Au coeur de toute vie chrétienne, il y a l'Eucharistie, sacrement de l'amour offert.
Le triduum pascal s’ouvre avec cette célébration qui nous rassemble au soir de ce jeudi pour commémorer l’institution de l’Eucharistie, sacrement de l’amour offert par Jésus à ses disciples pour la première fois. Nous sommes-nous trop habitués à ce sacrement pour en mesurer toute la grandeur et toutes les implications dans notre vie quotidienne ?
Il peut paraître surprenant que, pour nous parler de l’institution de l’Eucharistie, l’Eglise n’ait pas fait le choix de prendre le début du texte de la Passion. Elle a préférée nous faire entendre le témoignage le plus ancien que nous ayons dans les Ecritures, celui de Paul, qui rapporte aux chrétiens de Corinthe son expérience. Frères, moi, Paul, j’ai moi-même reçu ce qui vient du Seigneur, et je vous l’ai transmis : la nuit où il était livré, le Seigneur Jésus prit du pain, puis, ayant rendu grâce, il le rompit, et dit : « Ceci est mon corps, qui est pour vous. Faites cela en mémoire de moi. » Après le repas, il fit de même avec la coupe, en disant : « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang. Chaque fois que vous en boirez, faites cela en mémoire de moi. » Ce seul fait me fait comprendre que pour donner le goût de l’Eucharistie à quelqu’un, il faut que les chrétiens en témoignent, qu’ils puissent dire à quelqu’un qui veut le devenir, que l’Eucharistie n'est pas juste un rite de l’Eglise, mais bien quelque chose que le Christ nous a laissé et demandé de refaire en mémoire de lui. Cette expérience est tout, sauf machinale. Elle est une expérience vivante, qui fait vivre parce qu’elle nous entraîne dans une proximité, une intimité jamais égalée avec le Christ. C’est tout Jésus qui est offert, donné, livré pour notre vie. Ce n’est pas un souvenir, mais un viatique, une nourriture pour notre route quotidienne à la rencontre du Christ et des frères et sœurs en humanité qu’il met sur notre route. Celui qui participe pleinement à l’Eucharistie est comme saisi dans une communion qui va au-delà de ce qui est imaginable. Là, dans le geste du pain et du vin partagés, je reçois le Christ et avec lui, je reçois l’humanité entière comme autant de frères et sœurs. Ma communion au Corps et au Sang du Christ m’oblige à une communion avec celles et ceux qui font le même geste que moi. Celui qui reçoit le Christ ne peut rester indifférent au sort de celles et ceux qui croisent sa route. La vie du Christ que j’accueille, me renvoie vers la vie de mes frères et sœurs en humanité auprès desquels je dois témoigner de celui qui me fait vivre en offrant sa vie. Le Christ me rend participant à son repas, certes, mais aussi à son sacrifice pour le salut du monde. A cause de cela, je ne peux pas garder le Christ pour moi.
Et c’est là que nous pouvons comprendre pourquoi l’Evangile de ce soir est celui du lavement des pieds, parce que justement il nous renvoie les uns vers les autres. Comprenez-vous ce que je viens de faire pour vous ? Vous m’appelez “Maître” et “Seigneur”, et vous avez raison, car vraiment je le suis. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. C’est une variation du : Faites cela en mémoire de moi. Il n’y a pas que la communion sacramentelle au Corps et au Sang du Christ qui est chemin de notre Salut, notre autoroute vers le ciel comme se plaisait à l’appeler Carlo ACUTIS. Il y a aussi le service concret du frère et de la sœur que je ne choisis pas, mais que Dieu met sur ma route, qui est chemin de mon salut. Rappelez-vous ce que dit Jésus dans la parabole du jugement dernier : Ce que vous avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. Venez, les bénis de mon Père… De même que nous ne pouvons pas renoncer à l’Eucharistie, signe de l’amour livré pour les hommes, nous ne pouvons pas renoncer au lavement des pieds, signe de l’amour continué et partagé concrètement dans notre vie. Il fait aussi grandir l’Eglise parce qu’il la rappelle à son essentiel : elle est fondée pour servir le Christ et servir les hommes. Nous n’avons pas à choisir entre célébrer l’Eucharistie et servir nos frères et sœurs en humanité. C’est une seule et même réalité. Communier à l’Eucharistie sans nous tourner vers nos frères et sœurs en humanité, reviendrait à confisquer le don de Dieu pour notre petite personne. Servir les frères sans nous nourrir de l’Eucharistie reviendrait à nous priver de la source même de notre action et transformerait l’Eglise en organisation humanitaire sans référence à l’amour livré sur la croix. Dans les deux cas, c’est le salut du monde qui est compromis car l’amour du Christ ne serait plus offert à tous.
Au cœur de cette nuit, retrouvons le goût de ce sacrement fait par l’Eglise et qui fait l’Eglise. Il est l’aliment du salut offert pour que nous soyons forts dans le Christ, lui qui a su admirablement servir son Père et servir l’humanité qu’il a embrassée dans sa propre vie. Soyons des témoins de ce sacrement de l’amour offert pour tous. Accueillons le salut qu’il nous offre et osons le proposer au monde qui cherche un sens à l’existence. Faisons cela en mémoire de Jésus qui donne sa vie pour tous. Amen.
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