La page d’évangile que l’Eglise propose à
notre méditation aujourd’hui est assez représentative des différentes histoires
que nous rapporte la Bible lorsqu’elle nous parle des relations entre Dieu et
les hommes. D’Abraham, le père des croyants à Paul, l’avorton devenu apôtre, en passant par les disciples, le lecteur
trouvera matière à interroger son propre rapport à Dieu, ainsi que les émotions
qui le traversent quand il va à la rencontre de Dieu.
Voyez la foule qui vient à Jésus. Nul doute
qu’elle est dans l’admiration devant ce jeune rabbin qui dit la parole de Dieu.
Luc nous dit qu’elle se presse autour de Jésus.
Nous pouvons sentir la nécessité qu’il y a pour ces hommes et ces femmes à être
là, à écouter un enseignement nouveau peut-être, mais dit avec autorité et
conviction. Cela donne envie de nous presser à notre tour et d’écouter ce qui
est dit. Être là, à l’écoute, est sans doute la chose la plus importante à
faire quand Jésus vient. J’en veux pour preuve que nous avons peu de contenu
sur l’enseignement de Jésus : nous ne savons pas ce qu’il dit à la foule
la plupart du temps ; mais nous savons qu’elle est là, nombreuse et
attentive. Plus que ce que dit Jésus, ce qui compte c’est d’en être. La première
attitude de toutes ces personnes qui se pressent, c’est une certaine forme d’admiration
qui traduit le besoin d’une parole nouvelle et la reconnaissance que Jésus assouvit
ce besoin.
Et Jésus enseigne volontiers, en parole et
en acte, comme le montre la suite de l’évangile. Voyant deux
barques qui se trouvaient au bord du lac (…), Jésus monta dans une des barques
qui appartenait à Simon, et lui demanda de s’écarter un peu du rivage. Puis il
s’assit, et de la barque, il enseignait les foules. Luc donne l’impression
que Jésus n’arrête jamais ; il ne semble jamais fatigué par la foule. Il trouve
toujours une solution pour enseigner au calme les foules qui viennent à lui. Dans cette barque de Simon, nous pouvons
voir une image de l’Eglise qui sera confiée à Pierre et qui devra étendre et
prolonger la mission de Jésus : enseigner les foules, à temps et à contre-temps,
sans jamais se lasser. Et quand l’enseignement en parole est fini, une demande
est faite à Simon : Avance au large
et jetez vos filets. L’enseignement de Jésus a dû être tellement prenant
que Simon n’objecte pas ; il consent à la demande de Jésus : Maître, nous avons peiné toute la nuit sans
rien prendre ; mais, sur ta parole, je vais jeter les filets. C’est
comme si l’enseignement de Jésus se poursuivait dans cette demande. Et le
résultat est là : des poissons à ne plus savoir qu’en faire : ils capturèrent une telle quantité de poissons
que leurs filets allaient se déchirer. A ceux qui s’interrogent sur les
fruits de l’enseignement de Jésus, il est donné un signe : ceux qui l’écoutent
sont comblés au-delà de toute espérance ; la parole de Dieu peut beaucoup
si nous l’accueillons avec confiance. Simon aurait pu mettre en avant son
savoir de maître pêcheur et objecter à Jésus qu’une pêche à ce moment-là de la
journée était inutile ! Mais il a fait confiance à la parole de Jésus.
Et voici que l’admiration se transforme en
crainte. Ecouter quelqu’un qui parle bien est une chose ; voir que sa parole
réalise de grandes choses en est une autre. Au plaisir d’écouter succède la
crainte de l’avenir : que va-t-il se passer encore si je continue à
écouter ? Quel impact peut avoir cette parole ? Ne vaut-il pas mieux
ne plus écouter ? Eloigne-toi de
moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur. Ce cri de Simon peut traduire
la conscience qu’il a soudain de qui est Jésus par rapport à lui ;
mais il peut traduire aussi la peur de ce qui pourrait lui arriver si Jésus restait
là, dans sa barque. Peut-être traduit-il aussi la conscience qu’a Pierre
soudainement du chemin de conversion qui s’ouvre devant lui et auquel il ne se
sent peut-être pas prêt ! Et il n’est pas le seul à réagir ainsi : un grand effroi l’avait saisi, lui et tous
ceux qui étaient avec lui. Il y a une manière romantique de considérer Jésus
et sa parole : il est agréable à écouter ! Et quelquefois la réalité
de la puissance de sa parole nous effraie : romantiquement nous avions
compris que cette parole appelait un changement que nous désirions même
peut-être ; et nous trouvions cela plutôt sympathique ! Mais quand
nous comprenons que cette parole nous appelle en réalité à changer nous-mêmes,
voilà qu’elle est moins romantique, plus dérangeante, plus exigeante ! Quand
l’exigence concerne les autres, c’est une bonne chose ; quand elle nous
concerne, elle fait peur.
Jésus comprend et appelle à une vraie
confiance en lui : sois sans
crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras. Jésus vient calmer
nos craintes ; il nous rassure. Sa parole, pour exigeante qu’elle soit, ne
demande rien d’impossible. Et surtout, il ne nous laisse pas seul pour l’accomplir.
Il est avec nous, toujours. Il donne les moyens d’accomplir ce qu’il attend de
nous. Voyez Isaïe qui est purifié par l’un des séraphins ! Voyez Paul, le
persécuteur devenu Apôtre ! Voyez tous ces ancêtres dans la foi dont nous
parle la Bible : tous ont été appelés, tous ont eu de Dieu la capacité à
faire ce pourquoi ils avaient été appelés alors qu’ils s’en jugeaient indignes.
C’est pour cela que, ramenant les barques
au rivage et laissant tout, ils le suivirent. Quand l’homme accepte de
faire confiance à Jésus, il peut tout, en Jésus. Et rien ne l’empêchera de
marcher à sa suite.
Ce que l’enseignement de Jésus à la foule
provoque, le signe de la pêche miraculeuse nous le montre. C’est d’abord un
déplacement intérieur, une conversion : Jésus cesse d’être ce personnage
romantique pour devenir le cœur de notre vie dès lors que nous abandonnons
toute crainte. Inscrivons-nous dans ce grand mouvement de confiance et marchons,
nous aussi, à la suite de Jésus. Amen.
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