Pâques, passage du Jésus de l'Histoire au Christ de la foi.
Quelle nuit nous avons vécu ! Alors que nous étions tristes de la mort de Jésus, voilà que dans la nuit a retentit un cri de joyeuse espérance : il est ressuscité ! L’improbable a eu lieu, comme Jésus l’avait annoncé par trois fois à ses disciples : après trois jours, je ressusciterai. Comment aurions-nous pu le croire quand il annonçait cela ? Jamais, personne ne l’avait fait. En passant victorieux par la mort, Jésus est désormais reconnu comme Jésus, le Christ, celui que Dieu envoie pour sauver son peuple.
Nous avons relu cette nuit la longue histoire du peuple de Dieu, histoire faite d’alliances et de promesses. Et il nous a fallu reconnaître l’évidence : Jésus est celui qui accomplit toutes les promesses faites par Dieu à son peuple ; Jésus est celui qui inaugure l’alliance nouvelle et éternelle que rien ne viendra briser. En Jésus, mort et ressuscité, Dieu a pris le parti de l’homme et l’a libéré de la mort et du péché, par grâce, parce que l’humanité, par elle-même, en était incapable. En lui ouvrant la possibilité de la vie avec Dieu pour toute éternité, Jésus réconcilie Dieu et son peuple qui si souvent s’était détourné de lui. Cette alliance est éternelle parce que signée dans le sang de l’Agneau, le sang du Fils unique de Dieu. Dieu ne peut pas se retourner contre son Fils, contre lui-même. Là où l’homme est faible, Dieu est fort. Là où l’homme se montre si souvent infidèle, Dieu se montre fidèle. Nous avons été rachetés à grand prix, le prix de la mort de l’Innocent, le prix de la mort du Fils de Dieu. En s’abaissant dans l’obéissance au projet d’amour de Dieu pour nous, Jésus est élevé par Dieu et reçoit le nom qui est au-dessus de tout nom. Il sera pour toujours le Christ Jésus, seul médiateur entre Dieu et les hommes. Il était notre victime ; il devient notre sauveur. Il était celui que nous avions rejeté ; il devient celui qui nous attire à lui et au Père. Il était celui que nous avons fait mourir ; il devient celui qui nous donne la vie en plénitude. Comment pourrions-nous ne pas nous attacher à lui et ne pas le suivre désormais là où Dieu nous attend ?
Le temps de Pâques qui s’ouvre nous invite à passer du Jésus de l’Histoire, celui que les hommes ont croisé, écouté, suivi quelquefois, au Christ de la foi, celui en qui nous sommes invités à croire pour obtenir la vie éternelle. Ceux qui n’avaient vu en lui qu’un grand homme, sont invités à découvrir le Fils unique de Dieu. Ceux qui n’avaient écouté qu’un grand prédicateur, sont invités à écouter la Parole même de Dieu. Ceux qui n’avaient vu en lui qu’un faiseur de miracle, sont invités à reconnaître en lui la source des sacrements de l’Eglise, ces signes que Dieu nous donne pour nous dire son amour de toujours. Il nous faut à tous dépasser ce que nous croyions savoir de Jésus pour découvrir, avec ses disciples, dans la force de l’Esprit Saint, le Christ qui nous ouvre le chemin vers Dieu et nous obtient son pardon. Fini le petit Jésus tout mignon dans sa crèche ; voici le temps du Christ qui nous sauve et nous entraîne dans une nouvelle manière de vivre. Fini le temps où notre réalité était le monde terrestre ; désormais, il nous faut penser aux réalités d’en-haut. Fini le temps où l’homme était esclave du péché ; désormais, il est libre en Jésus Christ, vainqueur de la mort et du péché. Sa victoire rejaillit sur notre vie et la transforme. Nos petites vies participent désormais à la Vie même de Dieu. Finis les horizons bouchés ; avec le Christ, une espérance nouvelle est possible, un monde nouveau se construit ; il n’attend que nous.
Que la joie de cette fête qui nous rend la vie nous convertisse à ce monde nouveau où l’homme est fort de la force même de Dieu. Ils sont finis les jours de la Passion, dit la prière de l’Eglise ; avec eux sont finis les jours où l’homme était démuni et subissait sa vie. Désormais, il est libre ; désormais, il est vivant, pleinement ; désormais, il peut, s’il le veut, être pleinement fils de Dieu, à l’image du Christ Jésus, premier-né d’entre les morts. Nous avions suivi Jésus sur les routes de Judée, Samarie et Galilée ; suivons désormais le Christ sur la route qui mène au Royaume, auprès de Dieu. C’est là que nous sommes attendus ; c’est là qu’est notre vraie vie. Amen.