Nous sommes faits pour la vie.
Par cinquante-sept fois, depuis la
Toussaint 2024, notre communauté de paroisse s’est réunie pour accompagner une
famille dans le deuil et célébrer notre foi en la vie plus forte que la mort et
en l’amour miséricordieux de Dieu. En ce 2 novembre, l’Eglise commémore tous
les fidèles défunts et nous invite à prier pour eux. Les textes liturgiques
retenus nous permettent d’entrer dans cette célébration en nous rappelant
quelques fondamentaux.
Le livre de la Sagesse nous a rappelé la foi de nos pères. Dès l’Ancien Testament, il y a cette certitude que la mort, souvent comprise comme un malheur, est en fait le passage vers le Dieu des vivants. Ils sont dans la paix… l’espérance de l’immortalité les comblait. La peine qui est la nôtre lorsque nous perdons un proche est normale ; elle témoigne de notre attachement au défunt. Mais notre tristesse ne doit pas nous faire oublier l’essentiel : les âmes des justes sont dans la main de Dieu ; aucun tourment n’a de prise sur eux… Dieu les a trouvés dignes de lui. Il y a dans ces affirmations toute notre espérance d’une vie plus forte et plus grande que la mort. Des siècles plus tard, saint Paul dira que même la mort ne peut nous séparer de l’amour de Dieu. Il s’inscrit parfaitement dans cette foi exprimée par l’auteur du livre de la Sagesse. Ce n’est donc pas une nouveauté chrétienne, mais bien une certitude qui travaille le cœur de l’homme depuis fort longtemps. Celui qui a donné la vie, ne peut pas donner la mort ; il appelle sans cesse à plus de vie.
Dans l’Evangile de la résurrection du fils de la veuve de Naïm, Jésus montre qu’il est celui qui combattra la mort et rendra la vie à toute l’humanité. Cette petite résurrection doit nous préparer déjà à la grande résurrection, celle de Jésus, qui manifestera définitivement que notre Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Jésus est venu dans le monde pour rappeler aux hommes la présence de Dieu à leur vie, et que Dieu veut leur salut, c'est-à-dire qu’ils vivent avec Lui pour toute éternité. La foule à Naïm ne s’y trompe pas. Devant ce signe d’un fils mort rendu à sa mère, veuve, les gens s’écrient : Un grand prophète s’est levé parmi nous, et Dieu a visité son peuple. Quand Dieu visite son peuple, ce n’est pas pour le punir ou le faire mourir, mais pour lui offrir la vie.
L’Apôtre Paul expliquera ce mystère d’une vie plus forte par la résurrection de Jésus. Et surtout, il nous fera comprendre que ce mystère, s’il est réalisé par Jésus, nous concerne. Si nous avons été unis à lui (au Christ) par une mort qui ressemble à la sienne, nous le serons aussi par une résurrection qui ressemble à la sienne. La résurrection n’est pas la récompense de Jésus pour avoir accepté la croix ; elle est la conclusion glorieuse de son incarnation. Si Dieu a envoyé son Fils dans le monde, ce n’est pas pour le faire mourir, mais pour nous faire vivre par lui, avec lui et en lui. Et pour que nous puissions vivre libérés du péché, il fallait que le Christ fasse mourir le péché avec lui sur la croix. Et puisque la mort est venue en conséquence du péché d’Adam, quand le péché meurt, la mort disparait ; elle n’a plus de pouvoir, elle ne peut plus retenir les hommes dans ses filets. Par la résurrection du Christ, nous sommes libérés du péché et de la mort. La mort n’est plus que le passage vers la vie en plénitude, notre accouchement à la vie éternelle. Si nous sommes passés par la mort avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui. Ce passage par la mort, nous l’avons déjà tous vécu : c’est notre baptême qui l’a accompli pour nous : Nous tous qui par le baptême avons été unis au Christ Jésus, c’est à sa mort que nous avons été unis par le baptême. Si donc, par le baptême qui nous unit à sa mort, nous avons été mis au tombeau avec lui, c’est pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi, comme le Christ qui est ressuscité d’entre les morts.
Il ne faut alors pas se tromper sur le sens de cette commémoration de tous les fidèles défunts, ni sur le sens des messes que nous pouvons faire dire pour eux. C’est une belle tradition qu’il nous faut comprendre justement. Il ne s’agit pour nous de leur acheter une place au Paradis, ni de marchander avec Dieu leur place auprès de lui. Cette place, ils l’ont ! Elle leur est assurée, comme elle nous est assurée, par la mort et la résurrection de Jésus. Sur la croix, il nous a déjà sauvé. Le sens de la messe pour les morts, c’est bien de prier pour eux, pour que leur cœur, dont nous ne connaissons pas le fond – Dieu seul le connaît ! – pour que leur cœur donc soit pleinement ouvert à l’amour miséricordieux de Dieu. En célébrant ce jour pour tous nos défunts, comme en faisant dire une messe pour un défunt que nous avons connu et aimé, nous voulons comme « réveiller la foi de nos morts » et leur demander d’accepter de se laisser aimer jusqu’au bout, si d’aventure ils ne l’avaient pas déjà fait. Le Dieu des vivants nous veut tous vivants avec lui. Il ne saurait tolérer que la mort retienne ne serait-ce qu’un des nôtres. Il nous a faits pour la vie, et la vie en plénitude. Acceptons cette donnée de notre foi, et acceptons son amour qui nous fait vivre en lui, aujourd’hui, demain et toujours. Amen.