Toute vie connaît un jour ou
l’autre l’épreuve. Toute vie de foi connaît un jour ou l’autre la nuit du
doute. Que voulez-vous ? Ces expériences sont inhérentes à notre
existence. Ce qui fera la différence entre les personnes qui connaissent ces
expériences, c’est la manière qu’elles auront de les affronter. Je ne veux pas
ce matin passer en revue ces différentes manières, mais m’attarder sur
l’enseignement de Paul. Cet enseignement n’est pas philosophique, mais il
s’appuie sur des réalités qu’il a vécues. Mais laissons-lui la parole.
Souvent j’ai été à la mort. Cinq fois j’ai reçu des Juifs les 39 coups
de fouet ; trois fois j’ai été battu de verges ; une fois
lapidé ; trois fois j’ai fait naufrage. Il m’est arrivé de passer un jour
et une nuit dans l’abime ! Voyages sans nombre, dangers des rivières,
dangers des brigands, dangers de mes compatriotes, dangers des païens, dangers
de la ville, dangers du désert, dangers de la mer, dangers des
faux-frères ! Labeur et fatigue, veilles fréquentes, faim et soif, jeûnes
répétés, froid et nudité ! Et sans parler du reste, mon obsession
quotidienne, le souci de toutes les Eglises ! (2 Co 11, 23-28)
Voilà sur quoi s’appuie son enseignement pour celui qui affronte l’épreuve. Une
vie faite d’épreuves qu’il n’a pas recherchées, mais qui se sont imposées à lui
à cause du choix initial du Christ qu’il avait fait après sa conversion. Nous
comprenons alors que la question qu’il pose au début de notre deuxième lecture,
il l’a lui-même affronté dans son existence. Les épreuves qu’il nomme (détresse, angoisse, persécution, faim,
dénuement, danger, supplice), il les a lui-même subies. Il est donc plus
que qualifié pour nous en parler. Paul a une légitimité à aborder cette
question que nul ne peut lui contester. Et pour résoudre cette question, il
pose un acte de foi en deux points.
D’abord, le croyant doit garder
au cœur que Dieu l’aime, et qu’il l’aime infiniment ! Quelle que soit
l’épreuve, rien ne pourra nous séparer de l’amour du Dieu vivant. Cela est plus
vite dit, ou écrit, que fait dans la réalité. Notre première réaction quand
nous abordons l’épreuve n’est-elle pas de nous interroger : Qu’est-ce que
j’ai bien pu faire au bon Dieu pour mériter cela ? Poser la question,
c’est déjà oublier que je suis aimé de Dieu. Poser la question, c’est déjà
remettre en cause l’amour de Dieu pour
nous, puisque nous posons avec cette question le postulat que Dieu pourrait
nous punir, alors qu’il est amour. Paul rejoint ainsi saint Jean qui nous a
appris que le nom de Dieu, c’est Amour : Dieu est amour. Croire que Dieu est amour, c’est croire qu’il n’est
en aucun cas à la source de nos difficultés, de nos épreuves, mais qu’au
contraire, il les porte avec nous, il le vit avec nous. Comment, autrement, en
être vainqueur ? C’est le poète Ademar de Borros qui rapportait cette
histoire : Un jour, je regardais ma
vie. Elle se déroulait sous mes yeux comme des traces dans le sable. En
regardant de près, je voyais deux traces de pas, côte à côte : les miennes
et celle de Dieu. De temps en temps, il n’y avait plus qu’une trace, plus
profonde, plus marquée dans le sable que les autres. En y réfléchissant, je me
rendis compte que ces traces-là, les plus profondes, correspondaient aux jours
difficiles de ma vie. Je demandais alors à Dieu pourquoi il n’était plus là, à
côté de moi. Et il me répondit : mon fils, les jours où tu ne vois qu’une
trace, profonde, correspondent bien à tes jours d’épreuves. Mais s’il n’y a
qu’une trace, ce n’est pas parce que j’étais absent, mais parce que je te
portais sur mes épaules. Dieu nous aime jusqu’à prendre sur lui nos
souffrances, nos épreuves pour nous les faire traverser.
Ceci nous amène au deuxième point
de l’acte de foi de Paul : nos épreuves ne sont rien face à l’amour que
Dieu nous manifeste en Jésus Christ. Lorsque le Christ affronte la croix, il le
fait pour nous, pour notre salut. Jésus est Christ et Seigneur parce qu’il
s’est montré plus fort que la mort, le mal et le péché. Sur la croix, il prend
par avance sur lui toutes nos difficultés, toutes nos épreuves. Et c’est en lui
que nous sommes déjà vainqueurs de tous nos maux. Face à l’épreuve nous n’avons
rien à craindre. Dieu peut certes permettre que nous soyons soumis au Mal, mais
il ne permettra jamais que le Mal l’emporte, son Fils étant vainqueur du Mal.
Nous traversons nos épreuves, forts de l’amour de Dieu, forts de la victoire
définitive du Christ. Lorsque Paul écrit aux Corinthiens que sans l’amour, je ne suis rien, nous
comprenons spontanément que tout ce que nous faisons sans amour est comme sans
valeur. C’est l’amour qui donne du prix à nos actes. Mais nous pouvons
comprendre aussi que sans l’amour de Dieu, nous ne sommes rien. Ou, pour
reprendre une image propre à saint Jean :
sans l’amour, nous sommes comme morts, parce que coupés de Dieu, source de
toute vie, source de l’amour.
Je peux comprendre que les
paroles de Paul peuvent sembler quelque peu difficiles à entendre pour celui
qui affronte l’épreuve. Pourtant,
n’a-t-il pas raison de nous rappeler que notre
secours est dans le nom du Seigneur ? Nous inviter à la foi justement
parce que nous affrontons l’épreuve, c’est nous rappeler que nous ne sommes pas
seuls, que Dieu combat pour nous, avec certitude. Osons invoquer le nom du
Seigneur quand nous sommes dans l’épreuve pour qu’il puisse nous prendre sous
son aile, pour qu’il nous associe à la victoire de son Fils. Et nous serons
sauvés, vainqueurs à notre tour de ce qui aurait pu nous éloigner de lui. J’en ai la certitude : ni la mort ni la
vie, ni les esprits ni les puissances, ni le présent ni l’avenir, ni les astres
ni les cieux, ni les abîmes, ni aucune autre créature, RIEN ne pourra nous
séparer de l’amour de Dieu qui est en Jésus Christ notre Seigneur. Amen.
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