On aurait tort de croire que ce dimanche n’est qu’un petit dimanche. Coincé entre l’Ascension et la Pentecôte, il fallait un dimanche de plus pour passer de 40 jours à 50 jours. Il n’a donc pas grand intérêt. D’ailleurs, certaines revues liturgiques conseillaient en leur temps d’y aller mollo en ce 7ème dimanche. Pas la peine de trop déployer la liturgie : les gens sortent à peine d’un long pont de l’Ascension et se dirigent vers un week-end prolongé à l’occasion de la Pentecôte. Faisons vite, court et bien. C’est oublier, me semble-t-il, que chaque dimanche de Pâques a une particularité et ce 7ème dimanche n’est pas moins important que les 6 précédents. Il a quelque chose d’important à nous dire concernant notre foi. A la suite des Apôtres, il nous invite à prendre des risques.
Contrairement
à ce que certains peuvent penser, croire n’est pas un acte reposant. La foi est
un acte qui nous engage, qui engage notre vie. D’abord parce que croire, avant
d’être une morale à appliquer, est d’abord un art de vivre, conforme à la
parole de Jésus. L’unité parfaite
dont il nous parle dans l’Evangile de ce dimanche, l’amour parfait dont il nous
parlait les dimanches précédents, ce n’est pas qu’une manière de parler. Jésus ne
fait pas de belles phrases ou de bons mots, histoire de combler le vide de nos
conversations. Les paroles qu’il nous a laissé depuis quelques semaines
maintenant, sont des paroles à vivre, donc à prendre au sérieux. Le premier
risque que nous prenons, c’est bien celui de prendre Jésus et son enseignement au
sérieux ! Nous prenons le risque de voir notre vie changer, en profondeur,
en mieux. L’unité parfaite dont parle
Jésus nous l’entendons d’abord comme l’unité entre nous : et c’est bien
ainsi que Jésus veut que nous le comprenions. Mais nous pouvons entrer dans une
lecture plus profonde, plus spirituelle de cette demande et comprendre la
demande d’unité comme concernant notre vie personnelle. Que notre vie soit
unifiée autour de la personne de Jésus. Que notre bouche ne dise pas A quand
notre cœur pense B. Notre profonde unité intérieure nous permettra de vivre l’unité
avec les autres frères que Jésus place sur ma route.
Mais
ce n’est pas le seul risque que nous prenons à croire en Jésus. Dans nos pays
de vieille chrétienté, la foi a semblé durant des siècles comme allant de soi. Celui
qui se faisait remarquer n’était pas tant celui qui allait à la messe, mais
plutôt celui qui n’y allait pas. Les plus anciens le savent bien, eux qui
allaient encore à la messe avant d’aller à l’école chaque matin. Et il valait
mieux ne pas rater ce rendez-vous ! Certains ont expérimenté le courroux
curial lorsqu’ils s’affranchissaient de ce « devoir » ou s’y
comportaient mal. Aujourd’hui, alors que la foi ne va plus de soi, alors que l’on
n’est plus forcément catholique parce que français, pour reprendre le cardinal
Vingt-trois, la foi peut redevenir un risque : risque d’être moqué, risque
d’être pris pour un demeuré parce qu’on croit encore à ces fadaises, risque
aussi de perdre la vie en certaines régions du monde. Les statistiques du Saint
Siège montrent qu’il y a plus de martyrs aujourd’hui que lors des grandes
persécutions au début du christianisme. Oui, croire est un risque pour de
nombreux chrétiens dans le monde contemporain. En ce sens, la lecture du
martyre d’Etienne prend un relief particulier. Ce n’est pas qu’une histoire
édifiante : elle est le rappel que le serviteur n’est pas au-dessus du
Maître, et si Jésus, en son temps, fut crucifié, ses disciples peuvent l’être
aussi, eux qui sont appelés à mettre leurs pas dans les pas de Jésus. Et la
mort physique n’est pas toujours la plus douloureuse. Interrogez ceux qui sont
humiliés, maltraités, ignorés, rejetés à cause de leur foi. Et cela arrive
quelquefois chez nous, même ici, en Alsace, même à l’intérieur de nos
communautés.
Oui,
croire est un risque que nous devons, que nous pouvons assumer. Parce que nous
ne risquons pas en vain ; nous risquons avec et pour Jésus. Les fêtes de
Pâques nous font célébrer sa victoire sur toutes formes de Mal et de Mort, et
nous rendent déjà participant à sa victoire. Cela ne diminue pas le risque,
mais cela donne un horizon aux risques que nous prenons. Cet horizon, c’est de
faire partie de ceux qui lavent leurs
vêtements pour avoir part aux fruits de l’arbre de la vie ; cet
horizon, c’est de pouvoir franchir les
portes de la cité où Dieu nous attend. Il n’y a pas de Pâques sans Vendredi
Saint ; il n’y a pas de Vendredi Saint sans Pâques depuis que Jésus est
ressuscité. Il ne s’agit pas de risquer idiot ; il s’agit de risquer avec
et pour le Christ. Ainsi seulement la victoire est au bout, assurément. Amen.
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