Je
ne suis pas sûr que nous mesurions bien les enjeux de la controverse qui amène
les Apôtres à se réunir à Jérusalem, tant cela nous paraît loin de nos
préoccupations aujourd’hui. Mais à l’époque, la question soulevée par certains
croyants issus du judaïsme aurait pu faire couler l’Eglise ; elle aurait
pu ne pas s’en remettre. Car ce qui est en cause, c’est bien la foi et ce qui
est nécessaire à la foi.
Faut-il
donc ou non circoncire ceux qui viennent au Christ alors qu’ils ne sont pas
juifs de naissance ? Faut-il que les païens fassent le même parcours que
les Apôtres, qui étaient tous juifs, ou pouvaient-ils être admis dans la
communauté chrétienne naissante sans passer par la case circoncision ?
Voilà posée la question. Elle peut nous sembler dérisoire, et pourtant !
Pour Paul qui venait de rentrer de sa première mission, il faut admettre tout
homme qui croit au Christ, sans exiger de lui autre chose que l’affirmation que
Christ est sauveur. L’obliger à passer par la circoncision, ce serait reconnaître
que le Christ ne suffit pas pour être sauvé. Il serait donc mort pour rien, et
notre foi ne reposerait pas vraiment sur lui. Les discussions ont dû être
tendues entre les diverses parties. Mais ce qui nous importe, c’est la manière
dont l’Eglise s’en est sortie. Les Apôtres se sont réunis, ont écouté chacun et
ont pris une décision qui s’imposerait alors à tous. Cette décision a permis de
sauvegarder l’Eglise et son unité.
Quelle
est-elle, cette décision ? Elle s’énonce ainsi : l’Esprit Saint et nous avons décidé de ne pas faire peser sur vous
d’autres obligations que celles-ci qui s’imposent : vous abstenir de
manger des aliments offerts aux idoles, du sang ou de la viande non saignée, et
vous abstenir des unions illégitimes. En évitant tout cela, vous agirez bien.
Courage ! La question initiale (celle de la circoncision) a été
totalement évacuée ; il ne reste que des choses de bons sens. On pourrait
les résumer ainsi : ne pas imposer des choses impossibles. Il y a des
choses importantes et d’autres qui ne le sont pas. Et manifestement, la
circoncision n’était pas importante pour manifester son appartenance au Christ.
Elle marquait l’appartenance au peuple de la première alliance ; mais si
le Christ nous sauve par sa mort et sa résurrection, si la foi en lui est
première, alors ce signe de la première alliance devient secondaire. Par
contre, ce qui reste interdit est, à l’époque du moins, considéré comme
important. Ne pas manger les aliments
offerts aux idoles marque bien notre désir de n’appartenir qu’au Christ et
de ne communier qu’à lui. Même si Paul dira que cette viande n’est que de la
viande, pour ne pas choquer un plus faible, pour ne pas induire en erreur
quelqu’un qui reste convaincu que manger la viande consacrée aux idoles
revenait à adorer cette idole, désormais, on s’abstiendra. De même pour le sang ou la viande non saignée :
le sang, c’est le siège de la vie ; or Dieu seul est maître de la vie.
Personne ne peut le répandre sans se prendre pour Dieu, qui seul fait mourir et
vivre. On s’abstiendra donc de se prendre pour Dieu en ne touchant pas au sang.
De même pour les unions illégitimes : déjà dans l’Ancien Testament,
l’union de l’homme et de la femme avait quelque chose à voir avec l’alliance
que Dieu scellait avec l’humanité. C’est encore vrai pour le chrétien qui
reconnaît dans le mariage une image de l’union du Christ et de son Eglise.
L’union illégitime reviendrait à remettre en cause cette image et l’alliance de
Dieu avec son peuple ; on s’en abstiendra donc.
Cette
décision des Apôtres est placée sous l’autorité de l’Esprit Saint : c’est
avec lui qu’ils ont décidé. Il a donc fallu le temps de la prière pour parvenir
à une décision qui semble juste à tous, et qui soit accepté par tous. Ne
l’oublions-nous pas trop souvent, l’Esprit Saint ? Pourtant, Jésus
lui-même nous avait dit que c’est bien lui, l’Esprit, qui nous permettrait de
comprendre ce que le Christ a dit, que c’est bien l’Esprit qui nous enseignerait. En se plaçant sous son autorité, la
première communauté croyante a resserré les rangs et sauvegardé l’unité. Seul
l’Esprit peut procurer cette joie et cette paix. Seul l’Esprit peut maintenir
l’Eglise dans la foi véritable ; seul l’Esprit peut éviter à l’Eglise le
naufrage. C’est donc bien lui qu’il nous faut invoquer lorsque nous traversons
des moments difficiles ; c’est donc bien lui qu’il faut demander pour
continuer à marcher dans les pas du Christ et sauvegarder l’unité de nos
communautés. Sans l’Esprit Saint, que resterait-il de notre Eglise ?
En
prenant le temps de l’échange et de la prière, en reconnaissant à l’Esprit
Saint une place particulière dans tout ce processus, les Apôtres nous
apprennent le chemin à suivre pour maintenir l’unité et la retrouver
lorsqu’elle est menacée ou perdue. Lui seul, présence de Dieu à notre monde,
peut nous indiquer la voie à suivre pour que se réalise en nous et à travers
nous le Royaume de Dieu. Osons l’invoquer et nous mettre à son écoute. Amen.
(Dessin de Jean-François KIEFFER, Mille images d'Evangile, Les Presses d'ile de France)
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