Avez-vous
été sensibles à la formulation de l’oraison qui a permis au prêtre de collecter
toutes nos prières individuelles en début de célébration ? C’est la seule,
me semble-t-il, qui s’adresse directement au Christ ; toutes nos autres
prières s’adressent au Père, par le Fils. C’est dire combien la fête qui nous
rassemble est christique ; c’est dire aussi combien il faudrait la nommer
de son vrai nom : Fête du Corps et du Sang du Christ, et non de ce
raccourci traditionnel : Fête-Dieu !
Réécoutons
donc cette prière : Seigneur Jésus Christ, dans cet admirable
sacrement, tu nous as laissé le mémorial de ta passion ; donne-nous de
vénérer d’un si grand amour le mystère de ton corps et de ton sang, que nous
puissions recueillir sans cesse le fruit de ta rédemption. En une phrase,
elle nous donne tout le sens de cette fête, qu’elle resitue bien dans l’axe du
sacrifice du Christ. Si durant la Semaine Sainte nous revivons les derniers
instants du Christ en l’accompagnant vers la croix, la fête de ce jour, située
après le temps pascal, nous permet de célébrer ce sacrifice dans la joie. Car
nous avons compris que, ce qui semblait au Vendredi Saint une malédiction,
était en fait la mise en œuvre du projet de salut de Dieu pour tous les hommes,
comme Jésus ressuscité lui-même le dira aux disciples sur la route
d’Emmaüs : ne fallait-il pas que le Messie souffrît tout cela pour
entrer dans sa gloire ? La fête de ce jour nous permet aussi de mieux
faire le lien entre le don de Jésus sur la croix et le don qu’il nous a laissé
la veille de sa mort, au cours du dernier repas qu’il a partagé avec ses
Apôtres. L’Eucharistie qui nous rassemble nous permet d’actualiser ce don, et
de lier définitivement le dernier repas de Jésus, sa mort sur la croix et la
permanence de ce sacrifice, à travers le temps et l’histoire. Le Christ s’est
livré une fois pour toutes afin que tous les hommes soient sauvés. Il est
mort une fois pour toutes afin que tous les hommes puissent vivre de l’amour de
Dieu. Et l’Eglise, en célébrant l’Eucharistie, mémorial de la Passion, permet,
à travers les âges, aux hommes de se rendre participant de ce grand mystère. Il
n’est pas nécessaire d’avoir vécu au temps du Christ pour être sauvé ;
mais il est nécessaire d’entrer dans ce grand mystère et de reconnaître, dans
le pain et le vin partagés, le Corps livré et le Sang versé du Christ pour la
multitude. Le fruit de la rédemption du Christ, c’est notre vie, c’est
notre salut.
La
préface de la fête de ce jour poursuivra ce que la prière d’ouverture nous a
permis de découvrir et de croire. Elle rappelle d’abord le dernier repas du
Christ laissé en mémorial. Dans le dernier repas qu’il a pris avec ses
Apôtres, afin que toutes les générations fassent mémoire du salut par la croix,
il s’est offert à toi, comme l’Agneau sans péché, et tu as accueilli son
sacrifice de louange. L’Eucharistie n’est donc pas le repas du club des
amis de Jésus, mais bien ce lieu où les amis de Jésus célèbrent sa mort et sa
résurrection. Ils rappellent à jamais que Jésus s’est offert en victime
innocente pour les pécheurs que nous sommes. Puis la préface poursuit : Quand
tes fidèles communient à ce sacrement, tu les sanctifies pour que tous les
hommes, habitant le même univers, soient éclairés par la même foi et réunis par
la même charité. Voici donc énoncés les bénéfices, pour les hommes, de ce
sacrement. Par la communion, ils sont sanctifiés (rendus saints), éclairés
par la même foi et réunis par la même charité. Les disciples du Christ ne
communient donc pas parce qu’ils seraient meilleurs que les autres, mais pour
recevoir de ce pain et de ce vin la sainteté de Dieu. Le Corps et le Sang du
Christ nous libèrent de nos péchés, nous donnent la force de vivre dans l’amour
(la charité) et la capacité à devenir toujours plus et toujours mieux disciples
de Jésus qui se livre pour nous. Nous recevons de notre communion à l’autel un
surcroit de foi. Il est heureux que nous ayons ainsi cette fête pour nous
remettre tout ceci en mémoire et nous permettre de célébrer avec allégresse le
don du salut. Nous avons là un avant-goût de la vie éternelle comme le chante
encore la préface : Nous venons à la table d’un si grand mystère nous
imprégner de ta grâce et connaître déjà la vie du Royaume. Ce que nous
avons pu pressentir le Jeudi Saint, ce que nous n’osions plus espérer au soir
du Vendredi Saint, ce que la fête de Pâques nous annonçait, voilà que nous
pouvons désormais le célébrer chaque dimanche dans la joie.
Finalement,
la fête du Corps et du Sang du Christ nous redit combien nous sommes aimés,
pourquoi nous sommes sauvés et à qui nous devons notre salut. Elle nous
rappelle que notre vie est un don de la grâce de Dieu, comme a pu l’éprouver
jadis le peuple marchant dans le désert et recevant de Dieu, chaque jour, la
manne qui le rassasiait et lui redonnait des forces. Ce que le don de la manne
annonçait, Jésus le réalise toujours et encore. Il est désormais et pour
toujours le don parfait de Dieu à tous les hommes. Il est désormais et pour
toujours la vie pour tous les hommes qui reconnaissent dans le pain et le vin
partagé sa présence amoureuse au monde de ce temps. Comme cette fête nous y
invite, venez, adorons-le ! Amen.
(Sainte Cène, Photo prise en l'église de Baïa Sprie, Roumanie)
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