Va, et fais ainsi !
Qui d'entre nous n'aspire pas à vivre heureux ? Qui d'entre nous n'espère pas connaître un jour la joie du Royaume qui nous est promis ? Il y a peu encore, quelqu'un m'interrogeait au sujet du "paradis et de l'enfer". Qui irait où ? C'est une question récurrente lorsque la mort frappe une famille : la personne décédée a-t-elle bien fait tout ce qu'il fallait pour être maintenant auprès de Dieu ? Je me garderai bien de répondre d'une manière personnelle. Mais la liturgie de ce dimanche nous indique une voie à suivre. Elle tient en quelques mots : Va, et fais ainsi !
Va, et fais ainsi !
C'est la réponse que Jésus apporte à cet homme qui l'interroge : Comment gagner le Royaume de Dieu ? A une question simple en apparence, Jésus répond par une question tout aussi simple : Que dit la Loi ? En clair, qu'a recommandé Dieu à son peuple lorsqu'il l'a sorti de l'esclavage ? Quel chemin l'a-t-il invité à suivre pour connaître le bonheur ? En bon croyant, l'homme qui interroge Jésus répond par le coeur de la Loi : Aime Dieu et ton prochain comme toi-même ! Jésus ne peut que constater la justesse de la réponse. Que dire de plus, en effet, après cela ? Nus l'avons tous appris dès le début de notre catéchisme. Et c'est encore pour nous aujourd'hui le coeur de notre vie morale.
Mais l'homme sent bien que c'est un peu court comme réponse. Le voilà pris à son propre piège. Aussi risque-t-il une autre question : Qui est mon prochain ? En interrogeant ainsi Jésus, il semble vouloir le forcer à classer les gens, à dire qui est aimable et qui ne le serait pas ! Qui est prochain ressemble fortement à cette autre interrogation : Qui dois-je aimer ? Et nous comprenons tout de suite; si nous connaissons un peu le Christ, qu'il ne peut se laisser enfermer dans pareil discours. La question est mal posée ; la réponse se fait surprenante. Une histoire d'homme attaqué en chemin et laissé pour mort. Un serviteur du Temple, puis un prêtre et enfin un Samaritain passent par là : un seul viendra au secours de cet homme et paiera même ce qu'il faut pour que le blessé vive. Nous avons tous entendu cette parabole. Jésus la conclut par cette question : Qui a été le prochain de l'homme blessé ?
En agissant ainsi, Jésus renverse la question posée. Ne demande pas qui tu dois aimer ; tout le monde est à aimer pour celui qui se met à la suite de Dieu, puisque tout le monde est dépositaire de l'image de Dieu au plus profond de lui. Demande-toi plutôt : de qui vais-je être aimé ? Cette manière de dire les choses peut sembler bizarre, mais c'est bien ce qui resort de cette inversion. Quel est celui dont l'action est appréciée par le blessé ? A qui ira la reconnaissance du blessé ? Jésus n'a pas besoin de tirer les conclusions qui s'imposent : si je veux être aimé par celui qui croise ma route, je dois lui vouloir du bien, je dois lui manifester mon amour.
Va, et fais ainsi.
Nous l'aurons tous compris : l'accès à la vie éternelle, c'est l'amour manifesté et vécu. En invitant le docteur de la Loi à imiter le Samaritain de la parabole, Jésus lui indique la seule voie à suivre. Il ne suffit pas de parler d'amour, il ne suffit pas de crier vers Dieu : il faut vivre cet amour que l'on confesse. La première lecture entendue nous rappelait fort justement que cette Loi d'amour n'est pas hors d'atteinte. Elle est inscrite au coeur de chacun ; elle est sur toutes les lèvres, non pour être redite, mais pour être mise en pratique. Dieu ne nous demande pas l'impossible : il nous demande de mettre en accord nos paroles et nos actes. Le premier, Dieu nous a montré le chemin ; le premier, il a aimé, et aime encore, l'homme d'un amour sans mesure, d'un amour sans faille. Il n'a rien ignoré des difficultés de l'amour : Jésus lui-même a échoué auprès du jeune homme riche ; Jésus lui-même s'est retrouvé en croix par amour. Mais la victoire de Jésus sur la mort, sa parole de pardon sur la croix, viennent nous rappeler que la victoire de l'amour est possible. Nous en avons un avant-goût dans la résurrection de Jésus ; un jour, nous goûterons à cet amour en plénitude. Pour peu que nous ayons aimé, même un peu, même maladroitement. Il suffit de se mettre en route ; il suffit de commencer. Le reste est donné en plus.
Va, et fais ainsi.
(Dessin de l'Hortus Deliciarum, illustrant la parabole du Bon Samaritain)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire