Nous
connaissons tous la figure du Baptiste que nous croisons une première fois en
ce deuxième dimanche de l’Avent. Nous connaissons sa figure et son
message : Convertissez-vous, car le
royaume des Cieux est tout proche. Il consacre ainsi l’urgence de la
conversion à effectuer. Il semble que soit venu le moment où il n’est plus
possible de la repousser. Il semble que le ciel se décide à agir enfin. On
comprend dès lors pourquoi Jérusalem,
toute la Judée et toute la région du Jourdain se rendaient auprès de
lui, et ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain en reconnaissant
leurs péchés. L’urgence de la conversion, Jean le Baptiste l’avait rendue
contagieuse ; les gens le prenaient au sérieux et ils le manifestaient en
venant à lui en nombre. Quand le ciel intervient, il vaut mieux se tenir
prêt !
Remarquez :
ce n’est pas nouveau, cette attente d’une intervention du ciel pour qu’enfin
renaissent la paix, la justice, l’équité ! Isaïe, en son temps, dénonçait
déjà les comportements contraires à la Loi qui menaient à la ruine du peuple.
Il annonçait aussi qu’un jour viendrait où Dieu enverrait son messager, un roi
issu de David, pour remettre de l’ordre dans le Royaume en perdition. Il
faisait ainsi comprendre à sa manière qu’il était nécessaire et urgent que
l’humanité se convertisse, qu’elle change de vie, qu’elle retrouve Dieu. Car Dieu
seul produit la justice ; lui seul donne la paix véritable ; lui seul
peut réconcilier les contraires ; lui seul jugera avec justice. Les images
de la prophétie d’Isaïe sont éloquentes à ce sujet : Le loup habitera avec
l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau, le veau et le lionceau
seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira. La vache et l’ourse
auront même pâture, leurs petits auront même gîte. Le lion, comme le bœuf,
mangera du fourrage. Le nourrisson s’amusera sur le nid du cobra, sur le trou
de la vipère l’enfant étendra la main. Il n’y aura plus de mal ni de corruption
sur toute ma montagne sainte. C’est bien un monde de paix et
de fraternité qu’annonce Isaïe ; un monde où l’humanité sera réconciliée
avec toute la création ; un monde où Dieu lui-même règnera. N’est-ce pas
là une bonne nouvelle ? Soyons en assurés, cela se réalisera : Dieu
l’a promis.
Mais alors se
pose la question du « Quand » ? L’humanité n’attend-t-elle pas
depuis assez longtemps pour que cela se produise enfin ? Quand Dieu
interviendra-t-il pour que cette fraternité et cette ère de paix s’ouvre ?
Je n’ai pas de date à fournir, mais les Ecritures entendues aujourd’hui font
preuve d’une grande clarté. La réponse tient en deux temps.
Premier
temps : il faut que l’humanité se convertisse ! Qu’elle change sa
manière de concevoir le monde, les rapports entre les hommes. Il faut que la
loi du plus fort cède le pas à la loi de l’amour. Il faut que les hommes
découvrent comment Dieu agit dans le monde, dès aujourd’hui. Nous pouvons
découvrir ce Règne qui se réalise, si nous savons jeter sur le monde le regard
même de Dieu. Et si nous portons ce regard sur le monde, nous nous ouvrirons à
la patience et à la persévérance. Patience, parce qu’il faudra encore du temps
pour que tous les hommes soient capables de reconnaître Dieu à l’œuvre.
Persévérance, car devant l’attitude quelquefois hostile du monde dans lequel
nous vivons, il nous faut croire que Dieu fait son œuvre. Et c’est là que nous
nous rendons compte que Dieu a besoin de nous pour faire progresser son
Royaume. Il a besoin que nous témoignions de ce que nous avons vu et
entendu ; il a besoin de témoins véridiques pour que les indifférents, les
hostiles puissent laisser leur cœur s’ouvrir à sa Parole. Nous sommes les Jean
le Baptiste de notre génération ; nous avons à dire la Parole pour qu’elle
puisse être entendue.
C’est le
second temps : la Parole de Dieu entendue, reconnue et tenue pour
véridique. Ce second temps commence par la patience nécessaire pour examiner
nous-mêmes cette Parole et son efficacité ; il nous faut le temps
d’accueillir cette Parole, de la lire, de la comprendre. C’est la Parole
entendue, comprise et vécue par quelques-uns qui touchera le cœur des hommes et
leur ouvrira un chemin de conversion. Le « vivre ensemble » annoncé
par les prophètes, re-fondé par la Loi d’amour du Christ Sauveur, dépend de
notre capacité à accueillir cette Parole dans nos propres vies et à nous
laisser convertir par elle. Il revient donc bien aux croyants que nous sommes de
commencer à vivre cette Parole ; il n’y a pas d’autre voie pour être un
témoin authentique. Dieu est patient avec nous : il annonce la venue du
jour du jugement, mais il laisse à chacun le temps de se convertir. Nous
pouvons donc commencer dès maintenant à bâtir entre nous une vraie fraternité
permettant un « vivre ensemble » de qualité. Si chacun s’y met, le
monde peut changer. Les courriers des nombreuses associations caritatives qui
s’adressent à nous en chaque fin d’année montrent que des hommes et des femmes
savent se mobiliser pour procurer à d’autres un surcroît de vie. Tous ne sont pas
chrétiens : mais tous ont compris que la solidarité n’avait pas de
frontière et que si l’on attendait que l’autre commence, jamais rien ne se
ferait. Certains agissent au nom d’une humanité à développer ; nous
pouvons et devons, quant à nous, agir au nom du Christ, lui qui a donné à
l’humanité sa vraie dimension : elle est à l’image et à la ressemblance de
Dieu, un Dieu qui n’abandonne jamais son peuple, un Dieu qui voit la misère des
hommes, un Dieu qui entend les cris des malheureux. Témoins d’un tel Dieu, comment pourrions-nous
ne pas avoir la même attention à ces petits dont le Christ dit qu’ils sont ses
frères !
Le
« vivre ensemble » est devenu, en nos temps troublés, un slogan
politique mille fois entendu. Mais il ne peut, ni ne doit le rester. A en
croire les prophètes, c’est d’abord un signe du Royaume qui vient. En nous
appuyant sur la Parole entendue, nous serons les mains de Dieu à l’œuvre dans
le monde pour que cette Parole puisse aussi être vécue. Que l’Esprit Saint nous
aide donc à transformer notre monde en transformant d’abord nos cœurs et nos
vies pour un meilleur service de nos frères et sœurs en humanité. Amen.
(Dessin de Mr Leiterer)
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