Homélie donnée en l'église d'Achenheim - Il est juste et bon de te louer, Seigneur !
Que ce soit le marchandage d'Abraham, l'attitude de Jésus au début de l'Evangile ou son enseignement à ses disciples, tout nous oriente aujourd'hui vers la prière, relation personnelle et privilégiée à Dieu. Je ne vais pas vous en parler à partir des textes entendus, mais plutôt à partir de la manière dont l'Eglise, dans sa propre prière, nous parle de cet acte essentiel de la vie spirituelle. Et j'avoue que c'est assez surprenant !
Que ce soit le marchandage d'Abraham, l'attitude de Jésus au début de l'Evangile ou son enseignement à ses disciples, tout nous oriente aujourd'hui vers la prière, relation personnelle et privilégiée à Dieu. Je ne vais pas vous en parler à partir des textes entendus, mais plutôt à partir de la manière dont l'Eglise, dans sa propre prière, nous parle de cet acte essentiel de la vie spirituelle. Et j'avoue que c'est assez surprenant !
Dans la préface que j’utiliserai tout à l’heure, en introduction à la prière eucharistique, nous prierons avec l’Eglise ainsi : Vraiment, il est juste et bon de te rendre gloire, de t’offrir notre action de grâce, toujours et tout lieu, à toi, Père très saint, Dieu éternel et tout puissant. Jusque là, rien d’extraordinaire ! Toutes les préfaces commencent ainsi. Mais comprenons-nous bien ce qui est ainsi dit : il est juste et bon. L’acte de prier Dieu n’est en rien quelque chose d’extérieur à l’homme, ni quelque chose qui lui serait imposé. Celui qui a découvert Dieu, celui qui a établi avec lui un lien personnel, reconnaît comme juste et bon de rendre gloire à Dieu, de chanter sa louange. Il en est finalement de notre prière comme de nos déclarations d’amour. Lorsque l’on aime quelqu’un, on ne s’oblige pas à le lui dire, on trouve bien normal de susurrer à l’oreille de sa bien-aimée ou de son bien-aimé, les « Je t’aime » que nous gardons en réserve ! Prier Dieu devrait être pour le croyant aussi naturel que dire « Je t’aime ». Il est juste et bon de prier Dieu, dit l’Eglise dans sa prière. Et les motifs de nous tourner vers Dieu ne manquent pas comme nous le montre la multitude des préfaces existantes. La principale occasion de prier Dieu, c’est de le remercier pour tout ce qu’il réalise pour nous par son Fils Jésus. Nous ne redirons jamais assez à Dieu ce que nous lui devons à cause de Jésus !
La suite de la préface que nous prierons tout à l’heure s’énonce ainsi : Tu n’as pas besoin de notre louange, et pourtant c’est toi qui nous inspires de te rendre grâce. Dieu n’a pas besoin de notre prière, ni de la prière de l’Eglise. Cela ne signifie pas que notre prière ne sert à rien, mais simplement que Dieu est Dieu sans elle ; que Dieu continuera d’agir dans notre existence même si nous oublions de nous tourner vers lui. Il n’a pas besoin de notre prière pour exister et pourtant, c’est lui qui nous la souffle à l’oreille : c’est toi qui nous inspires de te rendre grâce. C’est là la caractéristique fondamentale de la liturgie : Dieu lui-même nous donne les mots de la prière et lève ainsi l'objection majeure à celle-ci : je ne sais pas prier ! N’est-ce pas aussi ce que fait Jésus dans la tradition du Notre Père. Le Fils de Dieu donne aux hommes les mots par lesquels ils sont invités à s’adresser à Dieu : Lorsque vous priez, dites… Ce que la liturgie elle-même retraduit ainsi au moment de l’oraison dominical : Comme nous l’avons appris du Sauveur, et selon son commandement, nous osons dire… Prier Dieu, c’est donc d’abord se mettre à son écoute. Je le rappelle souvent lorsque je parle de la prière à des enfants : le premier organe de la prière, ce n’est pas la bouche, mais l’oreille qui me fait écouter Dieu, ou, pour parler comme Saint Paul, qui me fait écouter ce que l’Esprit Saint lui-même murmure à mon cœur. Selon le mot de Paul, sans l’Esprit Saint, nul ne peut dire : Abba ! Père !
La préface se poursuit encore par ces mots : nos chants n’ajoutent rien à ce que tu es, mais ils nous rapprochent de toi, par le Christ, notre Seigneur. Non seulement Dieu n’a pas besoin de notre prière pour exister, mais en plus, notre prière n’augmente pas sa divinité, ne change rien à ce qu’il est pour nous : un Père. Que nous priions ou pas, Dieu sera toujours Dieu, Dieu sera toujours mon Père. Mais la prière que je lui adresse, qu’elle soit de louange, de remerciement, de demande ou de supplication, me rapproche de Dieu. Plus je prie, plus je m’approche de lui ; plus je m’approche de lui, plus je le connais ; plus je le connais, plus j’ai envie de le prier (de l’écouter, de lui parler). Il y a comme une addiction à la prière, parce qu’elle devient, au fur et à mesure un rendez-vous d’amour avec celui qui ne veut que mon bien, avec celui qui me connaît mieux que moi-même, au point de discerner derrière mes demandes malhabiles, la seule vraie demande : l’Esprit Saint, qui me rend toujours plus conforme à Dieu, l’Esprit Saint qui me permet de toujours plus m’identifier au Christ. Plus je prie, plus je ressemble à Dieu ! N’est-ce pas le seul objectif du croyant : devenir saint parce que Dieu est saint et être ainsi rendu digne de participer à la gloire du Royaume ?
S’interroger sur la prière, sur son utilité, revient finalement à s’interroger sur ma relation à Dieu. Ai-je envie de Dieu dans ma vie ? Ai-je envie d’avancer avec lui sur le chemin de vie et de bonheur où il m’attend ? Si oui, il me faut l’écouter, il me faut lui parler : ce n’est pas autre chose la prière. L’écouter, lui parler et croire qu’il peut réellement quelque chose pour moi. En priant ainsi avec l’Eglise, je m’aperçois alors bien vite que je ne suis pas seul ; ma prière rejoint la prière de toute l’Eglise, et même la prière des anges qui sans cesse chantent la gloire de Dieu. Chacune de nos préfaces nous y rend attentifs : c’est par lui (par le Christ) que la terre et le ciel, avec les anges et les archanges, ne cessent de t’acclamer. Ma prière, même pauvre, même malhabile, rejoint toujours la prière des autres croyants. Elle y trouve sa force et y donne sa force aussi. C’est ainsi que s’ouvrent les trésors de miséricordes de Dieu notre Père pour tout un chacun.
Désormais, lorsque vous serez seul dans votre chambre, ou dans une église, quelquefois écrasés par le doute, le chagrin ou l’ennui, souvenez-vous que votre prière rejoint forcément celle d’un autre priant et qu’ensemble, vous pouvez beaucoup. Il n’est jamais perdu, le temps de la prière, si court soit-il, si malhabile soit-il ! Et lorsque vous penserez que votre prière ne sert à rien, reposez-vous sur la prière des autres, confiez-vous à la prière incessante des anges : ils sauront vous rattraper, ils sauront vous redonner le goût de Dieu ! Et vous pourrez redire avec l’Eglise entière : il est juste et bon de te louer, Seigneur. Amen.
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