Quelle est notre plus grande richesse ?
C’est bien la question que nous renvoient les lectures de ce dimanche. La réponse
appartient à chacun. Mais la liturgie nous donne aujourd’hui à contempler la
réponse qui devrait être celle du croyant. Nous trouvons cette réponse à la
fois dans les lectures entendues et dans les prières prononcées.
C’est la prière d’ouverture, dans l’ordre
liturgique, qui nous fournit un premier indice, lorsqu’elle nous fait prier
ainsi : Que ta grâce nous devance et nous accompagne toujours. Notre première
richesse est dans la certitude de n’être jamais seul. La grâce de Dieu nous accompagne toujours. Cette prière doit
devenir pour chacun de nous plus que des mots prononcés ; elle doit
devenir certitude, surtout dans les moments difficiles que nous traversons. Nous
sommes riches de Dieu ! Et ce n’est pas rien, cela ! Combien d’hommes
et de femmes désespèrent devant les difficultés de leur existence parce qu’ils
n’ont rien, ni personne à qui se raccrocher. Mesurons-nous bien la chance qui
est nôtre d’avoir un Dieu qui nous ouvre une espérance, bien au-delà de la mort ?
Mesurons-nous la puissance de cette présence dans notre vie ? L’oraison de
ce dimanche, non seulement nous fait reconnaître cette richesse, mais nous la
fait demander toujours. Heureux sommes-nous d’être précédés dans notre
quotidien par la grâce de Dieu, par la puissance de son amour, par la force de
son Esprit Saint ! Dieu lui-même se donne à nous et ne nous manquera
jamais.
Nous pouvons alors entendre le livre de la
Sagesse nous transmettre le témoignage d’un sage qui confirme notre prière. J’ai supplié, et l’esprit de sagesse est
venu en moi… tous les biens me sont venus avec elle et, par ses mains, une
richesse incalculable. La sagesse dont on nous parle ici n’est pas une
philosophie de vie, mais un don de Dieu pour lequel l’homme a prié et supplié. Ce don, c’est l’accord parfait entre la volonté de l’homme
et la volonté de Dieu. Ce don, c’est la capacité à regarder le monde et les
hommes avec le regard même de Dieu. Ce faisant, il n’y a plus l’ombre d’un
obstacle entre Dieu et l’homme ; ce que Dieu veut, l’homme le veut. Ce que
Dieu veut, l’homme le vit. C’est déjà le paradis sur terre. N’est-il pas riche
l’homme qui partage les vues de Dieu ? N’est-il pas riche l’homme qui est
libéré des tentations du Mauvais parce que complètement acquis à Dieu ? Notre
deuxième richesse : la sagesse que Dieu nous offre, si nous la lui
demandons.
C’est là que nous mesurons alors l’écart
qui existe entre nous et l’auteur de ces belles pages. Nous serions plutôt
comme le jeune homme de l’évangile qui vient à la rencontre de Jésus. J’ai une
tendresse particulière pour lui, peut-être parce que je lui ressemble tant. N’est-ce
pas, il ne vient pas vers Jésus pour le piéger ; sa demande est honnête ;
sa vie est honnête. Il n’est ni
meurtrier, ni adultère, ni voleur ; il ne fait ni faux témoignage, ni tort
à personne ; il honore son père et sa mère. Tout ce que Jésus lui
indique, il le vit déjà ! Et pourtant, il est venu à Jésus pour chercher
plus. Croyant, pratiquant, il ressent pourtant un manque. Il veut être sûr d’avoir la vie éternelle en héritage. Et
nous le sentons convaincu que tout ce qu’il vit déjà de bien, et que Jésus lui
rappelle, ne lui suffit pas, ne lui suffit plus. Nous sentons bien qu’il a compris
que la richesse ultime, c’est le Royaume et qu’il veut tout faire pour y
accéder. Mais voilà, il n’est pas prêt pour cela. La route supérieure que Jésus
lui indique, il n’est pas prêt à la suivre, car, nous dit l’évangéliste, il avait de grands biens. Il n’a pas compris
que Jésus lui demandait de perdre pour gagner ; il n’a vu que ce qu’il
perdrait ; et il en fut attristé.
C’est là que nous mesurons alors la
puissance du passage de la lettre aux Hébreux au sujet de la parole de Dieu. Nous
comprenons mieux ce que dit l’auteur lorsqu’il affirme que cette parole coupe
et tranche. Elle est la mesure de nos actes et nous aurons à lui rendre des comptes. Autrement dit, ce n’est pas
une parole vaine. Elle doit compter pour nous ; elle doit nous permettre d’accueillir
la sagesse que Dieu donne ; elle doit orienter nos désirs vers le désir de
Dieu, notre bien suprême. Cette parole n’est autre que le Christ lui-même,
Parole de Dieu faite chair comme le rappelle si bien le prologue de l’Evangile
de Jean. Nous pourrions, durant cette semaine, relire et méditer cette belle
page qui ouvre le quatrième évangile. Un petit devoir avant les vacances de la
Toussaint. Il complète bien la méditation des textes de ce dimanche : Au commencement était le Verbe, et le Verbe
était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu… C’est par lui que tout est venu à
l’existence, et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui… Le Verbe
était la vraie Lumière qui éclaire tout homme en venant dans le monde. Il était
dans le monde, et le monde était venu par lui à l’existence, mais le monde ne l’a
pas reconnu. Le drame du jeune homme riche ; le drame de l’humanité ;
quelquefois notre propre drame. Nous voulons convoquer Dieu dans notre vie,
mais nous ne nous laissons pas convoquer par lui, nous ne nous laissons pas
approcher par lui. Nous voulons bien de Dieu un peu, quand cela nous arrange, mais pas
tout le temps, mais pas pour tout. Nous laissons échapper la richesse véritable
au profit de pâles copies qui nous semblent plus séduisantes, plus essentielles…
à vue humaine. Notre plus grande richesse pourtant, c’est cette parole, cette
présence de Jésus à notre vie. En lui, Dieu nous donne tout.
Après la liturgie de la Parole, la
liturgie eucharistique nous fera approcher ce grand don de Dieu aux hommes. Dieu
se livrera à nous dans le Pain et le Vin partagés, comme il vient de se donner
à nous dans sa Parole proclamée. Nous tiendrons au creux de nos mains plus que
tout l’or du monde ; nous tiendrons au creux de nos mains celui que le
monde ne pas contenir : le Christ vivant, présent dans le pain rompu. Il n’y
a pas de richesse plus grande que Dieu pourrait nous donner ; il n’y a pas
richesse plus grande qui pourrait combler notre vie comme la comble ce morceau
de pain, riche de la présence du Christ. Ce morceau de pain nous rendra riches
de Dieu comme le redira la prière après la communion : rends-nous participants de la nature divine
puisque tu nous as fait communier au corps et au sang du Christ. L’homme et
Dieu réconciliés en Jésus, unis en Jésus, mort et ressuscité. Là se trouve la richesse
qui sauvera le monde ; là se trouve la richesse qui comblera tous les
hommes et transformera notre monde en monde meilleur.
Un passage de l’Evangile l’affirme : là où est ton trésor, là aussi est ton cœur.
Prions et supplions le Père de toute miséricorde afin que notre trésor soit
la sagesse et la parole de Dieu et que notre cœur demeure pour toujours auprès
du cœur de Dieu. Amen.
(Dessin de M. Leiterer)
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