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lundi 26 décembre 2016

Nuit de Noël - 24 décembre 2016

Quand Dieu se fait migrant...




En ces jours-là, parut un édit de l’empereur Auguste, ordonnant de recenser toute la terre… Et tous allaient se faire recenser, chacun dans sa ville d’origine. Ainsi est planté le contexte de la fête qui nous réunit en cette nuit : la vanité d’un homme voulant connaître le nombre de ses sujets. Joseph, lui aussi, monta de Galilée, depuis la ville de Nazareth, vers la Judée, jusqu’à la ville de David appelée Bethléem… Il venait se faire recenser avec Marie, qui lui avait été accordée en mariage et qui était enceinte. Quand on sait l’état des routes, les dangers des voyages, et l’absence de transport confortable, c’est une folie que de jeter sur la route une femme enceinte. Marie et Joseph se plient à la volonté d’un homme comme ils se sont pliés, quelques mois plus tôt à la volonté de Dieu. Ils font ce que l’on attend d’eux. Et Dieu se fait ainsi migrant ! 
 
Or pendant qu’ils étaient là, le temps où elle devait enfanter fut accompli. Elle mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune. On aurait pu s’attendre à quelque chose de plus glorieux pour la naissance du Fils de Dieu. Nous n’aurons rien de plus que la vanité d’un homme, la difficulté à trouver un peu de place, et une mangeoire. Quel palais pour le Fils du Très-Haut ! Celui qui doit sauver le monde, Jésus, naît pauvre parmi les pauvres. Et les premiers visiteurs ne sont que des bergers, le bas du bas de l’humanité, rameutés par un ange du Seigneur. Et pourtant, quelle fête ! 
 
A relire l’évangile de Luc, il ne semble pas que le contexte soit un obstacle à la joie de la naissance. Même le ciel est en fête : Et soudain, il y eut avec l’ange une troupe céleste innombrable qui louait Dieu en disant : Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’il aime. Dieu lui-même se réjouit de cette naissance et c’est bien assez. Les hommes auront tout le temps de se réjouir quand cet enfant, devenu grand, accomplira le salut promis. En Jésus, Dieu se fait migrant, quittant le trône de sa gloire pour partager notre humanité la plus simple. Il ne quitte pas la gloire du ciel pour la gloire d’un palais, mais pour la vie la plus ordinaire qui soit, avec son lot de joies et de peines. Une humanité pleinement assumée. C’est peut-être cela qui fera dire à saint Irénée que la gloire de Dieu, c’est l’homme vivant. Voilà fixé l’horizon de la mission de cet enfant : prendre sur lui tout ce qui fait une vie d’homme, pas seulement les bons côtés, pas seulement la vie d’une minorité (celle qui vit dans les palais), mais la vie de tous les hommes (y compris ceux qui sont jetés sur les routes, ceux qui sont déconsidérés, ceux qui sont pauvres) pour les mener au salut. 
 
Quand Dieu se fait migrant, marchant sur nos routes humaines, c’est donc pour que Dieu et les hommes puissent se rencontrer. Il n’est pas comme les dieux de l’Olympe qui se contentent de regarder les hommes pour s’en amuser ; non, il est Dieu de l’Alliance, Dieu qui veut faire de l’homme un partenaire, un égal. Dieu ne va pas sans l’homme, pas plus que l’homme ne peut aller sans Dieu. Pour reprendre la citation intégrale de saint Irénée : la gloire de Dieu, c’est l’homme vivant ; la vie de l’homme, c’est la vision de Dieu. L’homme ne vit pleinement que lorsqu’il voit Dieu, lorsqu’il prend en compte ce partenaire d’Alliance. En Jésus, Dieu et l’homme sont à jamais liés. La joie que connaît le ciel en cette nuit, la joie de Marie et de Joseph d’accueillir leur enfant, la joie des bergers devant la vision de cet enfant, doit devenir la joie de tous les hommes. Cette joie doit être notre joie aujourd’hui, parce que nous ne vivons pas dans le souvenir d’un événement passé, mais parce que aujourd’hui, en cette fête de Noël, Dieu vient à notre rencontre, Dieu vient assumer notre humanité, totalement, pour nous permettre de vivre parfaitement quand nous le contemplons, quand nous le servons. Et nous pouvons le contempler, et nous pouvons le servir à travers chaque homme, chaque femme, chaque enfant qui croisent notre route. Quand Dieu se fait migrant, les hommes deviennent responsables les uns des autres. En effet, en chaque humain que je rencontre, je suis invité à voir et à servir Dieu lui-même. Jésus nous le rappelle lorsqu’il nous dit : ce que vous avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ! 
 
En cette nuit, Dieu se fait migrant pour nous offrir la vie, pour nous offrir la paix. C’est bien ce que proclame le chant des anges. Cette paix devient possible parce que Dieu et l’homme se rencontrent et se reconnaissent. La paix n’est jamais le fruit d’un chacun chez soi ; elle est le fruit d’une rencontre et d’une reconnaissance mutuelle. En cette nuit où le Tout-Autre vient nous rencontrer, apprenons de lui à construire cette paix proclamée par les anges. Puisque Dieu se fait migrant pour nous offrir sa vie et sa paix, acceptons de sortir de nous-mêmes, allons à la rencontre des autres et le miracle de Noël (vie et paix pour tous) deviendra réalité. Amen.
 
(Tableau de Domenico Ghirlandaio, La Nativité, 1483-1485, Chapelle SASSETTI, Basilique Santa Trinita, Florence)

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