Et
si vous aviez été à la place de Pierre, qu’auriez-vous répondu alors à Jésus ?
Entendez bien ma question : qu’auriez-vous dit alors et non pas que
diriez-vous aujourd’hui. La différence peut sembler minime, mais elle est
essentielle : qu’auriez-vous répondu à la place de Pierre en sachant ce que
Pierre sait à ce moment-là ? Ce n’est quand même pas la même chose que de
répondre après deux mille ans de christianisme et surtout après l’événement de
Pâques, cœur de notre foi.
Pour
vous mettre dans la peau de Pierre, il faut pendant un instant oublier ce que
vous avez appris de Jésus et faire un
effort de mémoire. Un jour, vous (à la place de Pierre) êtes appelés à suivre
un inconnu. Vous laissez tout : famille, travail pour suivre quelqu’un qui
vous aborde par hasard alors que vous êtes en plein travail. Qui est cet homme ?
Un beau parleur, un prédicateur qui déplace des foules venues l’écouter. Il
donne une grande prédication sur la montagne : il redéfinit le bonheur à
travers un texte que les générations futures appelleront béatitudes. Mais cela,
pour l’instant, vous l’ignorez. Il redéfinit la loi : vous avez appris… et bien moi je vous dis… Il appelle d’autres
encore à le suivre, dont un publicain, Matthieu. Il parle d’un Dieu de
miséricorde, venu pour les pécheurs plus que pour les justes. Vous êtes envoyés
en mission avec pouvoir d’expulser les
esprits mauvais et de guérir toute maladie et toute infirmité. Vous entendez
Jésus parler de Dieu comme de quelqu’un qui veille sur chacun. Et puis il y a
des paroles un peu plus mystérieuses : celui
qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi, qui veut
garder sa vie pour soi la perdra ; qui perdra sa vie à cause de moi la
gardera ; ou encore : personne
ne connaît le Fils, sinon le Père, et personne ne connaît le Père, sinon le
Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler. Après cela, vous digérer
encore quelques discours en paraboles auxquels vous n’aviez pas compris grand-chose,
puisque Jésus lui-même a dû tout réexpliquer en privé. Si cela vous chagrine
que nous la sachions, je peux juste vous dire que c’est Matthieu qui a cafté !
Après cela, vous vous retrouvez avec une foule immense qui a bien pensé à
suivre Jésus, mais qui en a oublié l’essentiel : un casse-croûte, au cas
où l’enseignement se prolongerait. Ce qui n’a pas manqué d’arriver. Que faire ?
Jésus vous l’a dit : donnez-leur
vous-mêmes à manger ! J’aurai donné cher pour voir votre tête. Mais
bon, vous avez fait ce que vous avez pu, et vous avez fini par trouver cinq pains et deux poissons pour plus de
cinq mille hommes, sans compter les femmes et les enfants ! Heureusement, Jésus était là ; il ne vous
lâche jamais. Tous ont pu manger à leur faim ; il y avait même des restes.
La nuit qui suivi, vous avez connu une petite frayeur : Jésus a marché sur
l’eau, et devant votre étonnement, vous a invité à faire de même. Comme souvent,
vous n’avez pas résisté à la tentation de fanfaronner : Jésus appelle,
vous courez ! Je ne vous demanderai pas si l’eau était bonne ! Pour
finir, Jésus exauce votre prière et guérit une cananéenne qui vous casse les
oreilles. Ayant vécu tout cela, que répondez-vous à la question de Jésus qui
vous interroge : et pour vous, qui
suis-je ?
Certes,
vous avez bien quelques indices pour peu que vous ayez bien écouté votre rabbin
à la synagogue le jour du sabbat. Avec un peu d’imagination, vous pouvez faire
un lien entre Jésus et Moïse : les deux ont permis à Dieu de nourrir son
peuple, Moïse par le don de la manne, Jésus en multipliant les pains et les
poissons. Vous pouvez accentuer le même lien grâce à la Loi : Moïse est
celui par qui Dieu a donné la Loi à son peuple ; Jésus est celui qui l’a
menée à sa perfection, notamment en vous invitant à aimer votre ennemi. Son enseignement en parabole le rapprocherait
de quelques prophètes et les miracles que vous avez constatés le place quelque
part près de Dieu. Mais auriez-vous dit de vous-mêmes, sur votre simple
expérience, qu’il est le Messie, le Fils
du Dieu vivant ? Une telle pensée n’aurait même pas traversé votre
esprit. C’est au-delà de toute imagination ! N’en voulez donc pas à
Pierre, (ni aux autres d’ailleurs), de n’avoir pas su, et de n’avoir trouvé la
bonne réponse que parce que quelqu’un la lui a soufflé. Ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père
qui est aux cieux.
Nous
retrouvons ici l’enseignement donné par Jésus lui-même quand il disait : personne ne connaît le Fils, sinon le Père,
et personne ne connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le
révéler. La foi de Pierre, et notre foi, est d’abord une foi révélée. Nous ne
l’avons pas inventée, nous ne l’avons pas déduite de quelques théorèmes ou de
quelques démonstrations magiques. Dieu se révèle à nous. Dieu nous révèle son
Fils comme il l’a jadis révélé à Pierre et aux autres Apôtres. Cela n’exclut pas
que les Apôtres aient besoin de signes pour asseoir leur foi, surtout après la
mort en croix de Jésus. Mais la révélation par Dieu permet de donner sens. Dieu révèle à Pierre qui est Jésus ;
Jésus, à son tour, révèle aux hommes qui est Dieu. Ainsi Jésus n’est pas qu’un
homme avec de super pouvoirs, capable de ressusciter les morts, de guérir
lépreux et handicapés de toutes sortes ; il n’est plus un beau parleur ou
l’un des prophètes : il devient l’ultime parole de Dieu pour les hommes. De
même, par Jésus, Dieu n’est plus celui qui se fâche contre les hommes qui ne
suivent pas sa Loi ; il n’est pas avec nous dans un rapport de marchandage ;
il se révèle un Dieu qui prend soin de nous, qui nous donne la nourriture en
temps voulu ; bref, il est un Père pour nous, un Père aimant, un Père
pardonnant.
L’importance
de cette révélation du Fils par le Père et du Père par le Fils, nous la
constatons aujourd’hui. S’il suffisait de lire les évangiles pour croire, nous
devrions être nombreux, vu que la Bible est le livre le plus vendu dans le
monde. On peut donc supposer aussi qu’il est le livre le plus lu !
Pourtant, beaucoup d’hommes et de femmes ont lu et ne croient toujours pas. Il ne
suffit donc pas d’assister aux miracles, ni même d’entendre les discours de Jésus ;
il faut encore un cœur ouvert à Dieu, ouvert à la révélation qu’il veut nous
faire de son Fils. En lisant la Bible à la maison, en entendant les textes bibliques
lorsque la communauté se rassemble, il nous faut avoir conscience que c’est
bien Dieu qui nous parle, Dieu qui se dit à nous à travers ces textes. Sinon,
ils ne sont que beaux textes, éventuellement dignes d’être lus et commentés,
mais sans grande différence avec les œuvres de quelques grands philosophes ou
humanistes. Si nous n’avons pas conscience que Dieu se dit et se révèle à nous,
Jésus n’est qu’un grand homme de plus, qui aura perdu sa vie pour rien d’autres
que pour ses idées. Or Jésus n’a pas donné sa vie pour ses idées, mais pour
nous ; sa vie est bien livrée en rançon pour notre vie.
Quand
Dieu révèle à Pierre qui est Jésus, c’est l’humanité tout entière qui peut se
laisser approcher de Dieu et l’entendre nous révéler le nom de son Fils. Quand Jésus
établit Pierre pour être la pierre de fondation de son Eglise, c’est l’humanité
tout entière qui peut découvrir qui est Dieu et comment il refonde le peuple de
son alliance. Remercions Pierre d’avoir laissé Dieu parler à travers lui et
imitons-le lorsque nous proclamerons notre foi, dans un instant. C’est toujours
Dieu qui, à travers nous, dit au monde qui il est, qui est Jésus et ce dont l’homme
est capable par son Esprit Saint. Comme Pierre, soyons les relais de Dieu.
Amen.
(Photo prise en la cathédrale de Tours)
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