Régulièrement,
il est demandé à l’Eglise de revoir son vocabulaire. Certaines expressions
seraient un obstacle à la foi, si ce n’est carrément responsable de la
désaffection de nombreux croyants. Il faudrait donc simplifier les mots, éviter
les expressions difficiles à comprendre. La Trinité fait partie de ces concepts
que certains jugent trop compliqués à saisir. Comment faire admettre à un
esprit cartésien, nourri de mathématique, qu’en religion : 1 + 1 + 1 =
toujours 1 ? Le Père, le Fils et le Saint Esprit, trois personnes
différentes mais qui ne sont qu’un seul Dieu ! La Trinité, obstacle ou
fondement de la foi chrétienne : tout l’enjeu de la fête est là.
Que
peut bien signifier un Dieu unique en trois personnes ? Et surtout comment
être un quand on est trois ? Il y a de quoi y perdre ses mathématiques,
après avoir déjà perdu son latin ! Pourtant, cette réalité est tout à fait
essentielle à la foi chrétienne. Croire en la Trinité, c’est croire que le Dieu
unique auquel nous accordons confiance n’est pas un Dieu solitaire, mais un Dieu
de relation, un Dieu d’alliance. Le Père, le Fils et le Saint Esprit sont unis
entre eux par un lien d’amour irrévocable. Le Dieu Trinité est fondamentalement
Dieu d’amour puisque c’est la réalité qu’il vit en lui-même. Le Père aime le
Fils qui aime le Père dans l'Esprit Saint. Et c’est parce que Dieu vit en lui
un tel amour qu’il peut nous le transmettre et nous en faire vivre. Ce n’est
pas un amour narcissique, refermé sur lui-même, mais un amour partagé, ouvert
aux autres que Dieu vit et qu’il nous invite à vivre. Dieu ne pourrait réellement
nous aimer s’il était tout seul, solitaire.
De
là découle alors pour nous l’importance de l’Eglise, famille des croyants.
Voilà le lieu où circule l’amour du Père ; voilà le lieu de notre unité
profonde, au-delà de nos différences d’âge, de sexe, de culture… L’Eglise, dans
la diversité de ses membres, se comprend comme un corps unique dont le Christ est
la tête. Puisque Dieu est un en trois, nous pouvons n’être qu’un corps en des milliards
de membres. L’amour qui unit les Trois de la Trinité, unit la totalité des
hommes qui croient au Christ. Nous ne faisons plus qu’un en Jésus. Nous sommes
fils de Dieu par Jésus, et dans l’Esprit nous pouvons crier vers Dieu :
Abba ! Père ! Supprimez la Trinité, et il n’y a plus de filiation
pour nous ! Supprimez la Trinité et il n’y aura plus personne pour crier
en nous vers Dieu le Père. Supprimez la Trinité, et vous n’aurez plus qu’un
vieillard solitaire qui n’a besoin que d’individus en relation privée avec lui,
mais qui n’a pas besoin d’un peuple à qui manifester son amour.
Nous
pouvons encore faire un pas de plus et comprendre que, puisque Dieu est amour
en lui-même, puisque l’Eglise est le lieu où cet amour est partagé largement,
il devient indispensable, pour l’Eglise, de répandre cette Bonne Nouvelle. Parce
que Dieu est Trinité, amour partagé en lui-même, nous ne pouvons pas le garder
précieusement pour nous. Nous devons l’annoncer, nous devons le partager :
allez, de toutes les nations faites des
disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit. Ce
n’est pas une option ; ce n’est pas quelque chose à faire si j’ai du temps
en trop ! C’est une exigence de notre foi qui découle du mystère de la
Trinité. Non seulement Dieu n’est pas solitaire, mais il ne supporterait pas d’être
solitaire. Il a autant besoin du Fils et de l'Esprit Saint qu’il a besoin des
hommes pour que l’amour dont il est la source circule et inonde le monde. Nul,
pas même Dieu, ne saurait connaître l’amour et partager l’amour, en restant
seul ! Sans l’autre, aucun amour n’est possible !
Nous
comprenons bien qu’il est impossible de se passer de la Trinité, à moins de
vouloir vider notre foi de ce qui fait sa force : l’amour reçu de Dieu le
Père, vécu en plénitude par le Fils et révélé sans cesse au monde par l'Esprit
Saint. Plutôt que de vouloir simplifier les mots de la foi, simplifions-en les
attitudes, et commençons par aimer, comme Dieu seul aime. Nous appréhenderons
mieux la totalité de la foi, telle que le Christ l’a vécu, dans l’obéissance à
son Père et la force de son Esprit. Amen.