Sache
donc aujourd’hui, et médite cela en ton cœur : c’est le Seigneur qui est
Dieu, là-haut dans le ciel comme ici-bas sur la terre ; il n’y en a pas
d’autre.
Je ne sais pas pour vous, mais moi, je suis frappé par cette ferme assurance à
laquelle Moïse nous invite. En l’entendant, il ne saurait y avoir de place pour
le doute. Cet homme-là doit avoir raison ! Et pourtant, c’était loin
d’être simple d’oser pareille affirmation à l’époque.
Nous sommes tous trop jeunes pour nous en
souvenir, mais nos études en histoire nous l’ont appris : à l’époque où
Moïse prononce ses paroles, les hommes sont loin d’être monothéistes, de ne
croire qu’en un seul Dieu. L’expérience des hommes et des femmes qui suivent
Moïse est marquée par les peuples environnants qui ont tous plusieurs dieux. Il
est un des rares peuples, si ce n’est le seul, à oser dire que tous ces dieux
ne sont rien, et que le seul vrai Dieu qui existe est celui qui les a sortis
d’Egypte à bras fort. Fort d’un seul Dieu, ce peuple est sorti d’Egypte alors
que s’y opposait Pharaon et tous les dieux d’Egypte. Dès lors que Dieu s’est
tourné vers Moïse, plus personne ne pouvait maintenir ce peuple en esclavage,
asservis à des dieux étrangers ; ou bien Pharaon acceptait de libérer les
descendants de Jacob et de Joseph, ou bien il goûterait à la puissance du Dieu
d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Nous connaissons tous l’histoire ; Moïse
lui-même ne cessera de la rappeler à son peuple lorsqu’il voudra s’éloigner de
Dieu ou se donner un Dieu qu’il puisse voir de ses yeux en coulant un veau
d’or. Il n’y a qu’un seul Dieu ; c’est celui qui a appelé Moïse, celui qui
est à l’origine de toute vie, celui qui s’est choisi un peuple particulier. Fin
de la discussion.
C’est ce même Dieu que nous adorons et
servons, nous qui célébrons aujourd’hui la fête de la Trinité, la véritable
fête de Dieu. Nous ne faisons rien d’autre aujourd’hui que ce que faisait alors
Moïse lorsqu’il affirmait : c’est le
Seigneur qui est Dieu… il n’y en a pas d’autre. Sortant des fêtes de
Pâques, nous redisons solennellement qu’il n’y a qu’un Dieu, Père, Fils et
Esprit Saint. En proclamant la Trinité, nous ne proclamons pas trois dieux,
mais le visage véritable de ce Dieu qui avait livré à Moïse son nom, jadis au
buisson ardent. Nous disons qu’en Dieu se trouve la vie (il est notre Père et
créateur), la croissance (en Jésus qui nous a révélé qui est Dieu, il nous fait
grandir dans la vie divine) et l’être (par son Esprit, nous savons que nous
sommes enfants de Dieu). Trois personnes, une seule nature, comme le chantera
la préface de la fête. Ce Dieu unique en trois personnes vit en lui-même
l’amour qu’il nous invite à vivre selon ce que Jean nous a enseigné à travers
les deuxièmes lectures des dimanches du temps pascal. Non seulement Dieu est
amour, mais il vit de cet amour en lui-même, le communique en Jésus, et nous y
maintient par son Esprit. C’est le même Dieu qui nous aime, s’offre à nous et
nous garde dans son amour. Nous pouvons être animés de la même certitude que
Moïse et la proclamer : c’est
le Seigneur qui est Dieu… il n’y en a pas d’autre !
Il n’en est pas moins vrai alors qu’aujourd’hui,
comme au temps de Moïse, il ne manque pas d’hommes pour essayer de nous
contredire, soit en relativisant cette vérité (puisque tous les hommes ne
croient pas la même chose, autant admettre qu’il y a d’autres dieux), soit en
niant Dieu tout simplement ; l’homme n’aurait pas besoin de quelqu’un qui
l’invite à vivre plus grand, à voir plus haut. L’homme serait son propre
maître. Comme diraient deux humoristes français, : y en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes… Non pas que Dieu
se venge d’eux et de leur désir de s’émanciper, mais parce que la vie devient
impossible pour l’homme sans le Dieu véritable. Que reste-t-il à l’homme quand
il refuse la vie et l’amour qui lui viennent de Dieu ? Que reste-t-il à
l’homme lorsque l’espérance, donnée par le Christ, d’une vie plus forte que la
mort disparaît ? Que reste-t-il à l’homme lorsque l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, la
fidélité, la douceur et la maîtrise de soi, tous dons de l’Esprit, lui sont
refusés ? Relativiser Dieu ou nier Dieu, revient à enlever à l’homme ce
qui fait la beauté et la force de sa vie. Non pas que l’homme ne saurait aimer,
mais son amour même n’aurait plus de source véritable, forte et sûre pour
garantir son amour ; son amour ne serait que limité, passager, livré aux
méandres de sa propre existence. Dans un monde qui veut écarter Dieu, dans un
monde qui se donne des dieux à hauteur d’homme, il nous faut réaffirmer avec
force le Dieu de Jésus Christ, Père, Fils et Esprit Saint, le seul qui offre à
l’homme sa vie, son amour, sa liberté.
En célébrant la très sainte Trinité, nous
célébrons la splendeur de Dieu et sa vérité. Nous confessons un seul Dieu,
Père, Fils et Saint Esprit, et nous travaillons à la venue de son règne. Il ne
s’agit pas pour nous d’imposer Dieu, mais de le faire aimer par une vie donnée
à Dieu et aux hommes, éclairée par sa Parole, guidée par son Esprit. Plus nous
aimerons Dieu, plus nous serons capables d’aimer les hommes. Plus nous aimerons
les hommes, plus ils deviendront capables d’aimer Dieu à leur tour. Il n’est pas
de cœur assez dur qui résiste infiniment à l’Amour. Aimer la Trinité, c’est
aimer l’Amour, aimer le Christ qui nous l’offre et aimer l’Esprit qui nous y
maintient, aujourd’hui et pour toujours. Amen.