Poursuivant notre marche vers Pâques, le
chemin du Carême nous permet de croiser la route des grands croyants de notre
histoire, qu’ils soient des repères éminents de la Première Alliance ou de la
Nouvelle Alliance, signée en Jésus Christ. Ainsi, en ce deuxième dimanche de
Carême, c’est la figure d’Abraham qui est donnée à notre méditation. A sa
suite, nous croyons en Dieu.
Parmi tous les personnages de la
Première Alliance, Abraham reste l’un des plus connus. D’abord à cause de son
statut : il est reconnu comme le Père des croyants, puisque tant les
Juifs, que les Musulmans et les Chrétiens, reconnaissent en lui le premier qui
a cru en Dieu. Les grandes religions monothéistes parlent de lui et l’honorent.
Il est déjà âgé lorsqu’il prend la route à la demande de Dieu, sans rechigner,
sans chercher à comprendre. Yahvé dit à
Abram : « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père pour
le pays que je t’indiquerai. Je ferai de toi un grand peuple, je te bénirai, je
magnifierai ton nom ; sois une bénédiction… Abram partit, comme lui avait
dit Yahvé (Gn 12, 1.2.4a). Cette obéissance à une parole est sans doute la
grande caractéristique de la foi d’Abraham. Dieu parle, lui écoute et fait.
Cela peut sembler simpliste, mais c’est ainsi. Nous retrouvons cela dans le
texte entendu en première lecture : le
Seigneur parlait à Abraham dans une vision. Puis il le fit sortir au-dehors et
lui dit : « Regarde le ciel, et compte les étoiles, si tu le
peux… » Et il déclara : « Telle sera ta descendance. »
Abraham eut foi dans le Seigneur, et le Seigneur le déclara juste (Gn 15, 5-6).
Avec Abraham, nous pouvons parler d’une évidence de la foi. A 75 ans
passés, il ne s’interroge pas sur le pourquoi du comment ; Dieu lui dit
quelque chose et Abraham croit. Comme j’aimerais que nous ayons quelquefois
cette évidence de la foi, cette simplicité de croire en réponse à la parole de
Dieu entendue.
Parce que tout est là : dans la
parole que Dieu lui adresse à chaque instant. C’est plus qu’une parole même,
c’est une promesse que Dieu lui fait. Dieu ouvre un avenir à un homme âgé qui
n’en a plus, à vue humaine, et pourtant cet homme y croit. Jamais il ne mettra
en doute la parole du Seigneur. Dieu lui demande de tout quitter : il se
met en route. Dieu lui promet une descendance aussi nombreuse que les étoiles
du ciel : il y croit. Dieu lui demande le sacrifice de son fils, son
héritier : il prend ce qu’il faut, se met en route et dresse l’autel du
sacrifice. Sans cesse, la parole de Dieu lui est adressée, exigeante,
quelquefois rugueuse ; sans cesse Abraham donne suite, avec foi : Dieu pourvoira, dit-il à Isaac qui
s’inquiète de ne pas voir d’agneau pour le sacrifice ! Abraham aura une
terre, il aura un fils, il aura une grande descendance : nous en sommes
les témoins. Nous sommes les héritiers de la promesse faite par Dieu à Abraham.
Nous sommes les descendants d’Abraham.
Des siècles plus tard, après bien des
promesses, après bien des rejets de Dieu par les hommes à qui il ne cesse de
s’adresser, une nouvelle parole est donnée : Jésus, le Fils unique de Dieu,
entré dans le monde pour le salut des hommes. A travers lui, Dieu parle encore
aux hommes comme il avait jadis parlé à Abraham. Dieu lui-même en atteste quand
il invite les disciples de son Fils à l’écouter, au moment de sa
transfiguration : Celui-ci est mon
Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le ! (Lc 9, 35b). Ils sont
invités par Dieu lui-même à entrer dans cette attitude fondamentale de la foi, l’attitude
d’Abraham : écouter et croire. Il n’y pas de foi possible sans écoute de
la parole ; il n’y a pas de foi possible sans obéissance à cette parole. Il
n’y a pas de foi possible sans cette confiance primordiale. Jésus lui-même, à
la suite d’Abraham, partage cette écoute de Dieu et cette obéissance à la
parole de Dieu ; il le fera au degré le plus haut possible, puisqu’il ira,
par obéissance, jusqu’à la croix, jusqu’au don ultime de sa vie. D’Abraham à
Jésus, le sens de la foi n’a pas changé : écouter Dieu, vivre de ce qu’il
nous dit, vivre comme il nous le dit. Là se trouve le bonheur, là se trouve la
vraie vie, là se trouve le salut !
En ce temps de Carême, puisse Abraham,
Père de tous les croyants, nous aider à entrer dans cette attitude
fondamentale. Puisse-t-il nous aider à écouter mieux ce que Dieu nous dit.
Toute sa vie nous enseigne la puissance de l’écoute et de l’obéissance. Toute
sa vie nous dit la fidélité de Dieu à sa parole et la réalisation de ses
promesses. C’était vrai du temps d’Abraham, c’est vrai encore aujourd’hui, par
Jésus, le Sauveur. Puissions-nous le découvrir et en vivre vraiment. Amen.
(Image tirée de Traversées, Dites-le avec des bulles, Centre National de l'Enseignement Religieux)