Elle n’est pas là physiquement, mais
la première lecture et l’Evangile ne parlent que d’elle dans cette liturgie du
quatrième dimanche de l’Avent. Pas étonnant donc qu’une des propositions de
décor pour notre communauté ait été de ne mettre aujourd’hui que Marie seule
dans la crèche. Elle n’est pas là, mais elle est incontournable, même dans
cette rencontre entre Joseph, son époux promis et l’ange du Seigneur qui lui
apparaît. Elle n’est pas là, elle ne parle pas, mais jamais son Oui à Dieu
n’aura retenti aussi fort dans la tête de Joseph. Elle n’est pas là, et
pourtant sa vie reste un modèle pour tout croyant.
En écoutant le prophète Isaïe, qui
annonce la naissance d’un fils dans la maison du roi Acaz, comment ne pas, avec
l’Eglise tout entière, reconnaître la figure de Marie ? Ce n’est pas
d’elle que parle Isaïe, mais la Tradition chrétienne a vu une préfiguration de
Marie dans cette vierge enceinte dont parle le prophète, et une annonce
de la naissance du Christ. De fait, tout chrétien qui accepte que l’Ancien
Testament nous parle des promesses de Dieu à son peuple, ne pourra s’empêcher
de faire ce rapprochement et reconnaître ce qui est révélé à Joseph dans
l’évangile de Matthieu. Ce qui est annoncé (Voici que la vierge est
enceinte, elle enfantera un fils, qu’elle appellera Emmanuel) correspond à
ce qui est annoncé à Joseph, un peu déboussolé de constater que sa promise est
déjà enceinte alors qu’ils n’ont pas encore habité
ensemble. Si aujourd’hui, cela ne
semble pas plus dramatique que cela, puisqu’une femme peut même faire un bébé
toute seule, à l’époque de Joseph, c’était le drame absolu. La Loi exigeait de
lui qu’il dénonça sa femme publiquement, et celle-ci n’aurait pas manqué d’être
lapidée. Mais comme Dieu fait toujours bien les choses, Joseph, qui était un homme juste, décida de faire autrement. Ce qui laisse à
Dieu un temps pour révéler son projet au grand oublié de l’histoire :
celui qui serait le père terrestre de Jésus.
Ce
projet de Dieu, c’est celui que Marie avait accepté à l’Annonciation :
être la mère du Sauveur que Dieu enverrait à son peuple. Ce qui est
extraordinaire, ce n’est pas l’annonce d’un enfant à une fille d’Israël ;
le Premier Testament regorge d’histoires d’enfants offert par Dieu à des femmes
stériles ou âgées. Il y a eu, entre autres, Isaac l’enfant de la promesse,
Samson, Samuel, Jean le Baptiste... Ce qui change avec celui-là, c’est qu’il
vient de Dieu lui-même : l’enfant qui est
engendré en elle vient de l’Esprit Saint. Et là
nous touchons à l’essentiel pour nous aujourd’hui. Comme Marie avait accepté le
projet de Dieu à l’Annonciation, Joseph doit faire sien le projet de Dieu. Et,
à la suite de Joseph, nous devons faire nôtre le projet de Dieu. Il tient en
deux noms : Jésus – Emmanuel. Nous découvrons qu’à travers cet enfant, Le-Seigneur-sauve son
peuple et qu’il est Dieu-avec-nous. D’aucun autre enfant donné par Dieu, une telle chose est dite, même
s’ils ont eu des destins extraordinaires.
Le-Seigneur-sauve, Dieu-avec-nous : voilà que tout nous est dit sur celui dont nous préparons la venue.
Voilà que nous est annoncé notre avenir. Quand nous irons à la crèche, y verrons-nous
ce Dieu-avec-nous ? Reconnaîtrons-nous le Seigneur qui nous sauve ou ne verrons-nous qu’un enfant comme tous les autres enfants ?
Accepterons-nous, dans notre propre vie, le projet de Dieu pour tous les
hommes, donc pour nous aussi ? Avons-nous seulement le sentiment de devoir
être sauvé par Dieu ? Devant cette annonce, Joseph, réveillé, n’hésite
pas : il prit chez lui son épouse et avec elle, il accepte le projet de salut de Dieu. Ce qui aurait pu
être une source de conflit devient source d’avenir, pour Joseph, pour Marie,
pour vous, pour moi, pour tous les hommes. Et l’histoire de Joseph devient
votre histoire, mon histoire, l’histoire de tous les hommes. C’est à nous qu’il
est dit : ne crains pas de
prendre chez toi Marie et l’enfant qui grandit en
elle. Ne crains pas d’entrer dans le projet de salut de Dieu. Accueille celle
qui s’est montré capable de Dieu et deviens, toi-aussi, capable de Dieu,
capable de t’ouvrir à l’avenir. Accueille celle qui m’a accueilli ;
accueille-moi dans ta vie.
Marie
n’est pas là, mais tout nous parle d’elle, à commencer par cette crèche qui se
construit depuis le premier dimanche de l’Avent. Sans Marie, ce ne serait
qu’une cabane en bois, pas différente des cabanes de notre enfance. Mais grâce
à elle, cette cabane devient le lieu de la rencontre entre Dieu et les hommes.
Grâce à elle, le monde devient le lieu de la rencontre entre Dieu et les
hommes. Grâce à elle, tout homme devient le lieu de la rencontre entre Dieu et
les hommes. La décision est nôtre aujourd’hui : accueillerons-nous Marie
et son enfant ? Accueillerons-nous Dieu dans notre vie ?
(Dessin de Jean-Yves DECOTTIGNIES, in Mille dimanches et fêtes, Année A, éd. Les Presses d'Ile de France).
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