Ben Sirac le Sage l’affirme : Le
Seigneur est un juge qui se montre impartial envers les personnes. Mais
alors pourquoi ce sentiment bizarre que certains peuvent ressentir en entendant
l’Evangile du pharisien et du publicain qui vont au Temple pour prier ?
Pourquoi, avant même la fin de l’histoire, avons-nous l’impression que cela
finira mal pour le pharisien et bien pour le publicain ? Jésus n’aime-t-il
pas les pharisiens dont le seul but est de vouloir vivre leur foi complètement ?
N’aime-t-il pas les croyants, pratiquants, Jésus ?
Autant le dire tout de suite, il ne
rejette pas le pharisien parce qu’il est pharisien. Il ne les évite pas, et va
même manger chez l’un d’entre eux. Certains historiens pensent même que Jésus était
proche d’eux ; son insistance sur la Loi qu’il ne vient pas abolir mais
accomplir, ses invitations à revenir à la foi et à la vivre authentiquement,
sont autant de marqueurs qui auraient dû rapprocher Jésus de ce groupe nommé
pharisien. Certains commentateurs pensent même que c’est parce qu’il les aime
bien qu’il dénonce les travers de certains. Ce n’est pas ce qu’est cet homme
(un pharisien) que Jésus dénonce, c’est ce qu’il dit.
De même pour le publicain. Il ne le
loue pas parce qu’il est publicain. Je crois que nous pouvons nous entendre sur
le fait que Jésus n’aime pas le péché, mais alors pas du tout. Il offre sa vie
sur la croix pour combattre le péché, pour le vaincre définitivement, de sorte
que tout homme qui se fie à Jésus puisse profiter de cette victoire obtenue à
grand prix. Mais s’il n’aime pas le péché, il faut reconnaître qu’il a un
faible pour les pécheurs. Là encore, ce n’est pas ce qu’est cet homme (un
publicain) que Jésus loue, c’est ce qu’il dit. Nous pouvons encore nous
entendre sur le fait que Jésus aime, sans doute aucun, les deux hommes. Aucun ne
part avec un avantage sur l’autre ; aucun ne part avec un handicap sur l’autre.
Jésus raconte une parabole qui met en scène deux hommes ; l’un est
pharisien, l’autre publicain. C’est tout. Et ce que dit chacun, l’autre aurait
pu le dire.
Il existe des pharisiens, des croyants,
pratiquants, qui savent parler à Dieu d’autre chose que des nombreuses bonnes
actions qu’ils font à longueur de journée. Il y a des pharisiens, des croyants
pratiquants, qui savent louer Dieu pour la foi qu’il leur donne de vivre, pour
le chemin de salut qu’il leur permet de suivre. Il y a des pharisiens, des
croyants pratiquants, qui savent se tenir devant Dieu avec humilité et
sincérité, reconnaissant leur manque et combien ils ont encore besoin de Dieu. Il
se trouve juste que celui dont Jésus parle n’est pas de ceux-là !
De même, il y a des publicains, des
pécheurs, qui ne craignent pas Dieu, qui se plaisent dans leur péché, qui se
moquent de tout et de tout le monde. Il y a des publicains, des pécheurs, qui
sont fiers de la vie qu’ils mènent et pour qui Dieu n’est guère plus important
que le premier péché qu’ils ont commis avec délectation. Il y a des publicains,
des pécheurs, qui ont perdus le sens du bien et qui vivent bien avec. Il se
trouve juste que celui dont parle Jésus n’est pas de ceux-là !
Je suis convaincu que si ces personnages n’étaient
pas les héros malgré eux de la parabole, mais existaient vraiment, je suis
convaincu donc que Jésus, les rencontrant, les aimerait pareillement au départ.
Il porterait sur eux le même regard, celui de Dieu qui aime chacun du même
amour. Il ne dirait pas : ce n’est qu’un pharisien, qui fait déjà tout
bien : sans intérêt pour moi ! Il ne dirait pas : chouette, un
publicain qui fait tout de travers : voilà quelqu’un que je peux sauver. Jésus
regarde et écoute, chacun de nous, pareillement. Si nous pouvons avoir l’impression
qu’il en préfère certains à d’autres, ce n’est pas pour ce qu’ils sont, mais
pour ce qu’ils font, ou pas. Souvenons-nous toujours de cette phrase de l’Evangile
de Matthieu : Ce que vous avez fait (ou pas) à l’un de ces petits qui
sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait (ou pas). Il n’est pas
dit que le petit, c’est nécessairement le publicain ; il n’est pas dit
davantage que le petit, ce ne peut pas être le pharisien ! Le petit, c’est
celui qui a besoin de nous !
Face à Dieu, nous devons nous faire
petit, c’est-à-dire reconnaître que nous avons besoin de lui pour être réellement
et totalement sauvés. C’est ce que ce pharisien de la parabole n’arrive pas à
faire ; c’est ce en quoi excelle le publicain de la parabole. Tous deux
sont face à Dieu, au Temple. Tous deux viennent là pour prier, c’est-à-dire s’adresser
à Dieu. L’un ne parle que de lui et de tout ce qu’il fait, sans rien attendre
de Dieu. Il se trouve que c’est le pharisien ; mais cela aurait pu être le
publicain ! L’autre parle de ce que Dieu pourrait faire pour lui. Il se
trouve que c’est le publicain ; mais cela aurait pu être le pharisien !
Certes, cela n’aurait pas eu le même impact, l’histoire de Jésus étant à l’adresse
de certains qui étaient convaincus d’être des justes et qui méprisaient les
autres ce qui est justement le cas de certains pharisiens, mais pas tous.
Ne généralisons pas sur la duplicité des pharisiens ; ne généralisons pas
sur l’humilité de tous les pécheurs. Les livres des prophètes sont pleins de paroles
de condamnations visant les pécheurs qui réussissent au-delà de toute mesure alors
que les justes, ceux qui sont fidèles à la foi, sont persécutés et mis à morts.
Peut-être que Jésus veut juste nous
dire que ce n’est pas à nous de juger les personnes, pas même nous, ni de
sonder les reins et les cœurs. Cela revient à Dieu, en vérité ! Nous ne
pouvons que nous tenir devant Dieu, tel que nous sommes, conscients de nos
richesses et de nos limites, et implorer Dieu de nous maintenir dans les
premières et de nous corriger dans les secondes. Ni fausse modestie, ni excès d’humilité.
Nous ne sommes ni tout blanc, ni tout noir. Nous sommes comme la vie nous a
fait, par ses joies et par ses épreuves. Et c’est tout cela qu’il faut
présenter à Dieu. Lui rendre grâce pour le meilleur en nous, sans nous comparer
aux autres ; lui demander de guérir en nous ce qui n’est pas à la hauteur
de sa sainteté. Saint Paul, qui était pharisien, formé auprès des plus grands,
dira lui-même : Le bien que je veux faire, je n’y réussi pas toujours ;
et le mal que je voudrais éviter, je le commets quelquefois. Peut-être est-ce
là la juste attitude, celle qui nous fait nous tenir devant Dieu en vérité.
Vous avez le droit de chercher à
vivre honnêtement votre foi et d’y réussir ; mais n’en faites pas étalage
pour enfoncer ceux qui n’y arrivent pas ! Vous êtes, comme tout homme, comme
moi, marqués par le péché ; mais ne désespérez pas et confiez-vous à Dieu.
Dieu aime ceux qui vivent leur foi sans étalage ; Dieu aime les pécheurs
qui crient vers lui et attendent de lui un geste de salut. Dieu est un juge qui
se montre impartial envers les personnes. Il ne défavorise personne. Celui
dont le service est agréable à Dieu sera bien accueilli, sa supplication
parviendra jusqu’au ciel. La prière du pauvre traverse les nuées. Pharisien
et publicain, traité pareillement, du moment que c’est Dieu, et non pas eux,
qui est au centre de leur vie. Quand on vous dit que Dieu est impartial, croyez-le !
Amen.
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