Jésus est ressuscité : il nous commande d'aimer.
(Icône dite de l'amitié)
Plus nous avançons dans le temps
pascal, plus nous comprenons l’impact de la résurrection de Jésus dans notre
vie. Chaque dimanche de Pâques apporte une nouvelle révélation qui découle
directement de l’œuvre de salut accomplie par Jésus quand il a accepté de
livrer sa vie sur la croix. L’enseignement de ce sixième dimanche de Pâques
peut nous laisser perplexe puisqu’il se résume tout entier dans le dernier
verset de l’évangile entendu : Voici ce que je vous commande :
c’est de vous aimer les uns les autres.
Nous avons le droit d’être perplexe, car qu’y a-t-il de plus opposé que commandement et aimer ! Peut-on commander à quelqu’un d’aimer un autre ? Peut-on s’obliger à l’amour ? Si nous réduisons l’amour à un sentiment, alors non, nous ne pouvons pas commander à quelqu’un d’aimer un autre. Les sentiments ne se commandent pas et ne s’imposent pas. Qu’est-ce qui fait que Roméo tombe amoureux de Juliette alors que tout aurait dû les séparer ? Nous n’en savons rien et nous n’en saurons jamais rien. Les ressorts des sentiments humains sont un grand mystère. Il n’y a pas de raison au fait que j’aime untel et que je déteste profondément tel autre. Et je crois que Jésus lui-même ne pourra rien changer à l’amour sentiment, tel que nous le ressentons. D’ailleurs, je crois de plus en plus que le commandement d’aimer n’a rien à voir avec mes sentiments. Il se situe au-delà ; c’est un amour différent. Jésus lui-même nous le fait comprendre, me semble-t-il quand il nous dit un peu plus haut dans le même texte entendu : Aimez vous les uns les autres COMME je vous ai aimés. Ce « Comme » change tout ; il nous sort du sentimentalisme pour nous faire entrer dans l’amour tel qu’il existe en Dieu. En nous invitant à aimer comme lui aime, Jésus nous sort de notre manière d’aimer pour nous faire entrer dans la manière d’aimer de Dieu lui-même. Et cela change tout. D’une part, comme je l’ai déjà dit, cela sort l’amour des sentiments humains ; et d’autre part, cela fait de l’amour un don, un cadeau que Dieu nous fait et dont il nous livre le mode d’emploi. Avec un amour à la hauteur de l’amour de Dieu lui-même, je deviens capable de ne plus tenir compte des étiquettes que je colle facilement sur les gens. Avec un amour à la hauteur de l’amour de Dieu pour moi, je deviens capable d’aimer comme seul Dieu m’a aimé. Avec un amour à la hauteur de l’amour de Dieu pour moi, j’aime radicalement, absolument, gratuitement, sans condition et sans regret. Je deviens capable d’aimer en vérité.
Nous avons vu cet amour à l’œuvre dans les Actes des Apôtres, tout au long du temps pascal. Et nous le voyons encore à l’œuvre quand Pierre est capable de dépasser sa manière d’envisager le monde : les bons, ceux qui aiment Dieu, et les autres, les infréquentables parce qu’ils n’aiment pas le même Dieu. Ne croyez pas qu’il soit allé chez le Centurion Corneille par plaisir. Il a obéi à un ordre de Dieu. De lui-même, jamais il n’aurait fait ce déplacement. Corneille est un romain, un païen, un envahisseur, un ennemi. Il n’a rien pour lui plaire ; il a tout pour être détesté, à tout le moins tout ce qu’il faut pour ne pas être fréquenté. Des amis comme Corneille, Pierre n’en veut pas ; il n’en a pas besoin. Et pourtant, Pierre est bien obligé de se rendre compte que sa manière de penser est fausse. S’il veut être un authentique disciple de Jésus, il ne peut pas continuer à penser comme il l’a fait jusqu’à présent. Il doit penser comme Dieu ; et il le dit : En vérité, je le comprends, Dieu est impartial : il accueille, quelle que soit la nation, celui qui le craint et dont les œuvres sont justes. Dieu ne colle pas d’étiquette sur les gens ; il ne les classe pas ; il n’a pas de chouchou. Il aime tous les hommes. Pierre, et ceux qui l’accompagnaient vont en avoir une preuve éclatante. Pierre parlait encore quand l’Esprit Saint descendit sur tous ceux qui écoutaient la Parole… Pierre dit alors : « Quelqu’un peut-il refuser l’eau du baptême à ces gens qui ont reçu l’Esprit Saint tout comme nous ? » Si Dieu lui-même manifeste clairement qu’il aime celui que j’ai évité jusqu’à présent, puis-je vraiment me dire du côté de Dieu et ne pas aimer celui que Dieu aime ?
Saint Jean, dans sa première lettre,
est lumineux à ce sujet : Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres
puisque l’amour vient de Dieu. Celui qui aime est né de Dieu et connaît Dieu.
Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour. Et plus loin,
il nous dit ce que c’est qu’aimer : voici en quoi consiste
l’amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a
aimés, et il a envoyé son Fils en sacrifice de pardon pour nos péchés. Aimer,
si je fais confiance à Jean, c’est reconnaître que Dieu nous aime en premier,
tous. Aimer l’autre, c’est reconnaître que Dieu l’aime ; et si donc je
connais Dieu, je ne peux qu’aimer à mon tour cet autre que Dieu aime. Aimer,
c’est reconnaître à chaque homme, à chaque femme, à chaque enfant la dignité
d’être aimé de Dieu. De ceci découle une obligation pour nous, chrétiens. Elle
consiste à toujours parler de Dieu de telle sorte que ceux qui nous entendent
aient envie d’aimer plus. Tout discours sur Dieu qui ne donne pas envie d’aimer
plus, n’est pas un discours sur Dieu acceptable. Et si nous entendons un tel
discours sur Dieu, un discours qui invite les hommes à s’opposer, à s’exclure,
à se rejeter plutôt qu’à s’aimer, il nous faut le dénoncer et il faut surtout
apprendre aux plus faibles dans la foi à courir, et à courir vite, pour
s’éloigner aussi loin que possible de tels discours. Dieu ne sera jamais la
caution de nos exclusions ; Dieu ne sera jamais la caution du rejet de
l’étranger ; Dieu ne sera jamais la caution de nos conflits et de nos
guerres. Et quiconque enseignerait malgré tout des choses de ce genre,
s’opposerait à Dieu, car Dieu est amour.
(l'encart qui suit n'a été donnée que dans la paroisse où je présidais les premières communions)
Les enfants, dans un instant, vous allez recevoir pour la première fois Jésus, présent dans le pain rompu et partagé. Vous ne le recevez pas parce que vous êtes meilleurs que les autres ; vous le recevez parce que vous voulez grandir encore dans l’amour que Jésus a pour vous. Vous le recevez pour apprendre à aimer de l’amour même dont Jésus vous aime. Il ne vous aime pas parce que vous êtes beaux ou gentils ; il vous aime, comme vous êtes, avec vos qualités et vos défauts, parce qu’il ne peut pas faire autre chose que de vous aimer. C’est parce qu’il vous aime infiniment qu’il est mort sur la croix. Il vous aimera toujours. En se donnant à vous dans ce pain partagé, il vous donne aussi la force d’aimer comme lui seul vous aime. Pour grandir dans son amour, revenez souvent communier à ce Pain des forts, ce pain qui nous rend forts, qui est aussi un pain d’effort, un pain qui nous aide à faire et à vivre toujours mieux, un pain qui nous aide à faire et à vivre comme Jésus.
Et vous parents, aidez vos enfants à aimer et à vivre comme Jésus, en leur permettant cette rencontre unique dans l’eucharistie, pas seulement aujourd’hui, mais chaque dimanche que Dieu nous donne de vivre. Prenez le temps de vivre cette rencontre avec eux autant qu’il vous est possible de le faire. Si jamais vous deviez penser que Dieu vous en veut parce que vous n’étiez pas aussi fidèles que cela à ce rendez-vous, ne craignez rien : Dieu vous aime, vous aussi, avec vos qualités et vos défauts. Il sait que vos vies peuvent être quelquefois compliquées, que vous ne faites pas non plus tout ce que vous auriez envie de faire. C’est pour cela qu’il vous donne rendez-vous amoureux chaque dimanche, pour vous donner à vous aussi, la force de grandir dans son amour et la force de vivre de sa vie. C’est une chance extraordinaire qui nous offerte à tous !
Il n’y a rien d’autre à enseigner, il n’y a rien d’autre à retenir que cette affirmation centrale de l’évangéliste Jean : Dieu est amour ! En disant cela, nous disons toute notre foi. En vivant cela, nous vivons toute notre foi. Alors oui, si nous sommes disciples du Christ, nous n’avons pas d’autre choix que de nous obliger à l’amour, nous n’avons pas d’autre choix que de nous obliger à reconnaître en chacun de celles et de ceux qui croisent notre route la présence de l’amour de Dieu. Puisque Dieu les aime, nous ne pouvons que les aimer. Il n’y a pas d’autre choix. L’eucharistie qui nous rassemble est bien le sacrement de l’amour sans cesse renouvelé de Dieu pour nous, le sacrement qui nous donne la force d’aimer comme Dieu nous aime, puisque dans le pain consacré, c’est la vie et l’amour du Ressuscité que nous accueillons. Manger ce pain, c’est nous obliger à une vie d’amour à la hauteur de l’amour que représente ce sacrifice unique du Christ pour nous. Le seul risque que nous prenons en venant le dimanche à l’eucharistie, c’est le risque de voir notre amour grandir infiniment. Dans un monde de plus en plus difficile et incertain, voilà qui devrait nous stimuler et nous réjouir. Amen.
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