Que faire lorsque survient la
tentation ? Voilà une question d’actualité en ce premier dimanche de
carême où la liturgie nous montre deux réponses différentes à une même
expérience. Car n’est-ce pas, mise à part la réponse apportée, il n’y a pas
l’ombre d’une différence entre le récit de la Genèse entendue en première
lecture et l’Evangile que je viens de proclamer. Tous deux mettent en scène des
hommes mis en situation de tentation.
Dans la Genèse, l’auteur cherche
une réponse à la question du mal dans le monde. Il nous a expliqué que Dieu
était à l’origine de toute chose. La création, c’est son œuvre, et cette œuvre
est qualifiée, par Dieu lui-même, de bonne. Alors comment se fait-il que le mal
ait cours dans nos sociétés ? La réponse vient de ce que l’humain n’a pas
voulu reconnaître et garder sa place de créature. Induit en erreur par le père
du mensonge, il voit en Dieu un être autoritaire, jaloux de ses pouvoirs, ne
voulant les partager avec personne. Le tentateur est rusé quand il travestit la
Parole de Dieu. Il joue avec les sentiments de l’homme jusqu’à ce que celui-ci
trouve désirable d’être comme Dieu. Que peut-il y avoir de mal à cela ?
Mais voilà, l’homme n’était pas prêt : il s’est trompé sur Dieu ; il
s’est trompé quant à la parole qu’il fallait écouter. Comme Dieu, il l’était
déjà, lui qui a été créé à son image et à sa ressemblance ! Entre Dieu et
le Tentateur, il a fait le mauvais choix. Non pas que Dieu se venge, mais
l’homme a pris le parti de la facilité, le parti du mensonge. Et quand il s’en
rend compte, il est trop tard. Le mal est fait ; le mal est entré dans le
monde. « C’est par un seul homme, Adam, que le péché est entré dans le
monde, et par le péché est venue la mort ». Désormais, rien ne sera
plus comme avant. Il y a crise de confiance entre Dieu et l’humanité. Et toutes
les alliances n’auront pour autre but que de restaurer cette confiance
mutuelle. L’homme s’est éloigné lui-même de Dieu en écoutant une autre voix que
celle qui lui avait été donnée au commencement.
Dans l’Evangile, il n’est pas de
recherche de réponse à la question du mal. Il est question de savoir si celui
que Dieu vient de désigner comme son Fils, son bien-aimé, est bien ce Fils qui
n’écoute que son Père. Quarante jours et quarante nuits de jeûne et le voilà
assailli par le Tentateur, comme Adam au jardin de la Genèse. Et le Tentateur
se montre encore plus astucieux. Il a, il est vrai, quelques siècles
d’expérience. Il s’appuie sur la Parole de Dieu lui-même pour tenter le Fils
unique, en flattant à nouveau les sentiments humains. Quelle voix Jésus
entendra-t-il ? Celle de son Père ou celle, travestie, de
l’Adversaire ? Le Tentateur l’apprit à ses dépend. Et nous pouvons redire
avec Paul : « De même que tous sont devenus pécheurs parce qu’un
seul homme a désobéi, de même tous deviendront justes, parce qu’un seul a obéi ».
La seule attitude de Jésus a consisté à ne jamais répondre directement au
Tentateur (ce qu’avait fait Eve), mais à toujours placer entre lui et Satan la
Parole vraie de Dieu !
Aux futurs chrétiens qui
s’adressaient à lui, Grégoire de Naziance, au 4ème siècle, disait
que « Si le persécuteur et le tentateur de la lumière vient t’assaillir
après ton baptême, - et certes il le fera, car il a bien assailli le Verbe, mon
Dieu…- tu as de quoi le vaincre ! Ne redoute pas le combat. Oppose-lui
l’eau du baptême ! » Dieu nous a tout donné pour mener le juste
combat. Nous avons l’exemple de son Fils et le baptême ordonné par lui. Il y a,
dans ce sacrement, tout ce dont nous avons besoin pour résister au Tentateur.
N’avons-nous pas alors été configurés au Christ Sauveur lorsque l’eau a coulé
sur notre tête ? N’avons-nous pas reçu l’Esprit Saint, force de Dieu pour
affronter le monde ? La prière d’exorcisme du baptême résume bien la force
de ce sacrement : « Père tout-puissant, tu as envoyé ton Fils
unique dans le monde pour délivrer l’homme, esclave du péché, et lui rendre la
liberté propre à tes fils ; tu sais que cet enfant, comme chacun de nous,
sera tenté par les mensonges de ce monde et devra résister à Satan. Nous t’en
prions humblement : par la passion de Fils et sa résurrection, arrache-le
au pouvoir des ténèbres, donne-lui la force du Christ, et garde-le tout au long
de sa vie. Par Jésus, le Christ, notre Seigneur. » Ce n’est pas
s’opposer à Dieu que d’être tenté : cela fait partie de notre humaine
condition. C’est péché que d’y succomber ; c’est péché que de se prendre
pour Dieu ou d’écouter la voix de quelqu’un d’autre comme si c’était la voix de
Dieu. Par le baptême, Dieu fait de nous ses fils et ses filles, au même titre
que le Christ. Nous pouvons entendre sa voix, nous appuyer sur elle. Nous
partageons la dignité de Dieu lui-même.
Pour finir, je citerai encore
Grégoire de Naziance. En commentant la page d’Evangile de ce dimanche, il
disait : « Si le Tentateur exige que tu l’adores, méprise-le comme
le pauvre qu’il est. Dis-lui, encouragé par le sceau du baptême : ‘Moi
aussi, je suis une image de Dieu, mais je n’ai pas, comme toi, été précipité de
ma gloire céleste à cause de mon orgueil. J’ai revêtu le Christ. Par le baptême,
le Christ m’appartient. C’est à toi de m’adorer.’ A ces paroles, crois-moi, il
s’en ira, vaincu et humilié par ceux que le Christ a illuminés, comme il l’a
été par le Christ, lumière primordiale. Tels sont les bienfaits qu’apporte le
baptême à ceux qui reconnaissent sa force ; voilà le festin qu’il propose
à ceux qui souffrent d’une faim méritoire. » Oui, vivons de notre baptême
et jamais le Tentateur ne nous vaincra. Amen.
(Dessin de Coolus, Blog du Lapin bleu)
(Dessin de Coolus, Blog du Lapin bleu)
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