Jésus, l'un de nous, tout en étant Dieu.
Je tiens à m'excuser auprès de mes lecteurs, mais pris par une grippe qui m'affaiblit, je n'ai pas d'autres homélies que celle que j'avais prévu pour la messe de la veille au soir.
Ce n’est certes pas la lecture la plus passionnante de l’évangile, cette généalogie de Jésus rapportée par Matthieu au tout début de son œuvre, mais elle nous enseigne beaucoup sur celui qui vient au milieu de nous, en cette nuit de Noël. En fait, elle nous dit l’essentiel pour que nous ne nous trompions pas sur l’identité de celui qui se fait petit enfant.
La longue succession des générations, depuis Abraham jusqu’à Jésus, nous dit clairement et sans contestation possible, que Jésus s’inscrit dans une histoire qui a commencé bien avant sa naissance terrestre. C’est une histoire d’hommes et de femmes qui répondent à un appel de Dieu à vivre une alliance avec lui. Une histoire d’hommes et de femmes appelés à se laisser mettre en route à l’image de notre père Abraham ; une histoire d’hommes et de femmes appelés à laisser Dieu gouverner leur vie, à l’exemple du roi David qui tient de lui son pouvoir royal ; une histoire d’hommes et de femmes appelés à se laisser pardonner par Dieu pour lui être à nouveau fidèle à l’exemple de ce peuple revenu d’Exil. Malgré l’adversité, malgré les doutes qui le traverse, ce peuple est le peuple que Dieu s’est choisi. En envoyant son Fils unique dans ce peuple particulier, Dieu redit sa fidélité à son Alliance, alliance de salut et de vie pour tous ceux qui choisissent Dieu.
La longue succession des générations, depuis Abraham jusqu’à Jésus, nous montre aussi qu’avec lui quelque chose de neuf commence. Découpée en trois partie, la liste des ancêtres de Jésus marque les grandes étapes de la vie de ce peuple. Trois fois quatorze générations accomplies, ce qui fait qu’avec Jésus, une nouvelle ère commence, un nouveau monde advient. Cette nouveauté est marquée par la formule employée pour annoncer la naissance de Jésus, différente de la formule employée pour ces ancêtres. Là où il était dit que, par exemple, Abraham engendra Isaac, il est dit non pas que Joseph engendra Jésus, mais que de Marie fut engendré Jésus, que l’on appelle Christ. La formule employée est un passif divin. Le lecteur de Matthieu comprend immédiatement que l’origine de Jésus, c’est Dieu. C’est lui qui a engendré Jésus dans le sein de Marie, comme nous l’apprend si bien le récit de l’Annonciation. Joseph, en entrant dans le projet de Dieu, devient le père protecteur de l’enfant nouveau-né. Cette longue généalogie nous apprend donc qu’il est d’un peuple ancien, certes, mais qu’il est aussi de Dieu, pour commencer un nouveau cycle de vie, une nouvelle création. Le nom que Joseph donnera à l’enfant dit clairement qu’il vient de Dieu pour sauver son peuple. Ce salut ne concerne pas la délivrance du joug romain, mais bien de ce joug fondamental qui tient l’homme loin de Dieu, le joug du péché : Tu lui donneras le nom de Jésus (c'est-à-dire le Seigneur sauve), car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés.
Ayant entendu l’histoire de ce Jésus, et compris la portée salvifique de sa naissance, il nous revient de nous déterminer. Voulons-nous entrer, à notre tour, dans ce peuple sauvé par Jésus ? Voulons-nous avec lui bâtir le monde nouveau que sa naissance inaugure ? Dans notre monde en crise, les pistes, pour que ce monde devienne réalité, ne manquent pas : avec Jésus, il nous faut devenir artisan de paix ; avec Jésus, il nous faut annoncer le Royaume ; avec Jésus, il nous faut mettre l’autre, le petit, l’étranger, au cœur de nos préoccupations. Pour construire ce monde nouveau, il nous faut devenir pleinement humain à l’exemple de Jésus, pour retrouver en nous la trace de la divinité que le péché nous a fait perdre. Laissons Dieu nous engendrer à cette vie nouvelle qu’il commence en Jésus. Que les célébrations de Noël fassent de nous des disciples missionnaires, transformant d’abord leur vie pour transformer ensuite le monde en profondeur. Dieu ne sauvera pas ce monde sans nous, ni contre nous. Et nous ne sauverons pas le monde sans la force qui nous vient de Dieu. Amen.