Voilà un carême qui aura un goût étrange. Il sera un temps de transition à plus d’un titre. Temps de transition parce qu’il nous mène du temps ordinaire que nous laissons ce soir au temps de Pâques que nous inaugurerons à la fin du mois prochain. Temps de transition encore puisqu’il nous permettra d’accueillir un nouveau successeur sur le siège de Pierre alors même que notre pape actuel est encore vivant. De quoi y perdre son latin. Il sera temps de transition aussi pour notre vie spirituelle si nous le vivons dans l’esprit annoncé par le prophète Joël : l’esprit de conversion, l’esprit d’un retour vers Dieu. En cette année de la foi, année qui veut nous faire redécouvrir ce qui fait notre foi, nous voici donc invités à revenir vers Dieu pour mieux croire.
Pourquoi revenir vers Dieu ? L’aurions-nous quitté ? Et quand ? Si l’appel du prophète Joël nous surprend, peut-être nous sommes-nous habitués à la présence de Dieu, habitués au point de ne plus le voir, de ne plus sentir le besoin de venir le voir, pour le rencontrer, lui parler, l’écouter. Nous comprenons alors le texte de Raymond DEVOS qui a ouvert notre célébration : l’homme existe, je l’ai rencontré. Quand l’homme s’habitue trop à Dieu au point de l’oublier, Dieu peut-il semblablement oublier l’homme qui ne le visite plus, qui ne lui parle plus, qui ne l’écoute plus ? Pouvons-nous perdre le goût de Dieu ? Dieu peut-il perdre le goût de l’homme ?
Certes, le mal que nous commettons nous éloigne de Dieu ; nous l’avons tous appris au catéchisme. Cela nous inquiète-t-il ? Cela nous dérange-t-il ? Ou est-ce simplement devenu quelque chose de normal ? Pire, quelque chose que nous ne croyons plus ? Il y aurait Dieu d’un côté, notre vie de l’autre, et entre les deux, un gouffre que rien ne peut combler ! Le temps du Carême que nous inaugurons ce soir vient nous redire que ce fossé peut être comblé, que Dieu nous attend toujours et qu’il jette sur les décombres de notre péché le pont de sa miséricorde : alors ce fossé qui nous tenait éloigné de lui devient pont de l’alliance, pont de la miséricorde, pont du retour vers Dieu. Le début de notre foi !
N’est-pas là, en effet, que commence la foi ? Lorsque, regardant ma vie et tout ce qui l’encombre, je fais le choix radical de me retourner vers celui qui ne me quitte jamais, m’attend toujours et espère le meilleur pour moi ? L’acte de croire commence par ce choix premier de remettre Dieu au cœur de ma vie. Aucune distance ne sera trop longue, aucun fossé trop profond, aucun péché trop grand au point de m’empêcher de revenir vers celui qui attend mon cœur contrit, mon désir sincère de vivre avec lui et pour lui. La conversion est toujours possible et ce temps du Carême se veut un temps privilégié pour effectuer ce retour, pour reprendre contact avec celui qui est la source de notre vie. Oui, Dieu nous attend, Dieu croit en l’homme qui croit en lui. Dieu espère l’homme qui espère en lui. Dieu accueille l’homme qui retourne vers lui. Rien ne pourra empêcher cette rencontre, si l’homme la désire.
Pour favoriser ce retour, trois chemins nous sont proposés par Jésus dans l’évangile : la prière, le jeûne et le partage. Non pas trois efforts à faire, mais trois moyens puissants pour combattre ce qui résiste en nous à l’amour de Dieu, ce qui résiste en nous aux appels de Dieu. La prière, conversation amoureuse avec la source de tout amour ; le jeûne, privation volontaire pour purifier notre corps et notre cœur et les rendre aptes à la rencontre avec Dieu ; le partage avec ceux qui ont moins de chance que moi pour retisser les liens d’une humanité créée à l’image et à la ressemblance de Dieu. Dieu nous offre ces moyens pour manifester notre désir de Lui, notre désir de rétablir des relations filiales vraies et sincères. Dieu nous donne tout quand il se donne à nous ; à nous de lui donner notre cœur et notre vie.
Dire : « Je crois », c’est donc accepter ce retour vers Dieu annoncé par le prophète Joël. Sans crainte, nous pouvons répondre à son appel, Dieu ne nous attendant pas pour nous juger, mais pour nous pardonner : il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour. Posons ce soir le premier pas d’une foi renouvelée en revenant vers Dieu et nous pourrons témoigner que Dieu existe, puisque nous l’aurons rencontré, et nous nous serons laissé aimer de lui. Joyeux retour vers Dieu à toutes et à tous. Amen.
Dire : « Je crois », c’est donc accepter ce retour vers Dieu annoncé par le prophète Joël. Sans crainte, nous pouvons répondre à son appel, Dieu ne nous attendant pas pour nous juger, mais pour nous pardonner : il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour. Posons ce soir le premier pas d’une foi renouvelée en revenant vers Dieu et nous pourrons témoigner que Dieu existe, puisque nous l’aurons rencontré, et nous nous serons laissé aimer de lui. Joyeux retour vers Dieu à toutes et à tous. Amen.
(Dessin de Jean-François KIEFFER, Mille images d'évangile, Presse d'Ile de France)
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