Pourquoi
baptisons-nous ? Quel sens cela a-t-il de poser, souvent encore au début
d’une vie, un acte tel que le baptême ? Les réponses sont surprenantes
lorsque la question est posée aux parents qui s’adressent à nous pour leur
enfant. Nous n’évitons bien sûr pas l’incontournable tradition familiale, ni le
souci d’une protection au cas où… Mais l’Eglise, qu’en dit-elle du
baptême ? Que fait-elle lorsqu’elle propose ce sacrement ? Une des
réponses se trouve dans la liturgie de ce jour ; chaque texte entendu nous
en parle à sa manière. Être baptisé, vivre son baptême, c’est entrer dans le
projet de Dieu.
La première lecture nous dit
trois chemins pour y entrer. Je les conjuguerai ainsi : quitter – risquer
– accepter. Quitter, comme Abraham a su quitter son pays, sa terre pour entrer
dans une nouvelle terre, promise par Dieu. Quitter sa terre, c’est sortir de
soi, de ses habitudes, de son confort pour se lancer sur la route de la foi. Il
n’a pas de carte, le Père Abraham lorsqu’il prend la route. Il a juste une
parole : « Pars de ton pays, va où je te montrerai ».
Avez-vous pensé au courage qu’il a fallu pour, à son grand âge, partir ainsi.
Pour lui, c’est une nouvelle vie qui commence. Être baptisé, c’est entrer ainsi
dans une nouvelle manière de concevoir la vie ; c’est sortir de soi pour
suivre quelqu’un que l’on ne connaîtra jamais totalement, mais qui nous invite
à la confiance.
Il y a donc nécessairement une
part de risque. L’homme ne quitte pas ce qu’il a pour une promesse, sans
risquer un peu. Et si la promesse ne se réalisait pas ? Celui qui invite à
partir est-il digne de confiance ? Pour Abraham, c’est une voix entendue
qui le pousse sur la route ! Le risque que prend Abraham, c’est le risque
de la foi, le risque de l’obéissance dans la foi. Voilà bien quelque chose qui
fait bondir aujourd’hui. Et pourtant, c’est bien à cela qu’est appelé le
baptisé. A risquer l’obéissance dans la foi. Nous devons apprendre à nous
laisser conduire par Dieu, ne sachant pas toujours ce qu’il attend de nous, ni
où il veut nous mener. C’est croire la parole qu’il nous dit, c’est faire
confiance sur la seule certitude que le projet de Dieu pour nous, c’est notre
vie ! Dieu nous veut vivant et heureux, avec lui : d’où cette
possibilité de prendre le risque de l’obéissance dans la foi. Si le projet de
Dieu était autre chose qu’une vie de bonheur, nous pourrions et nous devrions
nous y dérober. Pour le baptisé, le vrai bonheur ne se trouve qu’en Dieu, avec
Dieu. En écoutant sa Parole, en lui faisant confiance, nous pouvons avancer
dans la vie, construire un avenir solide : Dieu nous y encourage. Dieu
nous y accompagne.
En quittant notre confort pour
marcher à la suite de Dieu, en risquant le pari de la foi, nous acceptons alors
la bénédiction qu’il nous offre. En fait, nous pouvons prendre le risque de
tout quitter parce que Dieu s’engage à nos côtés. Par le baptême, nous nous
engageons peut-être vis-à-vis de Dieu ; mais Dieu s’engage sûrement dans
notre vie. Il nous promet sa présence, il nous offre son Esprit Saint et nous
pouvons vivre alors en baptisés, libres de toute contrainte, sûrs d’être aimés
de manière unique, forts de la protection de Dieu. Accepter cela, accepter
d’être béni de Dieu, c’est prendre notre part dans cette alliance et nous
engager à vivre selon la Parole qui nous est dite au jour de notre
baptême : tu es mon Fils, mon bien-aimé, en qui j’ai mis tout mon
amour !
Si nous cherchons alors une
réponse à « pourquoi vivre selon ce que Dieu attend de nous », la
deuxième lecture vient à notre secours et nous indique l’unique raison valable.
Ce ne sont pas nos mérites, mais l’œuvre de salut entreprise par Dieu en Jésus,
mort et ressuscité. Nous sommes appelés par Dieu à vivre ; nous
sommes sauvés par Dieu en Jésus Christ. En clair, nous n’avons rien fait
et nous n’avons rien à faire pour mériter le salut, pour mériter la vie. Dieu
nous offre tout cela en Jésus, mort et ressuscité. Et nous entrons dans ce
salut en vivant selon l’Esprit du Christ, selon la parole qu’il nous a laissée.
Nous sommes appelés par Dieu parce que c’est son projet de nous sauver. Nous
devenons fils et filles de Dieu parce qu’il le veut ainsi. Dieu n’oublie pas
qu’il a créé l’homme à son image et à sa ressemblance. En Jésus, il se donne
les moyens de restaurer en nous cette image que le péché avait altérée et il
nous offre à nouveau de vivre en lui, par lui et pour lui. Gratuitement ;
par grâce ! Pouvons-nous refuser un tel cadeau ?
Pour les plus sceptiques,
l’Evangile devrait achever de dissiper toute crainte. Nous pouvons faire
confiance à Jésus, nous pouvons nous fier à lui parce qu’il est le Fils unique
et véritable de ce Dieu qui nous appelle. Si la voix de Dieu nous semble
lointaine et inaccessible, la voix du Christ se fait proche. Il est devenu l’un
de nous pour que nous puissions approcher Dieu et le reconnaître présent au
cœur de notre vie. La transfiguration de Jésus vient nous redire, au moment où
il annonçait sa passion, qu’il est bien celui qu’il prétend être. Et les
événements à venir (son arrestation, son procès et sa mort) ne doivent pas nous
effrayer, ni nous convaincre que les promesses de Dieu sont annulées. Au
contraire, il nous faut entendre, dès maintenant, l’annonce de sa résurrection
et contempler sa gloire à venir, pour rester fermes et poursuivre sur la route
que Dieu nous propose. La mort du Fils en croix ne signifie pas que nous avons
eu tort de croire en la vie que Dieu nous propose ; la mort de Jésus ne
signifie pas que nous avons eu tort de faire confiance et de nous risquer sur
le chemin de l’obéissance. Rien n’est fini. Au contraire, tout commence. La Loi
et les prophètes sont accomplis en Jésus. Leur présence autour de Jésus à la
transfiguration en atteste. Baptisés, nous faisons le bon choix lorsque nous
orientons notre existence à la boussole de la Parole de Dieu. Elle indique
toujours la route de la vie en plénitude.
N’ayons pas peur de vivre en baptisés !
Risquons-nous sur les chemins de la foi : Dieu nous y précède. Il nous
veut heureux et libres. Puissions-nous, au long de ce carême, redécouvrir son
projet d’amour pour chacun de nous et y entrer joyeusement. Notre bonheur nous
est offert ; notre vie en est grandie. C’est ce que fait l’immense amour
de Dieu pour nous. Amen.
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