Célébrer le pardon pour résister au Mal !
Les enfants qui préparent leur première confession le savent bien ; ils l’apprennent dès les premières rencontres de catéchisme : dans la vie, quelquefois c’est comme ça ; dans la vie, quelquefois c’est pas facile ; dans la vie, quelquefois, ça ne va plus. Et ce n’est même pas toujours de notre faute. Le Mal est présent au cœur de notre vie ; nous en faisons tous l’expérience. La question, c’est qu’est-ce qu’on fait, une fois qu’on le sait ? Peut-on s’en sortir ? Les textes bibliques que nous avons entendus nous disent que oui, et nous donnent même un chemin pour nous en sortir. Ce chemin est double : conformer notre vie à la parole de Dieu et nous placer à la suite du Christ.
Conformer notre vie à la parole de Dieu. C’est bien la leçon que nous pouvons tirer de l’histoire de nos premiers parents. Créés par Dieu, ayant reçu de lui le souffle de vie, l’homme et la femme sont à l’image et à la ressemblance de Dieu. Ils ont tout reçu de lui. La seule chose qu’ils doivent respecter, c’est un interdit : ne pas toucher à l’arbre qui est au milieu du jardin. Pas vraiment mission impossible, me direz-vous, d’autant qu’ils ont tous les autres arbres à disposition. Dans leur jardin, ils ne manquent de rien. Et pourtant, comme le rappelle Paul aux chrétiens de Rome, un jour, par Adam, le péché est entré dans le monde, et par le péché est venue la mort. Le ver est dans le fruit, le mal est fait. Pourquoi ? Parce que quelqu’un, le Serpent, a travesti la Parole de Dieu, donnant du même coup de Dieu une image fausse et pervertie. Adam et Eve se sont laissés avoir et ne s’en rendent compte que trop tard, une fois que le Mal est fait : leurs yeux à tous deux s’ouvrirent et ils se rendirent compte qu’ils étaient nus ! Nus parce qu’éloignés soudainement de Dieu. Nus, parce qu’ils ne leur restent que leurs yeux pour pleurer. L’écrivain biblique nous indique même que désormais, ils se cachent devant Dieu. Ils ont honte. C’est comme ça ; c’est pas facile ; ça ne va plus ! Une parole comprise de travers, une image de Dieu pervertie, et le Mal est là.
Dans l’Evangile, lorsque Jésus est soumis à la tentation, le Mauvais utilise toujours et encore la même arme : il joue avec la Parole de Dieu. Mais Jésus, à la différence d’Adam, rectifie la parole ; il ne se laisse pas avoir. Il est le Fils que Dieu a envoyé ; il est le Fils qui est fidèle à son Père, qui écoute son Père et agit comme son Père attend. La Parole de Dieu est sa seule ligne de conduite, sa seule arme contre la tentation du pouvoir, de la possession et de la toute-puissance. Ecoutant la Parole de Dieu et la méditant dans notre cœur, nous pouvons user de cette même arme pour lutter contre le Mal.
Imitant ainsi le Christ, nous comprenons le deuxième chemin proposé pour résister au Mal : suivre le Christ en tout. C’est Paul qui nous y encourage lorsqu’il nous affirme que si à cause d’un seul homme, par la faute d’un seul homme, la mort a régné, combien plus, à cause de Jésus Christ et de lui seul, régneront-ils dans la vie, ceux qui reçoivent en plénitude le don de la grâce qui les rend justes. Pour être tout à fait clair, si par Adam le péché est entré dans le monde, par Jésus, c’est le salut qui nous est obtenu. Suivre le Christ, c’est recevoir de lui le don de la vie en plénitude, le don du salut. Lui seul, Jésus, peut nous sauver ; lui seul peut définitivement vaincre le Mal et la Mort. Son obéissance à Dieu, en toute chose, nous vaut le pardon et la vie.
Pour nous aider à suivre ainsi le Christ sur le chemin de l'obéissance parfaite et conformer notre vie à la Parole de Dieu, l'Eglise nous propose un sacrement ; celui qui, malgré notre péché, nous dit l'amour de Dieu pour nous : le sacrement de la Pénitence et de la Réconciliation. Si l’Eglise nous invite à célébrer le pardon, de manière régulière, c’est bien parce que, dans ce sacrement, s’approfondit notre désir de résister toujours davantage, toujours mieux au Mal. Certains disent : ce n’est pas la peine de se confesser puisque nous retombons toujours à cause des mêmes choses. Sans doute, mais si nous prenons au sérieux la grâce de ce sacrement, nous nous rendrons compte que petit à petit, de péchés commis en pardons reçus, nous progressons à la suite du Christ, nous devenons plus résistants au Mal. La première des choses à faire est de regarder honnêtement notre vie, non pas pour nous en désoler, mais pour porter sur notre vie le regard même de Dieu, qui est toujours et déjà un regard de pardon, un regard d’amour. Quelquefois, dans notre vie, ça va mal ; mais toujours, dans notre vie, même et surtout quand ça va mal, Dieu veut nous rejoindre et nous libérer de ce qui nous retient loin de lui, de ce qui nous éloigne de lui. Célébrer le pardon, rencontrer un prêtre pour se confesser devant Dieu, c’est exprimer notre désir de la présence de Dieu au cœur de notre vie ; c’est exprimer notre désir de revenir vers ce Dieu, même si nous nous sentons nus devant lui. Par son pardon, il nous revêtira de l’habit de fils. Célébrer le pardon, c’est demander à Dieu son aide pour que nous puissions mieux entrer en résistance contre le Mal et le péché. Ça ne se fait pas en un jour ; c’est l’œuvre d’une vie spirituelle, menée en fidélité à la Parole de Dieu, à la suite du Christ qui nous redit toujours que Dieu nous aime, même lorsque nous sommes pécheurs.
Permettez que je termine par une histoire qu’un vieux rabbin racontait. Il disait : chacun de nous est relié à Dieu par un fil. Et lorsqu’on commet une faute (un péché), le fil est cassé. Mais lorsqu’on regrette sa faute, Dieu fait un nœud au fil. Du coup, le fil est plus court qu’avant. Et le pécheur est un peu plus près de Dieu ! Ainsi, de faute en repentir, de péché en pardon célébré, de nœud en nœud, nous nous rapprochons de Dieu. Finalement, chacun de nos péchés est l’occasion de raccourcir d’un cran la corde à nœuds et d’arriver plus vite près du cœur de Dieu. Tout est grâce ! Mêmes les péchés... Si nous entrons dans une démarche de pardon et de réconciliation. Amen.
(Dessin de Jean-François KIEFFER, in Mille images d'Evangile, éd. Les presses d'Ile de France)
(Histoire reprise par Jean VERNETTE, in Paraboles pour aujourd'hui, éd. Droguet & Ardant)
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