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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







samedi 27 septembre 2025

26ème dimanche ordinaire C - 28 septembre 2025

 Empare-toi de la vie éternelle !



 


Empare-toi de la vie éternelle ! Cet appel pressant de Paul à son ami Timothée me surprend, moi qui crois fondamentalement que la vie éternelle est un don que Dieu me fait. Il a un je-ne-sais-quoi de guerrier, surtout quand nous lisons la totalité du verset : Mène le bon combat, celui de la foi, empare-toi de la vie éternelle. Comment comprendre ?

Un début de réponse nous vient de ce que Paul écrit encore à son ami. D’abord, il l’invite à rechercher la justice, la piété, la foi, la charité, la persévérance et la douceur. Et je vois tous ceux qui étaient montés à cheval pour s’emparer de la vie éternelle, tomber de leurs grands chevaux. Ce n’est pas une guerre contre quelqu’un d’autre qu’il nous faut livrer, mais contre nous, contre ce que Paul appelle ailleurs les tendances égoïstes de la chair. Ce que nous devons livrer, ce n’est pas un combat contre Dieu, pour lui arracher la vie éternelle, comme nous arracherions une citadelle à l’ennemi. Pour nous emparer de la vie éternelle, comme Timothée, il nous faut personnellement vivre ces six attitudes. Et nous savons tous que ce n’est jamais simple. Être juste, alors même que nous pouvons avoir l’impression qu’on nous emberlificote ; vivre dans la piété, la foi, la charité, persévérer dans ces choses et rester doux, alors même que tant d’hommes sans foi ni loi réussissent mieux que nous, tout cela peut nous sembler vain, voire cruel. Si nous laissions tomber toutes ces choses que les autres ne respectent plus, est-ce que cela n’irait pas mieux pour nous ? Peut-être, nous n’en savons rien. Mais ce que nous savons, c’est que si nous faisions ainsi, si nous aussi nous vivions sans foi ni loi, ça n’irait pas mieux pour le monde ; ce serait pire pour tous. Les croyants, comme Timothée, sont des phares dans la nuit de tempête, qui peuvent guider l’humanité qui se perd vers la voie du salut. Souvenez-vous de ce que dit Jésus : Vous êtes la lumière du monde !

C’est ce qu’avaient oublié ceux qui devaient guider le peuple d’Israël au temps où le prophète Amos fait retentir la voix de Dieu. Malheur à ceux qui vivent bien tranquille dans Sion et qui ne se tourmentent guère du désastre d’Israël ! A ceux qui s’interrogent sur ce désastre, je renvoie vers la première lecture de dimanche dernier déjà extraite du même prophète : Nous allons diminuer les mesures, augmenter les prix et fausser les balances. Nous pourrons acheter le faible pour un peu d’argent, le malheureux pour une paire de sandales. Nous vendrons jusqu’au déchet du froment. Ce qu’il dénonce, c’est un monde sans justice sociale, un monde du profit au détriment du petit, un monde du toujours plus pour quelques-uns au détriment d’un monde de partage pour tous. Personne ne peut espérer s’emparer de la vie éternelle en s’emparant des biens des pauvres, en s’enrichissant sur le dos des pauvres. Ce que Amos dénonce au nom de Dieu, c’est un monde sans justice, sans piété, sans foi, sans charité, sans douceur ; ce qu’il dénonce, c’est un monde qui persévère dans le mal, alors qu’il devrait persévérer dans le bien. Cela semble rapporter plus, de persévérer dans le mal, mais c’est avoir une courte vue : notre vie sur terre n’est qu’un moment face à la vie éternelle. C’est elle qu’il nous faut viser, c’est d’elle dont nous devons nous emparer.

 Le riche sans nom de la parabole de Jésus l’avait oublié, lui aussi. Il n’était sans doute pas sans foi, ni loi (quand tout va mal pour lui, il reconnaît et appelle le Père Abraham) ; sans doute allait-il au Temple et faisait-il sabbat. Peut-être était-il même juste en affaire : tous les riches ne sont pas des escrocs ! Et il n’a assurément pas fait de mal au pauvre Lazare ; il ne l’a juste pas vu ! Il vivait dans son monde, fait de beaux vêtements et de festins somptueux. Lazare vivait dans le sien, fait d’ulcères et de ventre vide : il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche, mais les seuls qui le voyaient, les chiens, venaient se rassasier sur lui en léchant ses ulcères. Le pauvre Lazare s’empare de quelque chose qui lui est refusé au riche sans nom : la vie éternelle.

             Empare-toi de la vie éternelle ! Qui d’entre nous y songe quotidiennement ? Ne pensons-nous pas un peu vite qu’elle finira par venir d’elle-même, plus tard, le plus tard possible d’ailleurs ? Ne pensons-nous pas quelquefois qu’il n’y a pas de mal à se faire du bien, et tant pis pour les autres ? Après tout, nous travaillons, dur, alors que tant d’autres semblent profiter indûment d’un système. Nous ne faisons rien de mal, et surtout, nous ne faisons rien de mal aux autres à profiter un peu de la vie. Certes, mais leur faisons-nous du bien ? Car s’abstenir de faire du mal, c’est un bon début, mais si cela n’est pas suivi par un souci de faire du bien aux autres, c’est comme s’arrêter au milieu du gué. Emparons-nous de la vie éternelle, en suivant les recommandations de Paul à Timothée, et vivons en faisant le bien, sans relâche. Gardons le commandement du Seigneur, en demeurant sans tache, irréprochables, jusqu’à la Manifestation de notre Seigneur Jésus Christ. Amen.

dimanche 21 septembre 2025

25ème dimanche ordinaire C - 21 septembre 2025

 De l'intérêt de la confiance.





 

 

            Le diocèse de Strasbourg, au service duquel je suis entré il y a 33 ans maintenant, a essuyé ces derniers jours, dans une certaine presse qui n’a de catholique ou de chrétien que le nom, une tempête qu’il ne méritait pas. Je suis personnellement en colère contre ceux qui n’ont que le courage des lâches, se réfugiant dans l’anonymat le plus complet, et la force des mots manipulés (‘Les prêtres d’Alsace’ titraient ces journaux). A lire ces organes de presse, le diocèse est à feu et à sang, ce qui, je vous l’assure, n’est pas vrai. Cet épisode de la vie diocésaine se fixe dans ma mémoire quand je lis l’évangile de ce dimanche et particulièrement cette parole de Jésus : Celui qui est digne de confiance dans la moindre chose est digne de confiance aussi dans une grande. Celui qui est malhonnête dans la moindre chose est malhonnête aussi dans une grande.

            C’est un verset qui interpelle, forcément. Suis-je digne de confiance ? Qu’est-ce qui me rend digne de confiance ? Je ne suis pas plus saint que les autres ; je ne suis pas plus pieux que les autres ; je ne suis pas meilleur que les autres. J’essaie de mener le plus honnêtement possible ma vie et d’effectuer mon travail au meilleur de mes capacités. Parfois j’y réussis ; parfois je me trompe. Rien de dramatique, je crois. Il y a une chose en laquelle je crois plus que tout, c’est la loyauté : vis-à-vis de la famille, de mes amis, de mes collaborateurs, de mon Eglise. Selon les personnes et les situations, ce n’est pas toujours facile, mais je m’y tiens. C’en est devenu un critère important au moment où je décide d’accorder ou non ma confiance à quelqu’un. Et pas seulement parce que je m’interroge si la personne qui attend ma confiance sera loyale envers moi, mais parce que je me demande d’abord si je peux être loyal avec elle. En la matière, il faut toujours commencer par soi, me semble-t-il ; cela évite de se poser en donneur de leçon et en juge. Il en va de même pour la confiance : se demander si les autres peuvent me faire confiance est aussi important que de savoir si je peux leur faire confiance.

            Remarquez alors la sagesse de la parole du Christ : Celui qui est digne de confiance dans la moindre chose est digne de confiance aussi dans une grande. Elle me rappelle que la confiance se mérite. Et si elle se mérite, elle peut s’éprouver. C’est comme si Jésus nous disait : ne fonce pas tête baissée ! Prends le temps de connaître, de comprendre, et pourquoi pas de tester avec une chose simple. Remarquez aussi comment Jésus prend aussi en compte l’opposé, la malhonnêteté. En bien comme en mal, la petite chose sans importance, sera pareillement intéressante à évaluer. L’attitude dans la petite chose déterminera l’attitude dans la grande, parce que ce sera la même !

            Faisons un pas de plus encore et envisageons notre rapport à Dieu. Si nous croyons en Dieu (si nous avons foi en lui), nous avons nécessairement confiance en lui. Foi et confiance ont la même racine. La question de savoir si je peux faire confiance à Dieu ne se pose pas alors. Mais Dieu peut-il avoir confiance en moi ? Peut-il croire en moi ? Je suis sûr que Dieu me fait confiance ; c’est dans sa nature. Il ne peut pas faire autrement que de croire en moi, en nous. La question est donc davantage de savoir si je mérite cette confiance que Dieu place en moi dès avant ma naissance. Si Dieu n’avait pas foi en l’humanité, il ne l’aurait pas placé au sommet de sa création ; il n’aurait pas fait de nous ses enfants ! Deux pistes pour accepter l’idée que nous sommes dignes de la confiance que Dieu place en nous. La première consiste à nous abandonner à lui, à garder envers lui un rapport véritablement filial. En acceptant d’être ce qu’il fait de nous par le baptême (c'est-à-dire ses enfants), nous accueillons la confiance qu’il a placé en nous ; en vivant ce baptême qui fait de nous des fils et des filles de Dieu, nous nous montrons dignes de sa confiance. La deuxième piste, c’est d’approfondir toujours plus notre humanité ; elle est le seul chemin que nous ayons pour parvenir au salut que le Christ nous offre. C’est en étant pleinement humain à la manière du Christ, que nous deviendrons pleinement saints à la manière du Christ. En lui, humanité et divinité se conjuguent ; il est parfaitement l’un et l’autre. En devenant parfaitement humain, nous deviendrons parfaitement saints, parce que la présence du Christ en notre vie viendra enrichir notre humanité de sa sainteté. Nous serons authentiquement d’autres Christ ; nous lui serons semblables, éternellement.

            Lorsque nous accueillons la confiance que Dieu place en nous et que nous cherchons à vivre de cette confiance, alors celui croise ma route devient un frère ; alors nos différences deviennent des richesses ; alors fraternité et paix ne sont pas juste des valeurs proclamées, mais des réalités vécues. Assurément, cela vaut la peine d’accueillir la confiance que Dieu met en nous et de nous en montrer capables. C’est tout notre monde qui change parce qu’il se fait confiance à la manière dont Dieu lui fait confiance. Amen.

samedi 13 septembre 2025

La Croix glorieuse - 14 septembre 2025

 Une expression paradoxale ou une réalité ?





(Tableau d'Arcabas)



 

            La croix glorieuse : n’est-ce pas là une curieuse expression, voire un paradoxe ? Comment un instrument de torture et de mort peut-il être appelé « glorieux » ? Aurions-nous perdu le sens de la décence la plus élémentaire ? A vue seulement humaine, la question se pose effectivement ; mais pour celui qui croit au Christ, mort et ressuscité, cette expression a du sens, et la croix, source d’humiliation et de mort dans l’empire romain, devient source de vie éternelle.

             La liturgie de cette fête nous a fait prier ainsi au début de notre eucharistie : Seigneur Dieu, tu as voulu qu’en acceptant la croix, ton Fils unique sauve l’humanité ; nous t’en prions : fais qu’ayant connu dès ici-bas ce mystère, nous obtenions au ciel les fruits de la rédemption. En une seule phrase tout est dit, tout devient clair. Et d’abord que c’est un grand mystère ! Pouvons-nous comprendre que quelqu’un accepte de mourir en croix pour notre salut ? Quelqu’un qui ne nous a pas connu, comme nous pouvons nous connaître les uns les autres ! Ne faudrait-il pas, pour comprendre réellement ce mystère, nous acceptions nous-mêmes de mourir douloureusement pour des étrangers, pour des gens qui nous auraient reniés, trahis ? Aurions-nous fait ce que le Christ a accepté de faire pour nous ? Je n’en suis pas sûr. Mais ce que dont je suis sûr, c’est que le Christ l’a fait pour moi, pour vous, pour la multitude comme le disent les paroles de la consécration. Jésus, le Fils unique de Dieu, a accepté la croix pour nous sauver. Réaliser cela, c’est réaliser aussi combien il nous a aimés à ce moment-là, et combien il nous aime toujours. Parce que voyant cette humanité, pour le salut de laquelle il est mort, continuer à se battre, à vivre loin de lui, à lui rendre si mal l’amour qu’il nous a donné, il n’est jamais revenu sur son désir de nous sauver. Jamais il ne nous a dit : dis donc, j’ai accepté la croix pour que tu sois sauvé, et c’est en vivant ainsi que tu me remercies ? Son amour livré sur la croix nous reste acquis à jamais ! C’est pour moi un mystère encore plus grand, moi à qui il arrive de regretter le bien fait. Cet amour livré un jour pour toutes les générations passées, présentes et à venir, ouvre le ciel à ceux qui croient un tel amour possible, à ceux qui croient en l’œuvre de salut accomplie par Jésus.

             La préface de la fête, au début de la prière eucharistique, « enfoncera le clou » si j’ose dire, en chantant l’œuvre que Dieu accomplit par son Fils. Il a permis que, de ce drame d’un fils livré et mort en croix, la vie surgisse à nouveau là où la mort a pris naissance. A ceux qui pourraient s’interroger sur ce que Dieu a fait au moment où son Fils acceptait la croix, la réponse jaillit dans la prière. Nous rendrons grâce à Dieu aujourd’hui car il a attaché au bois de la croix le salut du genre humain permettant ainsi par le Christ, que l’Ennemi, victorieux sur le bois [comprenons de la croix], fût à son tour vaincu sur le bois. Dieu a laissé faire son amour et a poussé cet amour jusqu’au bout. Puisque Jésus a accepté la croix, il transformera la croix en y faisant mourir l’Ennemi avec son Fils. Ainsi quand il rendra justice à l’amour du Fils pour son peuple en le ressuscitant, le monde sera délivré de l’Ennemi, définitivement vaincu sur le bois de la croix. Là où l’Ennemi semblait triompher, l’amour s’est montré plus rusé, plus puissant, définitivement vainqueur. Aucune manifestation d’amour ne sera jamais plus définitivement effacée par l’Ennemi. En Jésus, mort et ressuscité, l’Amour est vainqueur, l’Amour est plus fort. C’est peut-être la grande leçon pour nous de cette fête de la croix glorieuse. Ce signe de mort, devenu, par l’amour d’un seul pour tous, signe de vie, nous indique que la vraie vie est dans l’amour seulement. Celui qui veut vivre vraiment, qu’il commence par aimer simplement. Alors le Christ pourra le conduire à la gloire de la résurrection puisqu’il l’a racheté par le bois de la croix qui fait vivre. Nous vivons tous grâce à la croix du Christ ; nous aimerons tous à cause de la croix du Christ. Comme il nous a aimés, nous devons aimer ; c’est le commandement qu’il a laissé à ceux qui se disent ses disciples. Est-il seulement possible de ne pas répondre à un amour qui s’est livré tout entier, jusqu’à la mort, pour notre vie ? Est-il seulement possible de ne pas aimer à notre tour quand nous sommes aimés ainsi ?

             A ceux qui s’interrogeraient encore pour savoir qui est Dieu pour nous aimer ainsi, il n’est donné que le signe de la croix du Christ. Là réside la preuve que Dieu nous aime. Là réside la puissance de son amour. Là réside notre vie pour toute éternité. Elle est glorieuse, la croix qui nous sauve par l’obéissance du Fils et par l’amour de Dieu. Elle a vaincu la mort, elle nous ouvre les portes de la vie grâce à celui qui l’a acceptée pour nous dire son amour absolu. Levons les yeux vers elle et contemplons le prix versé pour notre salut. Amen.

samedi 6 septembre 2025

23ème dimanche ordinaire C - 7 septembre 2025

 L'enseignement du billet à Philémon





Onésime retourne auprès de Philémon avec la lettre de Paul entre ses mains - 
Lettrine médiévale -The British Library  © Creative Commons



 


            Aurait-il pu faire mieux ? Aurait-il pu faire plus ? Celui dont je parle, c’est Paul, l’Apôtre des nations qui écrit à son ami Philémon au sujet d’Onésime, un esclave en fuite qui lui appartenait. Pourrions-nous faire mieux ? Pourrions-nous faire plus aujourd’hui ? Car enfin, c’est la même question qui se pose pour Paul et pour nous : quel impact avons-nous, ou voulons-nous avoir sur notre société ?

            De nombreux commentateurs ont estimé par le passé que Paul aurait dû condamner l’esclavage et militer pour sa suppression, au nom de sa foi. Aurait-il pu le faire ? Non. Il se serait ridiculisé, et aurait ridiculisé la foi chrétienne naissante en essayant de le faire. Ce n’est pas, de sa part, un manque de courage politique, c’est juste du réalisme. Dans un monde où l’esclavage participe au système économique et social non seulement de l’empire romain mais de toutes les sociétés antiques, il n’est pas possible de faire déjà ce que la France ne fera que définitivement au 19ème siècle ! Paul le sait, il connaît trop bien son monde. Mais ce qu’il ne peut faire à un niveau global, il ne renonce pas à le faire à un niveau plus personnel dans un premier temps et au niveau ecclésial dans un second temps. C’est tout l’enjeu de ce petit billet à Philémon. En effet, cet esclave en fuite, il en fait son frère bien-aimé (comprenons bien qu’il l’a baptisé) parce que pour Paul, par le baptême, il n’y a plus d’esclave ou d’homme libre, car tous ne font plus qu’un en Christ (Ga 3, 28). Mais il ne s’arrête pas là ; il va au bout de ce qu’il peut faire. Le « propriétaire » de cet esclave est un chrétien, baptisé par Paul, lui aussi, et qui plus est son ami. Il lui renvoie donc Onésime avec ce petit billet pour qu’à son tour Philémon considère désormais cet homme non plus comme un esclave, mais comme un frère bien-aimé. Ce sera pour Paul et Philémon, le signe de leur communion. Grâce à Paul, les chrétiens de son temps auront appris que la foi au Christ entraine un changement de comportement, y compris dans les rapports sociaux. Nous ne savons pas l’impact de ce billet et de cette attitude fraternelle, mais je n’ai pas de doute qu’elle a fait des émules au sein de la communauté croyante. Quand tu ne peux pas changer le monde, commence par changer toi ; et peut-être que le monde changera.

            Je vous parle de cela, parce que cette semaine, le journal La Croix publiait un article sur la présence des chrétiens dans le monde politique. A l’approche des mouvements de protestation promis pour cette semaine, il interrogeait sur l’engagement des chrétiens dans leur cité. La question vaut pour chacun de nous, que nous ayons prévu de nous lancer dans une carrière politique ou pas. Nous ne vivons pas en vase clos, nous participons à ce monde. Est-ce en voyeur ? en spectateur ? Sommes-nous attentifs à ce que vivent nos contemporains ? Sommes-nous responsables quand il nous est demandé un bulletin de vote ? Il est si facile de démolir, de hurler avec la meute ; mais qui pense à construire encore ? Qui pense encore à cette belle notion de « bien commun » ? D’un côté de l’échiquier politique est refusée une participation légèrement accrue aux finances publiques de ceux qui ont nettement plus que tous les autres et qui ont largement profité des crises sanitaires et sociales. De l’autre côté, on ne parle que de révolte, de renverser la table, voire de violence. Comment construire un vivre ensemble dans ces conditions ? Chrétiens, n’avons-nous pas une voie originale à proposer, faite d’écoute, d’un vrai respect, d’une envie de vivre ensemble sans que les uns aient trop pendant que les autres n’ont même pas le nécessaire pour vivre décemment ? Comme Paul à son époque, nous ne pesons plus bien lourds, mais nous pouvons commencer chez nous, entre voisins, entre frères en Christ. Sommes-nous propriétaires de logements que nous louons ? Avons-nous pensé à faire du loyer social pour réaffirmer que le logement est un droit plutôt que de nous aligner sans cesse sur des loyers élevés ? Sommes-nous patrons d’une entreprise ? Le bien-être de nos employés nous tient-il plus à cœur qu’un chiffre d’affaires très élevé ? Je ne dis pas qu’il faut négliger l’économique ; une entreprise en faillite n’aide personne ! Je dis juste que l’humain doit être notre première attention. Sommes-nous à un poste de responsabilité quelconque ? Ne faisons-nous du bien et ne veillons-nous que sur ceux qui nous apprécient, qui chantent nos louanges, ou savons-nous aussi veiller sur ceux qui ne partagent pas notre point de vue et reconnaître leurs capacités et leurs apports professionnels ?

Dans son petit billet à Philémon, Paul nous dit clairement que le bien que nous ne pouvons pas faire au niveau collectif parce que le monde n’est pas prêt, nous pouvons le faire à un niveau personnel, là où nous avons le pouvoir de changer les choses. Cela commence dans nos familles, dans notre travail, dans nos relations avec nos voisins, dans nos communes. Petit pas après petit pas, nous pouvons insuffler un esprit nouveau, une autre manière de regarder le monde, une autre manière de considérer les hommes et les femmes de notre temps. Il ne s’agit pas de refaire le monde chrétien ; il s’agit de montrer au monde que les chrétiens ont une voie à proposer, qui ne repose ni sur l’humiliation des adversaires, ni sur la destruction du monde dans lequel nous vivons, mais sur sa conversion. Cette réalité porte un beau nom qui vient de notre foi et que le monde politique s’est réapproprié sous la deuxième république mais sans jamais hélas proposer un moyen de la vivre. Cette réalité porte le beau nom de Fraternité. Elle seule peut humaniser notre monde ; elle seule peut nous éviter le chaos ; elle seule peut changer les cœurs ; elle seule peut permettre aux croyants de vivre une vraie sainteté. Avec le psalmiste, osons le redire : Oui, il est bon, il est doux pour des frères de vivre ensemble et d'être unis ! (Ps 132,1) Amen.