peu, sois libre !
Les tentatives de circonscrire Dieu et son
« pouvoir » sur les hommes ont été nombreuses, de tous temps. Prenons
les dieux romains : ils ne sont pas parfaits, ils ont commerce avec les
hommes (enfin, surtout avec leurs femmes !), et semblent plus justifier
les travers des hommes que d’inviter les hommes à s’élever. Je dirais que ce
sont des dieux à hauteur d’hommes. Ils vivent dans un monde parallèle, et leurs
incursions dans le monde des hommes sont rarement porteuses d’avenir ou de
bonheur. Ils sont en fait presque l’excuse suprême à tous les travers humains. Comment
les hommes pourraient-ils être fidèles si les dieux se font des infidélités ?
Comment les hommes pourraient-ils apprendre la tempérance alors que leurs dieux
sont intempérants ? Comment les hommes pourraient-ils apprendre de leurs
dieux l’amour véritable alors que ceux-ci ne cessent de s’affronter, de se
jalouser ? Ce seraient presque des dieux pour l’homme moderne : ces
dieux romains sont souverainement libres ; vivons donc comme eux ;
ils ne sont pas trop dérangeants ! Ils sont à la portée des hommes et n’entravent
pas leur sacro-sainte liberté.
J’en entends déjà dire que, dans le
christianisme aussi, Dieu s’est mis à hauteur d’homme en Jésus. C’est vrai ;
encore faut-il préciser pourquoi il s’est mis à hauteur d’homme. Il ne s’est
pas mis à hauteur d’homme pour se complaire dans leur travers, ni pour se jouer
d’eux. En Jésus, Dieu se met à hauteur des hommes pour que les hommes puissent
se mettre à la hauteur de Dieu. Ce n’est pas une petite incursion, histoire de
voir ce que ça fait d’être comme un homme. C’est un engagement absolu, par
amour des hommes, pour rendre à ces derniers la ressemblance avec Dieu qu’ils
ont perdu du temps de Noé. Quand le Dieu d’Israël se met à hauteur d’homme en Jésus,
c’est pour sauver les hommes ; quand le Dieu d’Israël se met à hauteur d’homme
en Jésus, c’est pour les libérer du péché, du Mal et de la Mort. Quand le Dieu d’Israël
se met à hauteur d’homme en Jésus, c’est pour leur offrir une vie à la hauteur
de la sienne. Nous comprenons alors sa proposition faites aux hommes d’être saints, car lui, le Seigneur Dieu, est
saint. Il s’agit, depuis Moïse et jusqu’à Jésus Christ, de faire entrer l’homme
dans le monde de Dieu, dans les pensées de Dieu, et non l’inverse. Certes, la
liberté comprise comme « je fais ce que je veux quand je veux, comme je
veux, avec qui je veux » en prend un coup. En invitant les hommes à la sainteté,
il les invite à se soucier d’abord des autres avant de se soucier d’eux-mêmes. Et
voilà qu’en Jésus, l’homme est invité à se mettre à la hauteur de Dieu comme
jamais auparavant. Vous avez appris qu’il
a été dit : … eh bien ! moi, je vous dis d’aller encore plus loin
dans l’amour et de refuser toute forme de violence : il vaut mieux se
prendre une deuxième gifle que de répliquer méchamment ! Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle
récompense méritez-vous ? Aimez donc vos ennemis !
Ce qui semble être un durcissement de la
Loi est en fait une libération vis-à-vis de la Loi : tu peux aller plus
loin dans l’amour que ce que la Loi prescrit. La violence régulée qu’elle avait
mise en place (œil pour œil, dent pour
dent), tu peux la remplacer par plus d’amour, plus d’attention à l’autre,
parce que c’est ce que Dieu fait vis-à-vis de toi : il pardonne toutes tes offenses, te guérit de toute maladie ; il
réclame ta vie à la tombe et te couronne d’amour et de tendresse. Il est
tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour ; il n’agit pas
envers nous selon nos fautes, ne nous rend pas selon nos offenses. Si tu
veux marcher humblement avec ton Dieu, tu
dois vivre, penser et agir comme lui. Il ne veut pas ta mort, mais ta vie ;
il ne veut pas ton malheur, mais ton bonheur. Et Jésus t’offre ce bonheur et
cette vie en se livrant sur la croix. Là, au pied de la croix, tu peux voir que
Dieu est sérieux avec toi quand il t’invite à vivre ainsi. Combien de dieux
romains ont donné leur vie pour les hommes ? Combien de dieux à hauteur d’hommes
entraînent les hommes vers le haut, vers un absolu, vers un accomplissement qui
ne se fait pas au détriment des autres mais avec les autres et pour les autres ?
A part Jésus, je n’en vois aucun ! Lui seul, vrai Dieu, s’est fait vraiment
homme pour que tous les hommes qui croient en lui puissent parvenir à la
hauteur de Dieu, à la hauteur de l’amour de Dieu pour tous. Il a fait de nous un sanctuaire de Dieu, un sanctuaire à
sa hauteur : parfaitement saint,
parfaitement capable de l’accueillir.
Quand Jésus réinterprète la Loi en y
injectant une bonne dose d’amour, il invite l’homme à choisir son Dieu :
soit il choisit le Dieu qui aime, en aimant à son tour, soit il choisit un dieu
à sa hauteur pour qu’il puisse continuer à ne penser qu’à lui, à ne vivre que
pour lui seul, quitte à écraser les autres. Le choix est tien maintenant :
un Dieu à la hauteur de l’homme ou un homme à la hauteur de Dieu. Choisis bien
pour vivre mieux. Amen.
(Dessin de Mr Leiterer)
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