Prendrons-nous l’Esprit Saint au sérieux un
jour ? Je pose la question suite à un échange que nous avions hier à table
entre prêtres. Elle ne remettait pas en cause l’importance de l’Esprit Saint,
les prêtres ne feraient pas cela, n’est-ce pas ! Elle portait sur une
question qui peut paraître bien secondaire, mais qui, pour moi, est bien
révélatrice : la manière dont nous conservons le Saint Chrême.
Vous savez sans doute qu’au cours de
la Semaine Sainte, chaque évêque préside dans son diocèse la messe chrismale.
C’est la messe au cours de laquelle sont bénies l’huile des catéchumènes et
l’huile des malades et est consacré, par l’imposition des mains de l’évêque et
de tous les prêtres, le Saint Chrême. Consacré : comme le pain et le vin
au cours de l’Eucharistie. Nous admettons tous que, lorsque le pain et le vin
sont consacrés, ils deviennent le Corps et le Sang du Christ, le rendant ainsi
réellement présent au milieu de son peuple. De même, disais-je hier, la
consécration de l’huile sainte fait de ce mélange d’huile et de parfum le signe
de l’Esprit Saint, le rendant réellement présent. Si tel est le cas, pourquoi alors
conservons-nous le Pain eucharistique dans un tabernacle après la messe alors
que le Saint Chrême est relégué à la sacristie, entre le rituel du baptême et
la cruche qui contiendra l’eau pour le même sacrement ? L’Esprit Saint ne
mérite-t-il pas autant de respect que le Christ ? Ne disons-nous pas
quelque chose de l’importance que nous accordons à l’Esprit Saint par la
manière dont nous le conservons, comme nous le faisons pour le Christ présent
dans le Pain eucharistique ?
Le fait est que nous ne savons que
faire de l’Esprit Saint ! Pourtant il est tout à fait essentiel à notre
foi. La présence de l’Esprit Saint dans notre vie, c’est ce que nos frères
orthodoxes appellent la divinisation. Nous devenons divins par sa présence !
Comme le Père Cantalamessa, prédicateur de la Maison Pontificale, le rappelait
aux prêtres du diocèse ce jeudi, la Pentecôte n’est pas un appendice de la fête
de Pâques : elle est l’accomplissement de la rédemption en nous. Le Christ
a ouvert la porte du Salut par sa mort et sa résurrection ; il nous a
obtenu le Salut. Mais l’Esprit nous y maintient, dans ce salut, en divinisant
notre être. Comme le chante la séquence de la Pentecôte, il est l’hôte très doux de nos âmes ; sans
[sa] puissance divine, il n’est rien en aucun homme, rien qui ne soit perverti.
Il lave ce qui est souillé, baigne ce
qui est aride, guérit ce qui est blessé, assouplit ce qui est raide, réchauffe
ce qui est froid, rend droit ce qui est faussé. Il donne mérite et vertu, il donne
le salut final, il donne la joie
éternelle. Je n’invente rien ; tout est dans la prière de l’Eglise.
Paul, dans sa lettre aux Galates, ne dit pas autre chose quand il affirme que les fruits de l’Esprit sont amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance,
fidélité, douceur et maîtrise de soi. Il reconnaît tellement l’importance
de l’Esprit Saint qu’il ne cesse d’inviter les Galates, et nous par la même
occasion, à marcher sous la conduite de
l’Esprit Saint. C’est parce que Paul s’était entièrement laissé saisir par
l’Esprit, qu’il a pu dire, sans forfanterie, que ce n’est plus lui qui vivait, mais le Christ qui vivait en lui.
La fête de la Pentecôte nous invite
à redonner à l’Esprit Saint toute son importance, toute sa place dans notre
vie. La Pentecôte n’est pas qu’un moment de l’histoire des premières
communautés chrétiennes. Elle a existé avant (pour les Juifs, elle était la
fête du don de Loi) ; elle existe encore après ce moment historique. En
fait, la Pentecôte n’a pas de fin. Aujourd’hui encore, nous vivons de ce don
fait jadis aux Apôtres ; aujourd’hui encore, ce don se renouvelle ;
aujourd’hui encore, l'Esprit construit l’Eglise et la guide. Aujourd’hui
encore, il transforme nos vies pour que le Christ puisse établir sa demeure en
nous, définitivement. Aujourd’hui encore, l’Esprit nous divinise ! Cela
vaut non seulement une fête qui nous fait célébrer ce premier don, mais encore
une attention quotidienne à cet Esprit qui fait de nous son Temple. De la même
manière que nous expliquons aux enfants qu’ils doivent être des amis de Jésus,
il nous faut leur expliquer que nous devons être des amis de l’Esprit Saint.
Nous ne pouvons pas vivre notre foi sans lui ; nous ne pouvons pas vivre
comme si cette onction reçue à notre baptême et à notre confirmation n’était
qu’un geste de plus. Le geste de l’onction est le geste qui rend tout
possible ; l’Esprit Saint est l’ami le plus intime, celui qui nous
connaît, nous défend, nous rend fort. Comment imaginer pouvoir nous passer de
lui ?
En cette fête de la Pentecôte,
rendons grâce à Dieu, en Eglise, pour ce don inouï qu’il fait à son
Eglise ; et dans notre vie, remercions chaque jour pour la présence de cet
ami. Grâce à lui, nous comprenons les Ecritures ; grâce à lui, nous
reconnaissons Jésus dans le Pain consacré ; grâce à lui, nous restons
disciples, malgré nos limites, malgré nos faiblesses, malgré notre péché. Il
mérite mieux qu’une petite place dans une armoire de sacristie. Donnons-lui ce
que notre acte de foi proclame : même
adoration et même gloire, avec le Père et le Fils. Amen.
(Ampoule d'huile sainte - Couronnement des rois d'Angleterre - Trésor de la Couronne britannique)
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