Nous poursuivons l’enseignement de Jésus en
parabole. Cette manière de faire permet à Jésus d’aborder les choses de Dieu avec
originalité. Souvent, il est dit que cela permet une meilleure compréhension
des choses. Rien n’est moins sûr, Jésus étant obligé d’expliquer clairement à ses disciples le sens des
paraboles. C’était vrai dimanche dernier, cela l’est encore aujourd’hui. Mais puisque
pour nous, qui avons entendu comme les Apôtres et la parabole et son
explication, les choses sont claires maintenant, je voudrais m’intéresser ce
matin à une autre parole entendue, celle du livre de la Sagesse. Je ne sais pas
si vous y avez prêté attention, mais il y a une affirmation qui mérite que nous
nous y attardions un peu. L’auteur du livre de la Sagesse affirme : Par ton exemple tu as enseigné à ton peuple
que le juste doit être humain ! Ne trouvez-vous pas cela étrange ?
Je m’explique : l’auteur parle d’abord
de Dieu, rappelant qu’il est l’unique à
prendre soin de toute chose. Ce qu’il dit de Dieu, nous pourrions
pareillement le dire d’un homme puissant, d’un roi : ta force est à l’origine de ta justice, ta domination sur toute chose
te permet d’épargner toute chose. Tu montres ta force si l’on ne croit pas à la
plénitude de ta puissance, et ceux qui la bravent sciemment, tu les réprimes. Nous
pourrions avoir là un portrait de n’importe quel dictateur qui ne supporte pas
la contradiction. Il suffit de regarder ce qui se passe dans quelques pays du Maghreb
ou en Corée du Nord. Reporters sans frontière a bien quelques exemples d’agissement
de la sorte. Pour parler de Dieu, l’auteur du livre de la Sagesse fait ce que
nous faisons souvent : nous parlons de lui à partir de nos catégories
humaines. C’est commun à toutes les religions. L’auteur du livre de la Sagesse préserve
la grandeur de Dieu et sa justice grâce au petit Mais qui apparaît juste après l’extrait cité. S’il parle de Dieu comme
d’un gouvernant humain, il reconnaît toutefois sa sainteté et sa miséricorde :
Mais toi qui disposes de la force, tu
juges avec indulgence, tu nous gouvernes avec beaucoup de ménagement. Cela ne
doit pas être le cas des gouvernants de l’époque. Et c’est pour cela que la
phrase : par ton exemple, tu as
enseigné à ton peuple que le juste doit être humain, m’étonne. J’aurais
attendu que le juste soit invité à être comme Dieu, et donc moins humain.
Parler de Dieu comme on le ferait d’un homme
conduit à une impasse. La nuance introduite par le Mais le montre bien. La comparaison a ses limites, et vient
toujours le moment où nous devons maintenir la grandeur et la miséricorde de Dieu.
Il est comme…, mais en mieux. Et pourtant le
juste doit être humain, selon l’enseignement de Dieu lui-même. Est-ce à dire
que le seul vrai humain ce serait Dieu ? L’homme ne serait qu’un animal
pensant qui devrait gagner son humanité ? Plutôt que de parler de Dieu comme
d’un homme en mieux, ne devrions pas parler des hommes comme de Dieu ? La
Bible, en son livre de la Genèse affirme elle-même que l’homme est créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, et
que l’homme ne connaît sa différence qu’après avoir constaté qu’il n’y a
personne comme lui, une fois qu’il a nommé tous les animaux. Quand il rencontre
Eve, Adam a ce cri : Voici l’os de
mes os, la chair de ma chair. Il n’est pas qu’un animal pensant, il a un
vis-à-vis, comme lui, différent des animaux de la terre. Tant qu’il est fidèle
à Dieu, il est habité par une pleine humanité ; lorsqu’il laisse le péché
entrer dans sa vie, voici qu’il ne peut plus se tenir en présence de Dieu ;
voici qu’il aurait perdu une part de son humanité ? Et serait donc juste
devant Dieu, celui qui la retrouve (son humanité), celui qui se montre humain ?
Devenir saint reviendrait donc à grandir
dans notre humanité pour retrouver en nous l’image et la ressemblance avec Dieu.
Dieu est le seul qui soit vraiment humain, et l’homme gagne en humanité, donc
en sainteté, chaque fois qu’il est capable de ne pas écraser les autres par sa
puissance, chaque fois qu’il est miséricordieux, chaque fois qu’il est
indulgent… Pour progresser sur le chemin de notre sainteté, ne parlons plus de Dieu
comme d’un homme en mieux, au risque de nous décourager, mais apprenons à
parler de l’homme comme de Dieu, et nous retrouverons peut-être avec plus de
facilité l’image de Dieu enfouie en nous. Pour devenir saint, retrouvons notre
humanité première, telle que Dieu nous l’avait donné jadis, au moment de la
Création. Plus nous accueillerons la grâce de la sainteté que Dieu nous offre
en Jésus, plus nous grandirons dans notre humanité. Plus nous serons humains,
plus nous serons proches de Dieu, proche du Royaume qu’il a inauguré en Jésus. Amen.
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