dans son propre dialecte ceux qui parlaient.
Ils étaient en pleine confusion
parce que chacun d’eux entendait dans son propre dialecte ceux qui parlaient. Cette
phrase pourtant anodine exprime à elle seule toute la puissance de l’Esprit
Saint et toute la nouveauté de cet événement du don de l’Esprit Saint. Pour
bien comprendre, il nous faut revenir en arrière, à l’époque où, selon le livre
de la Genèse, toute la terre avait la
même langue et les mêmes mots (Gn 11, 1). Temps sans doute béni pour ceux
qui n’aiment pas les langues étrangères. Temps maudit pourtant où l’homme se
laisse aller à la tentation d’assurer l’unité de l’humanité par un impérialisme
politico-religieux. Dieu va déjouer les plans des hommes en les dispersant à la
surface du monde. Désormais l’homme devra trouver des terrains d’entente avec
ceux qu’il ne comprend plus, ceux qui sont différents de lui, ceux qui parlent
une autre langue. A bas l’uniformité ; vive la diversité ! Vive les
chemins d’unité !
Ils étaient en pleine confusion
parce que chacun d’eux entendait dans son propre dialecte ceux qui parlaient. Cet événement de la Pentecôte marque
le renversement de cette situation créée par l’épisode de Babel. Les hommes ne
parlent toujours pas la même langue et pourtant chacun peut entendre les
merveilles de Dieu dans son propre
dialecte. Et ils sont nombreux ; et ils sont divers : ils sont Parthes,
Mèdes et Elamites, ils viennent de la Mésopotamie, de la Judée et de la
Cappadoce, de la province du Pont et de celle d’Asie, de la Phrygie et de la
Pamphile, de l’Egypte et des contrées de Lybie, ils sont Romains de
passage, Juifs de naissance et convertis, Crétois et Arabes. Une belle
diversité, une belle représentation de l’humanité dans sa diversité. Et pourtant,
chacun d’eux entendait dans son propre dialecte ceux qui parlaient. C’est
dire que la force de l’Esprit Saint n’abolit pas la frontière des langues, elle
la dépasse. La diversité du genre humain est respectée. L’Esprit parle au cœur
de chacun, car chacun est concerné par l’appel de Dieu à une vie autre. Et
l’Esprit ne demande pas à l’un de devenir comme l’autre. Il invite tout homme à
se laisser guider par Dieu. La seule normalité dans la vie de foi, c’est la vie
sous la conduite de l’Esprit de Dieu et non l’acceptation plus ou moins forcée
de règles de vie appartenant à telle ou telle société humaine au détriment de
celles des autres. L’Esprit dit à chacun : tu es appelé à vivre selon
l’Esprit de Dieu dans ton quotidien, avec ce que tu es, avec ce que tu
deviendras, avec le pire et le meilleur qui sommeille en toi. Tu es une personne
particulière, qui a du prix aux yeux de Dieu et non un numéro perdu dans une
foule anonyme. Ta richesse, c’est ta différence.
Oui, ils
étaient en pleine confusion parce que chacun d’eux entendait dans son propre
dialecte ceux qui parlaient. Aujourd’hui encore, nous sommes
appelés à nous laisser surprendre par l’Esprit de Dieu, à recevoir son message
dans notre propre langue, et à accepter qu’il puisse s’adresser à un autre que
moi, différemment, d’une manière que je ne comprends pas. Vivre de l’Esprit de
Pentecôte, c’est recevoir la différence de l’autre comme une grâce et non comme
une atteinte à ma manière de vivre et de croire. Vivre de l’Esprit de
Pentecôte, c’est regarder l’autre, l’étranger, comme un frère à aimer, même
s’il n’entre pas dans les critères que je me suis fixé, même s’il ne correspond
pas à ce que j’en attendais. Vivre de l’Esprit de Pentecôte, c’est vivre
l’unité dans la richesse de la diversité de nos vies. C’est croire qu’un avenir
commun est possible, malgré ou grâce à cette diversité et que celui qui m’est
différent, ne m’est ni un ennemi, ni un indifférent.
Saint
Paul l’exprime de fort belle manière lorsqu’il prend la comparaison du corps
pour exprimer sa foi en l’Eglise une mais diverse. Poursuivons juste de trois
versets l’extrait de la première lettre aux Corinthiens entendu en ce dimanche :
Aussi bien le corps n’est-il pas un seul
membre mais plusieurs. Si le pied disait : « Parce que je ne suis pas
la main, je ne suis pas du corps », il n’en serait pas moins du corps pour
cela. Et si l’oreille disait : « Parce que je ne suis pas l’œil, je
ne suis pas du corps », elle n’en serait pas moins du corps pour cela. Si
tout le corps était œil, où serait l’ouïe ? Si tout le corps était
oreille, où serait l’odorat ? (1 Co 12, 14-16). Oui, de même que le
corps a besoin de tous ces membres aux fonctions variés, de même l’Eglise
a-t-elle besoin d’une variété de membres aux fonctions diverses mais
complémentaires. De même l’humanité a-t-elle besoin de ces différences et de
ces richesses.
Ils étaient en pleine confusion parce que chacun d’eux
entendait dans son propre dialecte ceux qui parlaient. Ne minimisons pas l’importance de
cette fête en la reléguant au rang de simple souvenir d’un temps passé. Ne
sous-estimons pas la puissance de l’Esprit de Dieu. Aujourd’hui encore, il peut
faire toute chose nouvelle ; aujourd’hui encore, il construit l’unité de
son peuple, de son Eglise, dans la diversité des cultures qui la traversent,
dans la diversité des personnes qui la composent. Ne demandons pas un retour à
l’uniformité, mais prions pour que nous devenions capable d’accepter l’autre
comme il est, sans vouloir le changer et le faire entrer dans nos critères à
nous. Laissons-nous toucher par l’Esprit de Dieu : qu’il poursuive en nous,
et à travers nous, l’œuvre commencée par les Apôtres. Que de plus en plus de
nos contemporains puissent entendre les merveilles de Dieu, chacun dans son propre dialecte. AMEN.
(Image réalisée sur festisite.com)
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