Mettons-nous
en situation : un fanatique religieux poursuit ceux de votre communauté.
Il les met en prison ; certains y trouvent la mort. Et voilà que ce
sinistre personnage veut faire partie de votre groupe, de vos proches en disant
qu’il s’est converti. L’accueillez-vous aussitôt à bras ouverts ?
N’êtes-vous pas un peu méfiants ? Après tout, qui vous garantit que ce
n’est pas une ruse pour avoir des noms de personnes à arrêter encore ?
C’est
la situation dans laquelle se trouvent les Apôtres à Jérusalem, lorsque Saul,
le persécuteur converti se présente devant eux. Tous avaient peur de lui et ils ne croyaient pas que lui aussi était un
disciple. Pas très difficile à comprendre ou à admettre. Il n’a pas
vraiment été un tendre, ce Saul de Tarse. C’est lui qui est allé solliciter de
la part du grand conseil les lettres nécessaires à sa campagne d’arrestation.
Il n’est pas un simple rouage pris dans une entreprise de destruction qui le
dépasse. Non, il est bien celui qui en est à l’origine et qui va chercher les disciples
du Seigneur, même à Damas ! Alors oui, nous pouvons comprendre que les
autres en aient peur. Même converti, il faut que Saul prenne le temps de se
faire connaître, et de faire confirmer sa conversion par la communauté. C’est
Barnabé qui va être l’intermédiaire, celui qui témoignera de l’œuvre de Dieu en
Saul. C’est lui qui raconte aux Apôtres la conversion de Paul, ainsi que les
premières prédications à Damas. Alors seulement la communauté des disciples
l’accueille ; alors seulement il peut aller
et venir dans Jérusalem avec eux, s’exprimant avec assurance au nom du
Seigneur. C’est alors seulement qu’il peut bénéficier de la protection de
la communauté quand les Juifs de langue
grecque cherchaient à le supprimer. La jeune communauté chrétienne a grandi
très vite. De la peur des débuts à la proclamation décomplexée de la mort et de
la résurrection de Jésus, les Apôtres ont augmenté le nombre des disciples et
ont appris à réagir aux rumeurs les concernant. Saul est en danger : les frères l’accompagnèrent jusqu’à Césarée
et le firent partir pour Tarse. De la peur, ils sont passés à la confiance.
Confiance en Dieu, confiance en soi, mais aussi confiance les uns dans les autres.
Ce
passage de la peur à la confiance est une nécessité pour la jeune communauté.
D’abord parce qu’elle ne peut s’enfermer sur elle-même ; ce serait
contraire à l’ordre donné par le Christ d’annoncer la Bonne Nouvelle à toutes
les nations. Ensuite parce que cette confiance traduit sa foi en la présence
agissante et protectrice de celui qu’elle confesse comme Christ et Seigneur. Il
ne s’agit pas de naïveté ; il s’agit de savoir lire les signes que le
Seigneur réalise encore en sa faveur. La conversion de Saul sur le chemin de
Damas en est un. Ce passage de la peur à la confiance est possible à cause de
l’amour qui les unit. Ce n’est pas un amour qui se paie de mots ; c’est un
amour qui se traduit par des actes et en
vérité, comme nous y invite saint Jean dans l’épître que nous avons
entendue. Seul cet amour véritable, à l’image de l’amour que le Christ nous
porte, peut nous entraîner à reconnaître les signes de Dieu. Que
voulez-vous : seul l’amour reconnaît l’amour à l’œuvre. Seul l’amour nous
donne de l’assurance devant Dieu.
Nous
pouvons comprendre alors l’importance du discours de Jésus à ses disciples sur
la vigne et les sarments. Si quelqu’un n’est pas vraiment attaché au Christ,
comme un sarment est attaché à son pied de vigne, il ne peut vraiment faire
confiance et reconnaître les signes de Dieu, ni davantage aimer comme le Christ
nous demande d’aimer. En lisant bien la page d’évangile, nous comprenons même qu’il
ne suffit pas d’être attaché au Christ : il y a des sarments qui sont
attachés à la vigne mais qui ne portent pas de fruits. Il faut encore se
laisser irriguer par la sève de son amour. Cette sève, c’est la Parole de Dieu.
Si vous demeurez en moi, et que mes
paroles demeurent en vous, demandez ce que vous voulez, et cela se réalisera. Il
faut que la Parole de Dieu demeure en nous. Pour cela, nous devons l’accueillir
comme Saul a accueilli la parole de Jésus sur la route de Damas. Il faut la
laisser agir en nous pour qu’elle puisse convertir en nous ce qui lui est
contraire, comme Saul a su le faire à Damas, lorsque pendant trois jours, il
restait en prière.
Attachés
au Christ, attentifs à sa Parole, ouverts aux signes de sa présence, nous
pouvons nous enraciner dans cette confiance absolue que rien ne peut nous
atteindre. Le Christ ressuscité a promis qu’il serait avec nous, jusqu’à la fin
des temps. Sa présence à notre monde permet de retourner le cœur des
adversaires et faire grandir la foi en son nom. Avec les Apôtres, ne craignons
plus et vivons avec confiance dans un monde qui peut sembler plus hostile et
opposé à la foi en ces temps qui sont les nôtres. Sans peur, sans honte et sans
agressivité, vivons ce que nous croyons. Amen.
(Dessin de Coolus, Le Blog du Lapin Bleu)
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