Un
même auteur, Saint Luc, deux versions d’un même événement, et surtout deux
réactions de la part des Apôtres. Voilà le mystère de ce jour de l’Ascension,
ce jour où le Christ rejoint son Père dans la gloire du Royaume. Deux versions
sensiblement identiques : une dernière rencontre avec Jésus, les dernières
paroles de Jésus et son départ définitif. Désormais les Apôtres doivent vivre
cette absence de Jésus, dans l’attente de son retour.
L’absence :
voilà bien la nouveauté de ce jour. Jésus, qui était mort, qui est ressuscité,
qui a passé 40 jours à se montrer à ses disciples, va disparaître. Cela valait
bien la peine de ressusciter si c’est pour disparaître encore, et un peu plus
que trois jours cette fois-ci ! A croire que le jeu de cache-cache a été
créé pour l’occasion. Bref, voilà Jésus absent, et cette absence est
nécessaire. Nécessaire pour que l’Esprit Saint puisse être donné. Nécessaire
pour que le Père accomplisse ainsi toutes ses promesses. Si nos frères
orthodoxes ne nous avaient pas appris que l’Esprit Saint est le lien d’amour
qui unit Jésus à son Père, on pourrait croire que ces deux-là (l’Esprit Saint
et Jésus) ne peuvent pas cohabiter : pour que l’Esprit Saint descende, il
faut que Jésus remonte ! Pourquoi ne pourrions-nous pas avoir les deux ?
Jésus
s’en va donc, et, pour les Apôtres, s’ouvre le temps de l’absence. L’Esprit
Saint, ce n’est pas pour aujourd’hui : il faut attendre sa venue comme il
a fallu attendre la venue du Messie. Il faut être patient avec Dieu comme lui
est patient avec nous. Il donne les choses au temps voulu. Et là, ce n’est pas
encore le temps. L’absence a ceci de bon qu’elle creuse en nous le désir et
l’attente. Non pas l’attente impatiente, mais l’attente qui nous prépare à un
don toujours plus grand. Dieu ne cesse de se donner. Il s’est donné en son
Fils : nous l’avons mis à mort. Il nous l’a rendu ressuscité : nous
avons du mal à le croire. Il nous promet son Esprit Saint : sommes-nous
impatients de le recevoir ? Le temps de l’absence n’est pas un temps vide
ou creux. C’est un temps qui nous prépare à la suite.
Si
la venue de Jésus n’était déjà pas de tout repos (demandez donc à Marie, si
elle a pu se reposer avec ce gentil petit Jésus !), imaginez ce que sera
le temps de l’Esprit Saint, dont Jésus lui-même nous dit que, l’ayant reçu,
nous serons ces témoins à Jérusalem, dans
toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre ! Pour
ceux qui pensaient se reposer maintenant que Jésus est parti, la désillusion
est grande. Ce temps de l’absence devient un temps de préparation à la mission.
Quand l’Esprit Saint viendra, il faudra être prêt. Quand l’Esprit Saint
viendra, nous irons par les chemins témoigner de ce Christ que nous confessons
comme Messie et Sauveur. Jamais il n’aura été autant présent que depuis qu’il
est absent !
Aujourd’hui
encore, Jésus est présent, plus que jamais présent ; il est présent dans
le pain consacré, présent dans la Parole proclamée, présent dans le prêtre qui
le représente, présent dans l’assemblée réunie en son nom. On ne le voit plus,
mais il est partout ! Et nous comprenons alors la joie des Apôtres au
départ de Jésus. Ce n’est pas la joie d’en être enfin débarrassé ; non,
c’est la joie de le savoir toujours présent, malgré son absence physique. Si
avant l’Ascension, Jésus était là où il était physiquement, désormais, il est
là où se réunissent ses disciples, même en petit nombre : là où deux ou trois sont réunis en mon nom,
je suis au milieu d’eux ! Je vous le redis : jamais un absent
n’aura été autant présent que Jésus.
A
la manière des Apôtres, vivons cette absence de Jésus avec la même joie :
même si nous ne le voyons plus comme les Apôtres jadis, il est toujours avec
nous. A la manière des Apôtres, vivons cette absence de Jésus avec le même
désir d’accueillir celui qu’il nous envoie : l’Esprit Saint qui nous fera
tout comprendre et qui nous guidera chaque jour, dans la fidélité à Jésus. A la
manière des Apôtres, vivons cette absence dans l’espérance de son retour, ce
jour où il nous prendra avec lui et où nous le verrons pour toujours, face à
face. Jésus est absent, mais nous le rendrons présent par toute notre vie.
Amen.
(Dessin de Coolus, Blog du lapin bleu)
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