Dieu nous rend capable de vivre comme lui.
(Hortus Deliciarum, Le bon Samaritain)
Elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu la mettes en pratique. Si seulement tout était aussi simple que ne l’énonce ce verset biblique du livre du Deutéronome ! A écouter Moïse, il suffirait d’écouter Dieu nous parler pour aussitôt nous convertir, pour aussitôt ajuster notre vie et devenir saints. Mais nous savons bien que rien n’est aussi simple, et que les choses qui s’énoncent le plus facilement sont souvent les plus difficiles à mettre en œuvre. N’avons-nous pas d’autre choix que de désespérer de nous-mêmes ?
Vous savez bien que ce n’est pas ce que recherche Dieu. Le projet d’amour de Dieu pour nous est un projet de vie, fondé sur une espérance. Et ce projet de Dieu nous pousse à croire que Dieu veut le meilleur pour nous. Moïse en est bien conscient, lui qui affirme que cette loi n’est pas au-dessus de tes forces, ni hors de ton atteinte. Dieu n’est ni un sadique qui ne mettrait qu’embûche sur embûche sur notre route, ni un maître exigeant demandant plus que nous ne pourrions lui donner. Non, notre Dieu est proche de nous, proche de chacun de nous. Il veut notre réussite, il veut notre vie pour lui, avec lui, toujours. Le christianisme ne saurait être une religion de la sueur, qui exige toujours plus de nous, et qui ferait de Dieu un éternel insatisfait. Les plus anciens se souviennent peut-être avec moi de ces efforts que nous devions faire dans notre enfance et qui n’étaient jamais suffisants, jamais assez bien ! Nous nous fatiguions pour un Dieu qui ne semblait jamais se fatiguer de nous voir échouer. Quelle vision de Dieu avons-nous répandue ainsi ? Quel dégoût de Dieu avons-nous engendré ainsi ? Et nous arrivons même à nous étonner que tant d’hommes et de femmes se soient éloignés de Dieu !
Ne me comprenez pas mal. Je ne cherche pas à brader notre foi ; je ne cherche pas à relativiser la vie chrétienne. Je veux simplement que nous remettions les choses à leur juste place. Ce qui est premier, ce n’est pas que je me fatigue pour Dieu ; ce qui est premier, c’est que Dieu m’aime et veut mon bonheur. Ce qui est premier, ce n’est pas d’étaler tout ce que je fais pour Dieu ; ce qui est premier, c’est reconnaître ce que Dieu fait pour moi. Ce qui est premier, ce n’est pas que j’aime Dieu ; ce qui est premier, c’est que Dieu m’aime, gratuitement, immensément, parfaitement. Il m’aime d’un amour que je ne peux qu’imiter. Il m’aime, parce qu’il est Dieu. Autrement dit, si Dieu ne m’aimait pas tel que je suis, il ne serait pas vraiment Dieu ; si Dieu ne m’aimait pas avec mes quelques qualités et mes nombreux défauts, il ne serait pas vraiment Dieu. Ce qui fait que Dieu est Dieu, c’est justement cet amour qu’il porte à tout humain qu’il fait venir à la vie terrestre. Ce qui fait que Dieu est Dieu, c’est justement qu’il nous appelle à vivre pour lui, par lui et avec lui, simplement, du mieux que l’on peut. Il ne nous aime pas parce que nous sommes saints ; il nous aime pour que nous puissions devenir saints. Mieux, il nous rend participant de sa propre sainteté. Et parce qu’il fait cela, parce qu’il nous rend capable de sa sainteté, il nous invite à vivre comme lui. Nous sommes rendus capables par Dieu lui-même d’aimer et de vivre selon sa Parole. Il n’est pas question d’efforts à faire ; il est question d’accueillir une manière de vivre, celle de Dieu.
Vivre comme Dieu, ce n’est pas avoir sa parole en bouche à longueur de journée. Vivre comme Dieu, c’est avoir l’autre, tout autre, à mon esprit avant moi. Vivre comme Dieu, c’est croire que je sers Dieu quand je sers les hommes, tous les hommes qu’il met sur ma route, que ces hommes croient comme moi ou pas, qu’ils vivent comme moi ou pas. Vivre comme Dieu, c’est croire que l’autre qui croise ma route et qui a besoin de moi, c’est Dieu lui-même qui croise ma route et qui a besoin de moi. Le Samaritain de l’évangile, en se faisant le prochain de l’homme blessé, ne s’interroge pas longtemps sur ce que cet homme avait fait pour mériter d’être ainsi agressé ; il a vu un homme blessé, en danger de mort, et il s’est porté à son service, humblement. D’autres, plein de Dieu de par leur métier ou leur statut social, n’ont rien fait. Ils n’ont pas su, ou pas voulu voir en cet homme la présence de Dieu qui souffre quand l’homme souffre, la présence de Dieu qui meurt quand l’homme meurt.
Ils
sont nombreux aujourd’hui, ces hommes et ces femmes blessés sur le chemin ;
saurons-nous nous faire leur prochain ? Ils sont nombreux, ces hommes et
ces femmes dans le besoin ; saurons-nous leur venir en aide ? Les
résultats des différentes élections que notre pays a connues ces derniers mois,
et l’incapacité manifeste de nos élus à travailler ensemble au bien commun, ne
laissent que peu d’espérance. Quand les extrêmes et les populismes montent, ce
sont la charité, la solidarité, la justice et l’espérance qui baissent, parfois
jusqu’à disparaître. Celui qui est trop différent de nous devient alors celui
dont il faut se méfier, celui qu’il faut combattre, celui qu’il faut mettre
hors de nos frontières pour que nous retrouvions un bonheur hypothétique.
Entendrons-nous Dieu nous redire que notre vie dépend de notre capacité à aimer,
à servir et à accueillir ? N’oublions pas que si nous sommes l’homme
blessé dont quelqu’un croise la route, nous sommes aussi le samaritain qui
croise la route d’un blessé. A trop peu aider et aimer, nous ne serons que trop
peu aidés et aimés. A bonne entendeur ! Amen.
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