Devons-nous être
jaloux ou reconnaissant en ce dimanche ? Devons-nous regarder ces deux
veuves, celle de Sarepta et celle de Naïm avec envie, ou devons-nous tourner
notre regard ailleurs, plus loin, plus haut ? Devons-nous les interroger
avec colère sur ce qu’elles ont de plus que nous ou au contraire les remercier
d’être comme nous ? Selon notre manière de répondre à ces questions, nous
entrerons, ou pas, dans une juste compréhension des textes de ce dimanche, et
surtout nous révèlerons à coup sûr ce que nous pensons de Dieu.
La première manière d’aborder la première lecture et l’Evangile qui lui est semblable, c’est de s’interroger : qu’ont-elles de plus que nous, ces deux veuves ?
Pourquoi ça leur arrive à elles ? Et en posant ces questions, nous ne
pensons pas bien sûr à la mort de leurs enfants, mais bien à la réanimation
dont ils bénéficient. Il y a tant d’enfants qui meurent, de manière inexpliquée,
injuste. Pourquoi, à ces deux-là, leur rend-t-on leur enfant ? Pourquoi Dieu
n’intervient-il pas de pareille manière, aujourd’hui encore, chaque fois qu’un
innocent meurt, alors qu’il a encore toute sa vie devant lui ? Notre envie
et notre jalousie transforment l’image de Dieu en un juge qui sélectionne qui a
le droit de vivre et qui doit mourir. Vous sentez bien, j’espère, que ce n’est
pas là la lecture que nous devons faire de ces événements. La veuve de Sarepta,
à la mort de son fils, s’adresse au prophète Elie en des termes sévères ;
elle aussi a de Dieu une conception erronée. Ecoutez-la bien quand elle lui dit : Laisse-moi donc, homme de Dieu ! Tu es
venu chez moi pour rappeler mes fautes et faire mourir mon fils ! Quel
Dieu pourrait ainsi se venger des fautes de l’un sur la vie d’un autre ?
Peut-on accorder foi à un Dieu dont la seule occupation serait la comptabilité
de nos fautes et la punition de celles-ci ? Si tel était le cas, Dieu ne mériterait
ni notre foi, ni notre adoration. Rentrons chez nous, cherchons-en un autre !
Mais puisque
nous sommes bien ici, puisque nous sommes venus adorer Dieu justement,
laissez-moi vous proposer une porte de sortie, qui va renforcer notre foi et
rendre à Dieu son visage. La grâce immense dont bénéficient ces deux veuves ne
serait pas le fruit d’une loterie ou d’un caprice des dieux, mais bien un geste
annonciateur de ce que tous les hommes sont appelés à vivre. C’est encore plus
vrai dans l’Evangile. Cette « résurrection » du fils de la veuve de
Naïm, est le signe annonciateur de la résurrection de Jésus. En posant ce
geste, Jésus s’identifie à Elie, le grand prophète dont on attendait le retour.
Il marque ainsi le commencement d’un nouveau temps, le temps où Dieu se révèle
à nouveau à son peuple, le temps où Dieu vient libérer son peuple. Jésus annonce
déjà qu’il est plus fort que la mort. Il annonce la bonté de Dieu pour son
peuple qui souffre. La guérison que pose Jésus n’est pas d’abord un signe de
puissance, mais un acte de pitié : Le
Seigneur fut saisi de pitié pour elle, et lui dit : Ne pleure pas. Il s’avança
et toucha la civière… et Jésus dit : Jeune homme, je te l’ordonne,
lève-toi… Et Jésus le rendit à sa mère. Remarquez qu’il n’a interrogé la
femme ni sur sa foi, ni sur ses péchés pour savoir si elle méritait quelque
considération. Il a eu pitié d’elle. C’est un acte de bonté de la part de Dieu qui
devient signe pour les croyants : Un
grand prophète s’est levé parmi nous, et Dieu a visité son peuple.
Ce Dieu qui nous visite, le psaume 29 que nous avons chanté en réponse à la première lecture en dresse le portrait juste. Il est le Dieu qui guérit, qui fait remonter de l’abîme, qui fait revivre quand nous descendons à la fosse. Sa colère ne dure qu’un instant, sa bonté, toute la vie. Ainsi, il est le Dieu qui nous ouvre une espérance et un avenir. Ce qui s’est passé là, à Sarepta et à Naïm pour ses deux femmes, arrivera pour nous tous. Quand nous serons appelés à vivre notre grand passage, notre Pâque, il y aura Dieu qui nous relèvera, qui nous fera revivre, désormais avec lui, pour toujours. Ce que Jésus annonce en rendant ce fils à sa mère, il le fait pour nous tous en s’offrant sur la croix. Lui, l’Innocent par excellence, en donnant sa vie, ouvre à tous les hommes un chemin de vie et d’avenir que personne ne pourra plus fermer. Ce qui a été temporaire pour les fils de ces deux veuves sera définitif pour nous. Mieux, nous l’avons déjà. En effet, en Jésus mort et ressuscité, nous revivons ; en Jésus mort et ressuscité, nous avons part à la vie de Dieu. Et la mort, pour difficile qu’elle soit à vivre pour ceux qui restent, devient passage vers plus de vie, passage vers la vie en plénitude auprès de Dieu. Chacun de nous, un jour, s’entendra dire : Je te l’ordonne, lève-toi ! Et nous ferons l’expérience, dans notre chair, de la bonté de Dieu, de sa miséricorde et de son amour. Nos péchés fondront devant lui comme neige au soleil ; il n’y aura plus que son amour. Quelle espérance se dégage ainsi pour nous de l’expérience de ces deux femmes ! Quel avenir s’ouvre ainsi devant nous !
Remercions donc
ces veuves d’être comme nous ; par leur expérience, elles nous indiquent
qui est le Dieu que nous adorons et à quel destin il nous appelle. Il est juste
et bon de l’adorer, de le louer et de chanter sa gloire. En ce dimanche, où
nous commémorons sa mort et sa résurrection, ne nous en privons pas. Amen.
(Photo prise en Iralnde, à Glendalough)
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